Cri d'alarme

Alerte des maires : "l'État doit faire mieux" contre l'emballement de la délinquance violente

  • Publié le 28 mars 2024 à 09:27
  • Actualisé le 28 mars 2024 à 09:29

Saint-André, Saint-Benoît, Saint-Denis… depuis plusieurs semaines voire des mois, les violences ont monté d'un cran à La Réunion. Appels au rassemblement, caillassage, rixes entre bandes rivales, les tensions sont vives. Cette augmentation de la délinquance violente, particulièrement scrutée par les forces de sécurité, alerte les élus et notamment les maires. Ce mercredi 27 mars 2024, ils ont décidé "d'une voix commune", d'interpeller l'État qui "doit faire mieux pour rétablir l'ordre républicain" (Photo rb/www.imazpress.com)

Sur les réseaux sociaux comme sur le terrain, les images de violences s'accumulent. Montrant des véhicules caillassés, des individus armés, parfois masqués…

Ce mercredi, Sege Hoareau, maire de Petite-Île et président de l'association des maires de La Réunion, a donc appellé l'État à prendre ses responsabilités. "L'État peut faire mieux, l'effort doit être collectif" a-t-il souligné

"Pour s'assurer que ces images ne donnent pas lieu à des appels pour des regroupements afin d'exercer d'éventuelles représailles, nous devons être réactifs sur le maintien de l'ordre et veiller à la sécurité de chacun au sein des quartiers", lance pour sa part Aude Robert, secrétaire départementale d'Unité SGP Police, interrogée par Imaz Press.

"Nous avons d'ailleurs constaté un mimétisme de la violence avec celle constatée à Mayotte", déclare-t-elle. "Même mode opératoire, des jeunes bien souvent mineurs, armés de sabre ou qui utilisent des projectiles pour commettre leurs délits."

Face à cette montée de violence, les forces de l'ordre sont sur le qui-vive. "Le travail des forces de l'ordre sur le terrain est axé sur les quartiers dits sensibles afin de procéder à des contrôles et interpeller les personnes porteuses d'armes blanches ou tout autre objet artisanal utilisé comme arme", note le syndicat Alliance police nationale.

"Nous comprenons la peur des Réunionnais car cette délinquance nouvelle et ultra violente montre à quel point existent des tensions entre jeunes à La Réunion", poursuit Émeric Coupama, représentant adjoint.

"Nous faisons tout pour protéger les personnes et les biens avec les ressources que nous possédons", dit-il, "pour garder le terrain et ne pas se retrouver dans une situation hors de contrôle".

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- Plus de présence... mais avec quels effectifs ? -

Des ressources justement, il en manque au sein des forces de l'ordre.

"Nous n'avons pas de renfort. Bien au contraire avec zéros mutations cette année à La Réunion la DTPN est obligée de faire avec les effectifs qu'ils ont sur place", explique Émeric Coupama. "Nous avons l'impression que nous avons été oubliés par Paris."

"Plus de faits constatés, plus de procédures mais nous devons composer avec nos seuls effectifs", déplore Aude Robert.

"Nous sommes inquiets de la situation qui se dégrade. Nous demandons à notre administration que nos services d'enquête soient abondés en effectifs et que des moyens humains soient envoyés afin de renforcer nos forces de sécurité sur le terrain", abonde-t-elle.

- Les maires de La Réunion demandent plus de moyens -

Les élus demandent aussi plus de moyens. Une partie des maires ou leurs représentants se sont d'ailleurs réunis ce mercredi 27 mars en la mairie de Saint-Benoît sur ce sujet.

"Cette réunion a été l'occasion d'expliquer ce qui se passe dans nos villes car les phénomènes ne sont pas les mêmes", a déclaré Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis.

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Les maires demandent également que le recteur de l'Académie et un représentant de la justice soient présents  lors d'une rencontre prévue le mercredi 3 avril avec le préfet de La Réunion,

"On vit l'exaspération de notre population au quotidien et pour enrayer cela il faut trouver des solutions. Le phénomène de violences n'est pas le même qu'il y a quelque temps, c'est autre chose qui se passe et nous devons demander des moyens à la hauteur de ce qui se passe aujourd'hui", lance Ericka Bareigts.

"Des moyens à la justice car s'il n’y a pas de réponse judiciaire immédiate ça ne règlera rien et des moyens à hauteur de l'ordre républicain que l'on veut maintenir dans ce pays et cela va de la responsabilité de l'État", poursuit la maire.

"Le problème de sécurité c'est l'État", commente Serge Hoareau. "Les forces de l'ordre sont découragées lorsqu'elles interpellent une personne et la retrouve de nouveau dans la rue."

