Depuis ce lundi, la Kanaky-Nouvelle-Calédonie est à feu et à sang. Si les indépendantistes sont les seuls pointés du doigt pour le chaos actuel, le gouvernement semble oublier un point important : c'est lui-même qui a mis le feu aux poudres, en revenant sur un accord qui avait apporté une paix fragile pendant près de 40 ans. Et qui devait acter un processus de décolonisation (Photo AFP)
Toujours considérée comme un territoire non autonome à décoloniser par l'ONU, la Kanaky-Nouvelle-Calédonie avait trouvé un semblant de paix depuis les accords de 1988 et 1998.
Pour comprendre la situation d'aujourd'hui, il faut revenir aux origines de la colonisation ce territoire, dont les peuples autochtones ont été colonisés par la France de Napoléon III en 1853. Sur place, le peuple Kanak, présent depuis environ 3.000 ans dans l'archipel.
Rapidement, l'Etat colonial français transforme le pays en bagne. C'est ainsi que démarre la spoliation des terres des Kanaks. Selon les textes historiques ces habitants premiers étaient environ 40.000 à l'arrivée des Français. Le chiffre est divisé de moitié au début du XXème siècle.
Placées sous le code de l’indigénat, les populations autochtones étaient soumises à des travaux forcés, à une interdiction de circuler après 20 heures, au paiement d’un impôt de capitation imposé par l’administration coloniale à tous les "sujets" de l'Etat colonial…Et ce jusqu'en 1956. Il y a 68 ans, c'était il n'y a pas si longtemps.
Et si les Kanaks accèdent au statut de citoyens à cette date, la situation sociale est toujours aussi inégale entre autochtones et descendants de colons européens, et un racisme décomplexé s'exerce sur l'archipel. Inégalités qui mèneront aux premiers mouvements indépendantistes dans les années 70, et plus largement aux révoltes de 1984-1988, avec pour point culminant la prise d'otages d'Ouvéa qui fera 21 morts.
C'est ainsi que les accords de Matignon (1988), mené par le gouvernement et par les deux Calédoniens Jacques Lafleur (anti-indépendantiste) et Jean Marie Tchibaou (indépendantiste), sera signé. Un second accord le sera en 1998.
- Inégalité, misère et répression -
Que reste-t-il de tout cela aujourd'hui ? Des inégalités sociales toujours aussi marquées, une poignée de familles qui détiennent le plus gros des richesses, un coût de la vie de 31% plus élevés que dans l'Hexagone, jusqu'à 79% pour l'alimentaire (avec la présence, encore, du groupe GBH par exemple…), et une colère à laquelle le gouvernement n'arrive à répondre que par la répression.
Mardi, le Premier ministre Gabriel Attal rétorquait que "la violence n'est jamais justifiée ou justifiable". Sans rappeler les propos de son collègue Gérald Darmanin qui estimait que la violence était légitime si l'on est agriculteur ou policier…La colonisation n'est-elle pas en elle-même une violence ?
La frustration, la misère, l’injustice ont toujours les mêmes effets, surtout dans un pays où les comportements néocoloniaux, le racisme, notamment, sont toujours bien présents. Il n'y a qu'à parcourir les réseaux sociaux pour découvrir les commentaires assumés de certains Français (Calédoniens ou pas), comparant les Kanaks à toutes sortes d'animaux, incapables de penser par eux-mêmes.
Il en va de même pour les accusations d'ingérence de l'Azerbaïdjan. Si des liens existent bien entre le pays et certains militants, cela signifie-t-il qu'ils sont l'unique raison à ces révoltes ? Le gouvernement français est-il si incapable d'assumer ses erreurs que l'unique coupable doit être un pays étranger ? Par ailleurs, peut-on vraiment blâmer l'oppressé quand il va chercher du soutien ailleurs qu'auprès de son oppresseur ?
- Les Kanaks effacés du débat public -
Les mêmes poncifs reviennent en boucle : "ils sont bien contents d'avoir le RSA", "Que feront-ils sans nos hôpitaux ?", "Ils devraient être contents d'être à la France et pas aux Chinois". Comme si l'unique force des Kanaks était la spoliation et l'exploitation de leurs terres par la France. L'histoire se répète et se ressemble, semble-t-il…
On remarque aussi que si beaucoup s’indignent, à raison, de la mort de deux malheureux gendarmes - et il est vrai que cela est horrible, inqualifiable, intolérable -, peu de monde s’indigne de la mort, tout aussi horrible inqualifiable et intolérable, de trois jeunes kanaks, qualifiés de pillard sans qu’aucune enquête n’a été menée pour prouver ces accusations.
