Encore plus de taxes

Colis postaux : les prix s'envolent et les dents grincent

  • Publié le 17 novembre 2022 à 15:00
  • Actualisé le 17 novembre 2022 à 16:05

Selon les chiffres de La Poste, les ans, les Réunionnais reçoivent et envoient plusieurs millions de colis (en moyenne 3.400 envois par jour) . Des paquets pour eux-mêmes ou pour leurs proches, le plus souvent des cadeaux faits à la famille. Mais alors qu’un important flux de colis est attendu pour les fêtes de fin d’année, les prix vont encore grimper. De quoi impacter encore plus le portefeuille des Réunionnais et les dissuader d’envoyer des paquets à leurs familles. De plus, les prix et les taxes ont des contours tellement flous que même La Poste s’embourbe dans des explications et des calcul complexes (Photo photo RB imazpress )

Anne, maman de Léa, étudiante fraîchement installée à Toulouse, parle même de racket quand on lui évoque l’envoi de colis postaux. « Dans le colis, il n’y avait que quelques vêtements, une gourde, deux produits alimentaires et des cadeaux faits-mains », dit-elle. « Il pesait 3,3 kilos. » « J’ai dû débourser 33,65 euros, juste pour les frais de port », ajoute Anne. La mère de famille, qui n’avait pas envoyé de colis de l’autre côté de la mer depuis longtemps, dit que ce n’est pas donné. « Mais que ne ferait-on pas pour faire plaisir à son enfant de temps en temps, surtout quand elle est à 10.000 kilomètres de nous », ajoute-t-elle.

Mais voilà, l’histoire ne s’arrête pas là. Quinze jours plus tard, le facteur sonne à la porte de Léa, colis en mains. La jeune Réunionnaise est excitée à l’idée d’ouvrir le colis envoyé par sa mère. Que ne fut pas la déconvenue, lorsque le facteur lui annonce « vous devez régler les frais de douane d’un montant de 70 euros mais je ne prends pas de carte de crédit ».

L’étudiante appelle donc sa mère pour lui expliquer la mésaventure. « J’étais subjuguée par ce véritable racket », nous confie Anne. « Lorsque j’ai payé mon colis à La Poste de La Réunion, aucun agent ne m’a expliqué qu’il y aurait des frais de douane », dit-elle. « On m’a juste remis trois récépissés en me signalant que le colis est pris en charge, et c’est tout ! », raconte-t-elle agacée.

Au bout du fil, la mère dit à sa fille de régler la somme. Léa s’exécute en donnant à la main, les billets de monnaie au livreur. Elle ne reçoit cependant en retour aucun justificatif du paiement de ces fameux frais de douane.

La mère essaie de comprendre et regarde les récépissés remis lors de l’envoi du colis postal. Stupéfaction : « À La Poste, j’ai détaillé le contenant du colis : vêtements, valeur : 40 euros ; gourde, valeur : 15 euros et alimentation, valeur : 30 euros. Soit un total de 85 euros. Mais la Poste ne compte pas de la même manière. Pour elle, 40 euros + 15 euros + 30 euros = 275 euros".

"C'est vraiment du racket, comment peut-on laisser faire ça ! Le nombre de marmailles partis étudiés en Métropole se retrouvent pénalisés et je pense que bon nombre d'entre eux n'auront plus le plaisir et la joie de recevoir in ti morso La Renyon. En plus Noël approche, eh bien adieu letchis, boucané, mangues", lance désespérée la mère de famille.

Récapitulons : envoi du colis : 33,65 euros, frais de douane : 70 euros = 103,65 euros contre la valeur du colis : 85 euros (tout en sachant que généralement, les personnes augmentent un peu la valeur au cas où le colis se perde). Une situation qui l'a pousse à ne plus de colis à sa fille, qui est compréhensive, heureusement. 

- Des pratiques postales considérées comme discriminatoires -

C'est sur la base d’un paradoxe "antédépartementalisation" que les douanes, La Poste et les collectivités locales leur appliquent des taxes. Réunionnais et autres ultramarins peuvent parfois éprouver le sentiment d'être des Français complètement à part. Ils doivent savoir qu'en dépit du caractère français et européen de leurs régions ultrapériphériques, "des formalités douanières subsistent pour les échanges entre ces départements et la France métropolitaine…"  

Depuis le 1er juin 2022, les services de La Poste sont devenus encore plus onéreux qu'ils ne l'étaient déjà, avec l'aggravation - par décret - des conditions de dédouanement et de taxation des envois postaux.

