Ce jeudi 7 octobre, deux doctorantes réunionnaises, Daphné Lemasquerier et Cathucia Andriamihaja, ont reçu le Prix jeunes talents l'Oréal-Unesco, pour leurs travaux de recherches. Ce prix national met en exergue des parcours brillants et émérites de femmes dans le domaine scientifique. Portrait de deux femmes qui ont réussi à briser un plafond de verre et qui invitent les jeunes réunionnaises à suivre la même voie.
• Daphné Lemasquerier, doctorante en mécanique des fluides géophysiques :" la science passe avant le fait que je suis une femme"
Daphné Lesmasquerier est née à Auxerre mais a vécu une très grande partie de sa jeunesse à La Réunion, dans le sud de l’île où elle fera toutes ses études, primaires, secondaires, et même une prépa BCPST (Biologie, chimie, physique, Sciences de la Terre) au lycée Roland Garros.
Elle s’envole ensuite pour l’ENS de Lyon pour une formation en géosciences. "J’ai toujours eu un attrait pour les disciplines scientifiques " confie-t-elle. Le fait de grandir à La Réunion semble aussi avoir contribué à son intérêt pour les sciences de la terre. " L’environnement de l’île est très riche, d’une grande richesse biologique et géologique. Cela m’a aussi influencé", explique-t-elle.
Son licence et son master en poche, la jeune femme obtient son agrégation en sciences de la vie et de la terre avant d’entamer son doctorant (qu’elle poursuit actuellement) en mécanique des fluides géophysiques à Marseille. Elle s’intéresse tout particulièrement à la dynamique des fluides sur les géantes gazeuses de notre système solaire, Saturne et Jupiter.
Interrogée sur les difficultés pour les femmes de faire carrière dans le monde scientifique, Daphné Lesmasquerier avoue ne pas avoir rencontré elle-même ce genre de difficulté, étant issu d’un milieu familial d’enseignants qui lui ont donné le goût d’apprendre. De fait, "la science passait devant le fait que j’étais une femme", explique-t-elle.
Celle qui devrait terminer sa thèse d’ici une semaine reconnaît tout de même qu’une pression "indirecte" pèse sur les femmes qui se lancent dans des carrières scientifiques. "C’est difficile à démontrer et à quantifier mais il y a une dissuasion indirecte", explique-t-elle, soulignant que les disciplines demeurent encore "trop genrés", influençant certains choix. "Il faut savoir faire abstraction de l’influence socioculturelle autour de nous, se poser la question de ce qu’on aime faire pour ne pas faire le mauvais choix", conseille-t-elle.
Ces conseils, elle compte bien les prodiguer aux jeunes réunionnaises tout particulièrement celles du lycée Roland Garros et du collège Terrain Fleury, au Tampon, où elle a fait ses études. En effet, avec ce prix en poche, Daphné compte bientôt revenir à La Réunion pour revoir sa famille et aller à la rencontre des jeunes. " Je veux devenir une ambassadrice pour la diffusion des sciences et pour inspirer les jeunes ", précise-t-elle.
Direction ensuite les Etats-Unis où elle pourra poursuivre ses travaux de recherche et continuer à percer les secrets de ces géantes gazeuses si fascinantes.
• Cathucia Andriamihaja, doctorante écosystèmes tropicaux terrestres et maman : "j’avais deux rêves. Je les ai concrétisés"
Originaire de Madagascar, Cathucia Andriamihaja a passé toute sa jeunesse à Tuléar auprès de ses parents, sa mère étant médecin et son père ingénieur en génie civil.
Son bac en poche, elle rejoint un cursus d’ingénieure en science agronomique, option foresterie à Tananarive. C’est dans ce domaine qu’elle semble se prédestiner, sensible à l’environnement qui l’entoure. "J’ai grandi en voyageant tout le temps. J’étais attristée par la dégradation des forêts, la déforestation et les feux de forêts. J’ai compris dès le plus jeune âge que je voulais travailler dans ce domaine et contribuer à améliorer cette situation", explique Cathucia.
Son Master 2 en poche, la jeune femme décide de poursuivre ses études avec un doctorat en écosystèmes tropicaux terrestres. Pour ce faire, elle bénéficie d’une bourse d’excellence attribuée par l’université de La Réunion et l’ambassade de France à Madagascar.
Dans le même temps, Cathucia est enceinte et accouche durant sa première année de thèse. "Ma fille a grandi avec ma thèse" ironise celle qui a obtenu son doctorat en juillet dernier. Mais cette ironie cache un parcours difficile, puisqu’elle voulait concilier pleinement sa vie de maman et celle de thésarde. "Cet équilibre était très difficile à trouver", souligne-t-elle.
Ainsi, durant sa première année de thèse, elle décide de se consacrer davantage à sa fille. Elle parvient à trouver "plus ou moins l’équilibre" durant sa 2ème année de thèse. Pour la 3ème année, "j’ai été obligée d’envoyer ma fille chez ma famille à Madagascar", explique Cathucia Andriamihaja qui se réjouit aujourd’hui d’avoir réussi à surmonter ces difficultés : "j’avais deux rêves : devenir maman et avoir mon doctorat. Je les ai concrétisés", se félicite celle qui enseigne à l’université du Tampon.
Quant au prix qu’elle vient de décrocher, " j’ai encore du mal à y croire", déclare celle qui reconnaît n’avoir "jamais confiance" en elle. "Heureusement, ma directrice de thèse m’a poussée à candidater à ce prix. J’ai été surprise d’apprendre que j’ai été sélectionnée", détaille-telle.
Cathucia compte désormais retrouver sa fille rapidement et poursuivre ses recherches sur les espèces de vanilliers aphylles menacées par les changements environnementaux à Madagascar. Les résultats de ses recherches seront utiles à l’échelles du bassin sud-ouest de l’océan Indien. Elle compte aussi continuer à transmettre aux jeunes générations, tout particulièrement les filles, sa passion pour les sciences. "Être une femme scientifique est un vrai challenge. Mais nous sommes armées pour réussir" affirme-t-elle.
• A propos du Prix Jeunes Talents l’Oréal-Unesco
ce prix est destiné aux femmes chercheuses dont les travaux contribuent à bâtir un monde meilleur, durable, plus résilient. Cette édition 2021 distingue 35 jeunes talents sélectionnées par un jury d’excellence parmi plus de 700 candidatures. Originaires du monde entier, menant leurs recherches en France métropolitaine ou dans les Outre-mer, ces doctorantes ou post-doctorantes sont engagées dans des champs aussi variés que la médecine, l’astronomie, la physique, ou l’informatique. Les lauréates ont reçu une bourse de recherche (15 000 euros pour les doctorantes, et 20 000 euros pour les post-doctorantes) et bénéficieront d’un programme de formation au leadership, complémentaire à leur parcours scientifique.
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