Récemment, des scientifiques d'un organisme environnemental américain ont estimé à 170 000 milliards le nombre de morceaux de plastique à la surface des océans. Leur étude alerte sur des "niveaux sans précédent" de pollution depuis les 15 dernières années et affirme la nécessité urgente de solutions. À La Réunion, cette forte présence de micro-plastiques menace la biodiversité (photo : rb/www.imazpress.com).
La Réunion est en permanence touchée par la pollution marine et plus précisément plastique du fait de sa position dans l'océan Indien et son exposition aux courants marins notamment au courant équatorial sud.
- La Réunion, une île exposée -
Margot Thibault est doctorante à l'Université de La Réunion. Elle réalise des études sur la caractérisation et la détermination de l'origine des débris plastiques accumulés dans le gyre subtropicale de l'océan Indien. Pour elle, la pollution marine est un phénomène constant sur l'île qui est "soumise à de très forts courants de surfaces océaniques qui acheminent des déchets venant de l'Asie du Sud Est".
La doctorante précise tout de même que la quantité de déchets augmente significativement aux abords de l'île pendant la période cyclonique.
"Les déversements des déchets dans les ravines lors de fortes pluies alimentent aussi les eaux côtières et peuvent créer des patchs de plastiques qui se dispersent au fur et à mesure du temps. Ces plastiques se dégradent sous l'action du soleil, du sel et du vent et deviendront de plus en plus petits mais ne disparaitront jamais" informe-t-elle jugeant que cette pollution est belle et bien locale.
Vrai témoin de la pollution terrestre sur le territoire réunionnais, les embouchures de ravines seraient les zones les plus exposées aux déchets et d'autant plus dans l'ouest.
"L'ouest est soumis à plus de pressions humaines d'une part mais est aussi à l'abris du vent. Les déchets viennent s'y entremêler. Il n'est pas rare de sortir en bateau et de voir des agglomérats de déchets au large du Cap Lahoussaye. Mais il est rare d'en observer au large des côtes de Sainte Rose, zone soumise à de forts courants" précise Margot Thibault.
La pollution marine aurait ainsi plusieurs origines. D'après Stéphane Ciccione, directeur de l'observatoire des tortues marines de La Réunion, 60% des déchets marins autour de la Réunion proviennent d’Asie du Sud Est. Une autre partie importante vient d’Afrique de l’est alors qu'environ 20% est originaire de La Réunion.
Et cette situation ne s'améliore pas au vu des récentes études. Jean-Marc Gancille, représentant de Globice, groupe local d'observation et d'identification des cétacés, indique que ses équipes observent régulièrement des détritus en mer. Mais selon lui, ce ne serait que la face cachée de l'iceberg.
"Le plus problématique est la fragmentation des macro-déchets (supérieurs à 5 mm) qui restent en surface en micro-plastiques (moins de 5 mm) qui coulent au fond de l’eau. On compte au moins quatre fois plus de polluants au fond qu'en surface" développe-t-il.
Une bonne partie de cette pollution marine se compose de déchets de pêche avec des fils, hameçons ou encore flotteurs qui présentent des risques importants d'enchevêtrement pour les tortues marines.
- De nombreuses espèces menacées -
Évidemment cette situation est problématique pour les animaux et la biodiversité marine.
Au centre de soins de Kélonia, une trentaine de tortues sont accueillies en moyenne chaque année. "En 2007, 30% des tortues avaient ingéré des déchets plastique. En 2022, ce taux est passé à 98%" indique Stéphane Ciccione.
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Alors que les tortues côtières (vertes et imbriquées) sont surtout menacées par les enchevêtrements, les tortues du large sont quant à elles menacées par l’ingestion des déchets flottants. "La tortue caouanne (Caretta caretta) a même été désigné comme indicateur de la pollution marine par l’Union Européenne, car elles ingèrent beaucoup de déchets plastique" poursuit le directeur du centre de soins.