"Il faut mettre plus de moyens. On parle de phénomènes de bandes, de clans et cela peut dériver sur des problèmes de gangs", s'inquiète-t-il. "On a aussi cette crainte et ce n'est pas trop tard pour se mobiliser et travailler sur ces sujets sensibles."

Il le dit, "il ne faut pas porter toute la faute sur les maires. Nous sommes les premiers piliers mais si la réponse de l'État n'est pas là, c'est comme si on ne faisait rien. Il faut remettre les choses à leur place".

"La population est exaspérée et il faut tout mettre en œuvre pour la rassurer", ajoute le maire du sud.

Pour Patrice Selly, maire de Saint-Benoît où ont eu lieu les derniers incidents, "nous attendons que le préfet entende notre message et ne minimise pas le phénomène rencontré".

"Tous les acteurs doivent participer à ces échanges car la solution ne relève pas que de l'un ou de l'autre mais de tout le monde."

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- Des relais pour alerter sur les difficultés -

Parmi les acteurs qu'évoquent les élus, il y a bien sûr l'État, mais également le rectorat, le Département et les bailleurs sociaux.

"Les bailleurs car ce sont eux qui sont implantés là où il y a des phénomènes de violences urbaines", note Serge Hoareau.

"Dans le Sud on l'avait marqué, on avait demandé aux bailleurs de reprendre en main leur groupe d'habitations. Aujourd'hui il n'y a plus de concierges alors qu'ils permettent d'avoir un œil sur ce qui se passe dans leur bâtiment et peut-être marquer le relai pour alerter sur les difficultés", dit-il.

Autre sujet, celui des mineurs isolés. "Les mineurs isolés sont un sujet complexe. Il y a des règles pour suivre les mineurs, les accompagner justement dans un cadre de protection", précise Éricka Bareigts.

"Là aussi il faut des moyens sur ces sujets pour que les enfants ne se retrouvent pas dans la rue, souvent piégés par des gens qui les utilisent comme de la chair à canon."

- Comprendre d'où viennent ces phénomènes -

Des jeunes isolés, livrés à eux-mêmes qui, pour Patrice Selly "sont des individus qui viennent de la communauté mahoraise". "Il faut parler sans tabou. Et comme je le dis depuis trois ans c'est un phénomène de communautarisation et des personnes qui commettent de manière régulière des actes de violences sur notre territoire."

"Mais mon objectif n'est pas de stigmatiser", poursuit-il, "mais de comprendre l'origine de ces phénomènes et trouver des solutions à mettre en œuvre directement à Mayotte".

"Il faut une intervention plus forte de l'État pour soutenir nos compatriotes mais également un investissement pour accompagner ici les mineurs isolés et les familles."

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Cyrille Melchior a rappelé qu’il "ne s’agit pas de stigmatiser mais au contraire de traiter ces dossiers avec humanité". Il a aussi regretté "la tentation de l’Etat de faire des économies sur des politiques publiques essentielles au maintien du lien social et du bien-vivre ensemble réunionnais".

"Nous avons à reconstruire le pacte citoyen, expliquait-il. Il faut que chacun trouve sa place dans la société et puisse se projeter. C’est ce qui doit guider notre travail."

Une motion, adoptée à l'unanimité en séance plénière du Conseil départemental, rappelle l’engagement du Département dans la mise en œuvre d’actions de prévention et de médiations dans les quartiers, et demande à l’Etat de renforcer la coordination entre les services de sécurité.

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La motion demande également d’engager une réflexion sur les politiques publiques de sécurité, de justice et de contrôle des arrivées dans l’île, surtout des enfants mineurs.

À La Réunion, en 2023, la délinquance a augmenté de 16,5% par rapport à l'année précédente. Il s'agit majoritairement de violences envers les personnes, et notamment de violences intrafamiliales, qui sont un véritable fléau dans l'île.

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ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
Saintjosephois
Saintjosephois
1 an

Au lieu de se montrer au travers les médias pour des évènements festifs, messieurs les élus vous devriez être auprès de vos administrés afin de recueillir leurs doléances,cesser de taper en permanence sur l' état qui ne peut pas pallier a toutes vos carences ,ça fait berlurette que l on ne voit plus aucun élu,il faut dire que c est au moment des consultations eLectorales qu ils sortent du bois ,commes les tangues ils hibernent.

Maurice
Maurice
1 an

Ben voyons que l' état doit pallier la carence de nos élus ,qui sont juste bon a encaisser les indemnités

HULK
HULK
1 an

Les pompiers pyromanes. "L'état doit faire mieux". Mais ils n'ont aucun honneur. Ils ont laissé perdurer la situation pour quelques voix, et maintenant ils appellent l'état à la rescousse. C'est indigne,lâche et celà ne mérite aucune considération. C'est trop tard et ils le savent.