Trois Kanaks qui auraient été tués par quelqu'un qui a "certainement voulu se défendre", au nom d'une légitime défense décidée sans la moindre enquête par le Haut-commissaire de l'archipel. Kanaks qui sont d'ailleurs complètement absents du débat médiatique aujourd'hui, où l'on aperçoit uniquement Caldoches et "Métros" sur les chaînes de télé. Un biais qui n'a, finalement, rien d'étonnant.
On peut aussi rappeler que grâce à une simplification de l'acquisition d'armes en 2011, ce sont plus de 100.000 armes qui circulent dans l'archipel, pour 280.000 habitants. Ces armes seraient, selon Isabelle Merle, directrice de recherche au CNRS, très majoritairement en possession "des populations blanches", sous l'impulsion "du gouvernement loyaliste", qui sont désormais organisées en milice et à l'origine de la mort des trois jeunes kanaks.
- Minoritaires dans leur propre pays -
On pourrait arguer que les Indépendantistes ont lancé les hostilités. Cela donne-t-il aux habitants un permis de tuer ? Cela justifie-t-il que le Premier vice-président de la Province Sud appelle à former des milices ?
On pourrait aussi arguer que les Kanaks ont eu la possibilité d'obtenir l'indépendance mais l'ont rejetée. Faux, car peut-on vraiment décider de son autodétermination lorsque l'on est minoritaire quand la population européenne est habilitée à se prononcer ?
Car Kanaks représentent aujourd'hui 41,1% de la population du territoire, et sont donc en minorité sur leurs propres terres. C'était là tout le sens des accords de Nouméa, qui devaient protéger la souveraineté de l'archipel face à la sur-représentation des Européens.
Les Indépendantistes ont d'ailleurs boycotté le troisième scrutin, qui se déroulait en période de deuil et dont le report a été refusé par le gouvernement. Un recours a été déposé devant la Cour internationale de justice pour annuler ce scrutin.
C'est dans ce contexte explosif qu'encore une fois, Emmanuel Macron veut passer aux forceps le dégel du corps électoral. Depuis 1998 la loi que seules les personnes inscrites sur les listes électorales avant la date de l’Accord peuvent voter aux élections provinciales. La modification, si elle est définitivement adoptée, prévoit elle d’accorder le droit de vote à tous les natifs et aux habitants qui résident en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans.
Alors qu'il était jusqu'à au'jourd'hui accepté qu'aucune modification ne serait apportée sans un accord préalable entre les deux partis, le Président a décidé de passer - encore - en force. Et ce malgré les nombreux avertissements des différents représentants politiques ultra-marins sur les conséquences d'une modification de la constitution.
Le gouvernement a mis le feu aux poudres. Déployer l'armée et envoyer des centaines de membres des forces de l'ordre sur place ne règlera rien et ne fera qu'attiser la colère.
Toujours en dehors des réalités, surtout lorsqu’elle concerne les plus démunis, les plus défavorisés, les plus niés dans leur identité, ce qui est le cas des Kanaks, Emmanuel Macron et son gouvernement ont ouvert la boîte de Pandore. Comme d’habitude, ils refusent de la refermer au nom du principe du coûte que coûte.
Cela a déjà fait cinq morts…
La rédaction d'Imaz Press / redac@ipreunion.com
Vous pensez sérieusement que la Nouvelle Calédonie serait devenue un territoire dynamique et porteur de toutes les espérances des seules populations légitimes grâce à la gestion éclairée des chefs des clans kanaks. Dans quel monde vivez vous éminents journalistes de la rédaction d'Imaz Press? Les méfaits de la colonisation française que vous n'avez de cesse de dénoncer pour toutes les problématiques ultramarines omet toujours de rappeler le budget colossal et les droits alloués à ces territoires depuis toutes ces années. Vous pensez sérieusement que les Chinois ou les Russes sont de grands démocrates qui vont soutenir la volonté de reconnaissance des peuples kanaks! Vous pensez sérieusement que ces peuples ne se feront pas spolier et occuper si la France devait se désengager réellement! L'idéologie vous aveugle et vous pousse à une subjectivité éditoriale qui vous fait jubiler et vous pousse à une ironie systématique face à vos contradicteurs. Ça en devient vraiment pathétique...
Je suis Réunionnais connaissant bien le Caillou pour y avoir séjourné plusieurs fois. Bravo à Image Press pour cet article. Tout est clairement dit et reflet des réalités du pays.
Article de presse ? Ou prise de position que personne n’attend de vous ? Au revoir Imaz presse (Au revoir, bonne continuation - Modérateur)
J'ai mal du me faire comprendre et votre réponse manichéenne me semble également très simpliste, mais passons, je perds du temps et vous aussi sans doute...
