Transports aériens

Air Austral entre hyper-concurrence et "consolidation"

  • Publié le 2 mars 2023 à 05:27
  • Actualisé le 2 mars 2023 à 13:34

La récente visite de Jean-François Carenco, "ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer chargé des Outre-mer" - pour respecter ordre protocolaire et préséances -, a ramené le redécollage d'Air Austral au premier rang des événements économiques du 2023. L'occasion pour Imaz Press de restituer le contexte global dans lequel intervient la relance de la compagnie (Photo rb/www.imazpress.com)

Jean-François Carenco s'est longuement arrêté dans les locaux d'Air Austral, le 16 février 2023, en arrivant à La Réunion, où il a rencontré le ban et l'arrière-ban de la politique locale et de la Sematra, sans oublier les acteurs privés de la reprise d'Air Austral.

Les langues se sont déliées à cette occasion, le ministre brossant à sa façon le cadre dans lequel s'est déroulé le "sauvetage" de la compagnie : "Ce gouvernement a sauvé Air Austral. Je ne vous dis pas les dizaines de millions d’euros que cela coûte (…) La condition que Bruxelles a donneé, c'est de faire des choses rentables…", avec pour conséquences une obligation de résultat et l'impossibilité pour l'État de dire "dans deux ans, je commence à remettre de l'argent".

On sait effectivement que pour la Commission européenne, le respect de la concurrence, interdit tout soutien d'État jugé abusif dès lors qu'il interviendrait au profit d'entreprises aux activités non rentables et donc aux dépens d'entreprises présentes sur les mêmes marchés… 

D'où l'obligation faite par l'organe exécutif de l'Union européenne à Air Austral, de limiter le nombre de lignes de son réseau. Il est notamment demandé à la compagnie de fermer les rotations qui ne seraient pas rentables et de s'interdire des prises de participation dans d'autres entreprises.

La Commission européenne demande aussi à Air Austral de limiter sa capacité en passagers à l'existant et plus largement de compenser "par des mesures spécifiques, notamment structurelles (…) les distorsions de concurrence induites" par les aides d'État…"

Ce qui passe entre autres par l'ouverture d'accords commerciaux "aux compagnies aériennes qui en feraient demande…" Cet arsenal de contraintes aura force de loi pendant toute la durée du plan de restructuration, et donc jusqu'en mars 2025.

- Des liaisons vitales car rentables, -

Au vu de ce qui précède on comprend mal Jean-François Carenco lorsqu'il déclare : "Cette compagnie ne peut pas et ne doit pas se résoudre à Saint-Denis, Mayotte, Paris (…) Plein d'autres gens peuvent le faire…"

Non seulement Air Austral doit assurer ces liaisons, vitales, car rentables, mais elle doit en sus impérativement les assumer, tout particulièrement vis à vis de Mayotte, car elle est actuellement la seule à pouvoir le faire par tous les temps, étant équipée pour cela, et qu'elle doit assurer en la matière une obligation de service public.

Jean-François Carenco engage aussi la compagnie à se mettre "au service des chefs d'entreprise, des Réunionnais pour aller partout dans leur environnement, au sens large. Je pense que c'est l'océan Indien ou Abou Dabi, avec de l'optimisation…". Étrange car la déclaration va à l'encontre des contraintes imposées par la Commission européenne.

Abou Dabi ne figure pas au nombre des destinations desservies par Air Austral, contrairement à Chennai (ndlr : ex-Madras), ligne suspendue sur ordre de Bruxelles, relayé par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), en attendant que démonstration soit faite de sa rentabilité. Ce à quoi s'est attelé Joseph Brema…

- Aucune ligne de fracture interne entre RunAir et la Région Réunion -

La décision du maintien ou de l'arrêt de cette ligne ne dépend donc pas exclusivement du futur directoire d'Air Austral, voire de la volonté politique de la Région Réunion, dont le poids conséquent au sein de la Sematra nouvelle version, comme du futur conseil de surveillance, ne protège pas d'un éventuel veto de Bruxelles.