L'importation, d'un département français à l'autre, des biens qui ont déjà été taxés en métropole, voire des biens usagés qui ne concernent aucun commerce au sens propre du terme, sont considérés comme "étrangers".

S'agissant des particuliers, "les opérations de dédouanement et de taxation des envois postaux relèvent désormais de la compétence et de la responsabilité exclusives des services de La Poste…"

Dans l'absolu, envoyer un colis, ou en retirer un, devrait être aussi simple que de mettre une lettre à La Poste. Mais ça c'était avant… Aujourd'hui, pour savoir ce que vous devez acquitter dans un sens ou dans l'autre, impose de se référer aux tables de nomenclature tarifaires, ce qui peut s’avère compliqué, comme l'a dénoncée Anne.

Néanmoins vous devez savoir que si "les départements d’outre-mer font partie du territoire douanier de l’Union européenne" (…) une fiscalité particulière s’y applique et des formalités douanières subsistent pour les échanges entre ces départements et la France métropolitaine (…) Le fait générateur des droits et taxes est l’importation. Ainsi, même les envois effectués à titre gratuit peuvent y être soumis…"  

Donc la règle, c'est que Français ou pas, il faut payer, exception faite des "petits envois non commerciaux, en provenance de pays tiers à l’Union européenne, dont la valeur (sans les frais de transport et d’assurance) est inférieure à 45 € et des envois de particulier à particulier en provenance de métropole ou des autres pays membres de l’Union européenne, dont la valeur est inférieure à 205 €…"  

Au-delà, on vous explique clairement que "droits et taxes en vigueur devront être acquittés".  Et donc qu'à la réception d'un colis vous pouvez être amené à payer fort cher ne serait-ce que pour être autorisé à le retirer. Parce que l'on vous aura appliqué tout l'arsenal fiscal disponible, TVA - en sus de celle déjà payée en métropole en cas d'envoi non détaxé - taxes d’octroi de mer… et l'on vous informe de ce que "le différentiel de TVA entre le taux métropolitain et le taux applicable dans les DOM n’est pas remboursé par la douane…". 

- Les taxes suscitent l'indignation -

Face à ce tôlée, les députés Réunionnais ont décidé de s’emparer du problème, du moins ils tentent. Pour Karine Lebon, députée, les colis postaux sont "un sujet qui touche au double enjeu de l’évolution du pouvoir d’achat des réunionnais et de l’exil de la population locale. Ces frais de port représentent une nouvelle fois une rupture d’égalité entre l’hexagone et La Réunion."

Elle ajoute, "il est navrant de constater que des Réunionnais, dont de nombreux étudiants, installés en hexagone, soient à ce point pénalisés au moment de recevoir des colis qui leur rappellent leur île, leurs proches, leur culture. D'autant plus qu'à l’approche des fêtes, nombreuses sont les familles qui ne verront pas leurs proches partis en hexagone et qui, pour leur faire plaisir, voudront envoyer un de ces colis et seront injustement taxés".

Perceval Gaillard, député, déclare, "nous exigeons de connaître les raisons d'une telle envolée des prix récente et d'un tel écart entre La Réunion et l'hexagone. Il s'agit d'une question essentielle pour assurer la continuité des liens au sein des familles séparées par une longue distance".

Une situation qui appelle des réponses urgentes. "Avec les collègues de la NUPES, nous allons appeler à mettre fin à cette taxation injustement appliquée aux échanges non-professionnels", déclare Karine Lebon. "Nous mènerons un front commun avec tous les élus ultramarins pour que la question soit prise au sérieux. Il serait intéressant d’étudier la possibilité de la mise en place d’une réelle continuité territoriale qui soit applicable aux biens et non seulement aux personnes", ajoute-t-elle.