Par contre, s'il s'agit d'un édito (de toute la rédaction ou d'une personne en particulier d'ailleurs ??) comme vous le signalez et non d'un article d'information, sensé être neutre et impartial me semble-t-il, merci de le mentionner dans votre article, cela évitera toute éventuelle incompréhension ne croyez-vous pas ? (L'article est un édito et comme tel, il est signé "La rédaction d'Imaz Press". Cela étant dit, les éditos sont aussi des articles d'information. Et pour précision contrairement à une ide reçue, notre déontologie ne nous oblige pas, et c'est heureux, à la neutralité, mais à l'objectivité - Modérateur)
Votre façon de répondre témoigne de la considération que vous portez à vos lectrices.eurs.
Rien n'indique qu'il s'agit d'un édito dans l'intitulé de votre article. Je vous laisse à votre hauteur de ponctuation...
Pourquoi ne pas avoir évoqué les précédents scrutins et décisions prises par le peuple sans la nouvelle modification du corps électoral ? Le résultat électoral prenait en compte "les 41% de kanaks". Pourquoi ne pas avoir analysé ces chiffres, si selon votre angle ils ne traduisent pas un choix de la population du territoire?
Attention à l'usage des points de suspension, comme aux références aux réseaux sociaux, qui indubitablement traduisent un manque de références, de sources précises ou l'expression d'une subjectivité qui trouverait davantage sa place dans un "édito" que dans un texte d' "information". Pour la rigueur et la déontologie il y a encore un peu de travail.
Dommage. (Justement il s'agit là d'un édito... Merci par ailleurs pour ce commentaire d'une rare pertinence... Soyez assurée que nous oeuvrons tous les jours pour atteindre votre niveau de rigueur et de déontologie - Modérateur
C’est toute la particularité de la nouvelle calédonie qui est une terre qui était habitée avant d’être colonisée par la France. Il y a donc bien spoliation. Et le seul corps électoral légitime pour décider de l’indépendance devrait être le peuple indigène, à savoir les kanaks. Donc c’était déjà une faveur concédée par les indépendantistes d’intégrer les caldoches d’avant 1988 dans le corps électoral. La réforme imposée par Macron est une pure provocation puisqu’elle acte la colonisation définitive de la nouvelle calédonie en rendant les autochtones un peu plus minoritaires.
Devant cet article hyper tendancieux qui salue l'ingérence étrangère et la complicité délétère de certains politiques Français (Mélenchon etc.), je zapperai désormais ce torchon d'info. Je comptais m'abonner, ce n'est plus le cas. Je me charge de la publicité ... (Bon vent et bonne continuation à vous - Modérateur)
Si le dégel de l'accord 1998 reste inchangé des gens sont mis de côté et ne participent pas au vote. N'est-ce pas de l'apartheid ?
J. Marc
Un rappel utile bien rare qui ,malheureusement , ne recevra pas l'écho qu'il mérite.
A peine orienté votre article ! Vous actez ipso facto un séparatisme mortifère entre "Kanaky" et "Nelle-Calédonie"... n'imaginant même pas les conséquences qu'une telle partition - ou apartheid combattu au prix de sa propre vie par Nelson Mandela tant admiré et respecté à la Réunion et dans le monde entier-, engendrerait tant pour l'ensemble des Néocalédoniens ainsi que pour la France. Sans parler de l'effet miroir dévastateur sur les indépendantistes antillais et réunionnais manipulés par cette crapule de Mélanchon et ses relais locaux, dont le sombre dessein est de provoquer le chaos dans notre pays par tous les moyens, dans le but obsessionnel d'instaurer sa fumeuse Constituante prélude à sa VIème République. Soit vous ne vous rendez pas compte de l'impact de vos propos et vous êtes un media d'opinion et non une agence de presse publiant des informations factuelles, soit vous le faites sciemment, ce qui enfreint l'éthique professionnelle journalistique impliquant neutralité et impartialité (Merci pour ce commentaire, nous travaillons tous les jours pour atteindre votre niveau d'éthique - Modérateur)
Connaissez-vous bien la situation sur place ou forgez-vous votre avis, que vous nous exposez là de façon complète mais sans doute peu nuancée, depuis votre bureau de St Denis ou de métropole par exemple ? Merci en tout cas, c'est très clair et précis, mais on y sens aussi, je trouve, de très forts relents d'un certain parti pris, c'est dommage... (Merci pour votre commentaire, oui vous avez raison, nous prenons clairement partie contre l'injustice, le mépris et la négation de l'identité d'un peuple. Au plaisir d'en discuter avec vous - Modérateur)
Merci pour cet article complet qui rééquilibre les faits.
Voilà ce qui nous attends avec l'arrogance de certaines personnes arrivées sur notre bout de cailloux et accapareurs....