Néanmoins il apparaît clairement qu'il n'existe sur le sujet aucune ligne de fracture interne entre RunAir et la Région Réunion, Michel Deleflie ayant clairement affiché sa position lors de la visite ministérielle. "A mon avis, la desserte de Chennai sera gardée. L'Inde est de plus en plus présente dans l'océan Indien. Il faut qu'on y soit (…) si on veut développer des lignes qui ne sont pas rentables, il faut que la Région nous aide", a-t-il déclaré en invoquant une version décentralisée de la raison d'État, qui serait la "raison politique”.

Il est vrai que les collectivités d’outre-mer bénéficient de possibilités spéciales, afin de leur permettre de mener des coopérations, y compris avec des États souverains, dans leur voisinage régional. Notamment dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD), inscrits dans l’Agenda 2030 de l'ONU..

Le rayonnement de la France, "pays riverain de l'océan Indien", passe obligatoirement par des lignes aériennes régionales depuis La Réunion ; sauf à vouloir en faire un cul de sac en bout de lignes Nord-Sud.

Et il serait bien malvenu qu'une telle connectivité régionale soit battue en brèche par une Commission européenne par trop focalisée sur le "rôle très important" que joue Air France dans l’économie française, "départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM)" y compris.

La force d'Air Austral, et sa légitimité viennent du fait que la compagnie du Capricorne (Ndlr : en référence au tropique du Capricorne), a développé son réseau, en moyen-courrier, à partir une arborescence basée dans la zone Sud-Ouest de l'océan Indien.

Sur cette base s'est greffé un axe long courrier Nord-Sud. Au départ de La Réunion elle ouvre d'une part sur Madagascar, Mayotte, les Comores, les Seychelles, l'Afrique de l'Est et du Sud, de l'autre vers Maurice, l'Inde et l'Asie…

Ce qui est clairement un bon positionnement en termes de désenclavement. Il convient de toujours en tenir compte

pl/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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9 Commentaires
Roman
Roman
1 an

Complètement faux

Roman
Roman
1 an

Surpris par une si bonne analyse.
C'est rare dans la presse d'aujourd'hui.
Effectivement Air Austral est fragile mais possède une niche en connectant le Paris-Reunion à tout l'océan Indien.

Mathieu971
Mathieu971
1 an

Le reunionnais en général est peu solidaire de son patrimoine de sa culture de ses compatriotes donc...

axel
axel
1 an

C'est vrai soi disant que c'est la compagnie locale mon oeil oui .

Gremy Hoareau
Gremy Hoareau
1 an

Les Reunionnais volent très peu sur air Austral trop cher

nonpasca
nonpasca
1 an

Qui baisse le prix des billets ,a ce jour le billet est plus cher chez air austral que sur les autres compagnie

Jean René
Jean René
1 an

Bonjour et bravo de nous donner des infos d’air austral.
Cela n’a pas toujours été le cas!
Par exemple, il y a quelques années, une campagne à Mayotte contre les prix des billets trop élevés depuis ce territoire et aussi pour une meilleure considération des passagers mahorais, notamment au départ de Paris.
Affiches, tags de revendications sur les murs de Dzaoudzi et Mamoudzou. Piste envahie par des manifestants, perturbant l’atterrissage d’un avion d’air austral. Équipages accompagnés de gardes-corps pour la traversée en ferry Dzaoudzi/Mamoudzou. Allant même jusqu’au transport des équipages en barques (pour éviter la barge publique) jusqu’à Mamoudzou avec débarquement depuis le lagon, les pieds dans l’eau, pieds nus, pantalons et jupes relevées…
Ce silence acheté peut-être à l’époque à coup de billets?
Les temps ont changés?
Je souhaite que vous continuerez à nous informer, sans « filtres »!

ZembroKaf
ZembroKaf
1 an

Oupsss !!! Etre "patron" de Air Austral ... c'est être gestionnaire pour le coté financier et faire "plaisir" aux politiques avec leurs promesses électoralistes ... en somme un vrai "équilibriste" !!!

Marécage
Marécage
1 an

Pas besoin dans 2 ans pour demander à l Etat de renflouer la caisse, mi donne pas 1 an. Apres i ose dire à nous c nout compagnie. Casse les prix pour les créoles voyager