La députée va même jusqu'à interpelle le Ministre des Outre-mer. "Le Ministre peut et doit agir. Cette rupture d’égalité doit être prise au sérieux. Cette double tarification, à notre désavantage, interroge donc tant au niveau du bien-fondé de la chose qu'au niveau de la non-prise en compte du contexte ultramarin." "Nous demandons une continuité territoriale assurée par l'État sur les colis postaux. Nous réclamons une péréquation dans un souci d'égalité entre les territoires. Les Réunionnais doivent payer le même prix que les Hexagonaux", clame Perceval Gaillard.

Interrogé en séance, le ministre Carenco assure avoir pris contact avec les responsables de La Poste et promet une réponse dans les semaines à venir.

- La Poste se justifie -

Pour La Poste, en ce qui concerne les frais supplémentaires pour les colis arrivant sur le territoire français, la règlementation douanière s’applique également dans ce sens. 

La taxation en métropole, s’applique dès le 1er euro, pour les marchandises hors UE. Les territoires ultra-marins sont impactés par cette décision.   Toutefois, le seuil a été élevé à 45 euros de franchise. Et la taxation concerne uniquement la TVA. Seuls les colis, entrant ou sortant, avec une valeur déclarée en dessous des seuils ne sont pas impactés par une taxation. Dès lors, que la valeur dépasse les seuils, une taxation sera appliquée. 

À l’inverse, pour les pour les colis arrivant sur le territoire réunionnais, le tarif d’envoi des colis (affranchissement) n’a pas bougé.  Ce qui a changé, et donne cette impression d’augmentation, c’est le fait que maintenant La Poste a la responsabilité du dédouanement. 

"Depuis le 1er juin 2022, La Poste réalise la perception des taxes pour la douane. Auparavant, les services de la douane procédaient directement à cette taxation, mais tous les colis ne pouvaient être traités, et ne pouvaient être taxés. Maintenant avec le transfert d’activité, et la modernisation des outils, La Poste est en capacité de taxer la quasi-totalité des colis qui lui sont confiés, et d’appliquer la taxation, dès lors que les seuils sont franchis", nous déclarent les services de La Poste.

"Ce transfert de responsabilité implique l’instauration de frais de gestion : 2€ à 7,50 euros selon le type de produit commercial (colis, petit paquet international ou courrier) pour un paiement en ligne sur laposte.fr et 7.50 euros dans le cas d’un paiement auprès du facteur ou en bureau de poste", ajoutent-ils. "Sur une taxation d’un colis entant, La Poste, comme les autres transporteurs va collecter pour le compte de l’Etat la TVA, et pour l’Octroi de mer pour le compte des mairies ou de la région.  La Poste perçoit pour son compte, les frais d'affranchissement, et en cas de taxation les frais de gestion", conclut La Poste.

Si vous êtes le destinataire de l’envoi, et que vous n'avez pas payé les droits et taxes de douane lors de votre achat, vous devrez alors vous en acquitter à son arrivée en France pour que votre envoi vous soit remis. Le calcul de ces droits et taxes de douane est effectué par la Douane française au moment où la marchandise entre sur le territoire, sur la base de la déclaration en douane et de la facture fournies par l’expéditeur. Il dépend de multiples facteurs : de la nature de la marchandise importée, de sa valeur, de son pays d’origine, du taux de conversion de la devise à la date, ou encore du montant du transport et de l’assurance.

La Poste

Sauf que même avec ces quelques explications, impossible pour le client d'y voir clair. Rien qu'en demandant à un bureau de Poste de nous expliquer ce que notre destinataire payerait, on n'y comprend absolument rien... Donc, au final, on vous dit, c'est le prix à l'unité mais vous êtes taxés si votre colis est supérieur à 45 euros, mais pour bien calculer le prix final c'est, débrouillez-vous. Ou alors, essayez de décrypter les informations trouvées sur le site de La Poste.

Moralité, quand bien même cette notion s'en trouve rudement malmenée, c'est un luxe que d'être ultramarin. D'autant que vous devez passer à la caisse dans les deux sens, expédition et réception. Donc pour éviter les mauvaises surprises, pas de cadeaux électroniques, ni parfums ni bijoux, de livres précieux, ou de vêtements… histoire d'éviter les cadeaux "empoisonnés" par la douane.

pl/ avec ma.m/ www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

guest
0 Commentaires