Mais cette pollution n'impacte pas seulement les tortues. Pour l'ONG Globice, toutes les espèces sont menacées et peuvent rencontrer des problèmes de santé à cause "des polluants chimiques ou plastiques qu'elles bio-accumulent dans leur chair".
"En ce qui concerne les cétacés, les déchets peuvent occasionner des situations d'ingestion ou d'enchevêtrement très problématiques. Au niveau mondial on estime que 100.000 cétacés chaque année meurent pour ces raisons" exprime Jean-Marc Gancille, représentant du groupe local d'observation et d'identification des cétacés.
Margot Thibault confirme que toutes les espèces ingérant du plastiques ou s'entremêlant dedans sont vulnérables. Plusieurs études réunionnaises ont montré par les tortues caouannes ou encore les oiseaux marins tels que le pétrel noir de Bourbon et le pétrel de Barau la gravité de l'ingestion de plastique.
"Un plastique flottant est aussi vue comme "un bateau" pour certains organismes tels que les bactéries pathogènes pour l'homme ou les récifs coralliens qui se fixent dessus. Ce nouvel écosystème se nomme : la plastisphère" détaille la doctorante.
D'après les recherches menées sur le sujet, plus de 4.000 espèces seraient touchées au niveau mondial par les déchets. En 2050, les océans compteront plus de plastique que de poisson d'après l'étude réalisée par la fondation Ellen McArthur.
- Des politiques publiques trop faibles -
Pour Stéphane Ciccione, les politiques publiques sont trop "timorées". "Il faut réellement bannir les plastique à usages unique, et mettre en place des système de consigne pour les emballages/contenants. Il faudrait également inclure dans le coût des objets plastique leur coût environnemental et réinvestir ce surcout dans le recyclage, la collecte et le nettoyage des objets réutilisables et consignés" expose-t-il.
Même constat chez l'ONG Globice qui trouve les politiques publiques "largement insuffisantes". "Elles se focalisent sur les gestes que devraient faire des citoyens largement pris en otage par la nature des produits mis sur le marché. Bien sûr chacun peut faire attention et agir à son niveau mais tant que les principaux pollueurs pourront continuer à produire sans contraintes réelles, la situation perdurera. On entretient le mirage d'un recyclage qui ne concerne qu'une infime minorité de matières, surtout sur une île comme La Réunion où les filières n'existent pas ou peu" déclare Jean-Marc Gancille.
Margot Thibault pointe du doigts certains politiques qui négligent le sujet. "Certains à l'échelle locale écoute, d'autre attendent" dit-elle avant de relever des petites victoires sur ce terrain.
"Notons tout de même cette bonne nouvelle qui a été obtenue en 2019, grâce aux remontées et données obtenus lors de nettoyages par des associations à l'échelle européennes et Outre Mer, un arrêt de la production d'objet plastique à usage unique : paille, couvert, sac. Les chiffres montraient une forte quantité de ces derniers sur les plages et littoral. Autour de nous, ces fameux objets commencent à diminuer de notre quotidien" poursuit-elle.
Les regards se tournent désormais vers la négociation d'un traité international sur la pollution plastique qui s'organisera à Paris fin mai.
Au Japon, lors du G7 les 15 et 16 avril, les ministres des sept puissances industrielles (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaumme-Uni, Italie et Canada), se sont engagés à "mettre fin à la pollution plastique", avec l'ambition de "réduire à zéro toute pollution plastique supplémentaire d'ici à 2040". Un "signal fort" envoyé par Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, avant les discussions sur le futur traité.
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- Une amélioration des comportements nécessaire à La Réunion -
" Il y a une amélioration des comportements à La Réunion, mais qui ne concerne qu’une trop faible partie de la population. Il suffit de voir les quantité de déchets ramassé chaque année lors d’opération menées par différentes association de l'île" relève Stéphane Ciccione.
Depuis quelques années, les comportements ont évolué positivement pour Margot Thibault notamment depuis la campagne "Not famille nout tri" qui visait à sensibiliser au tri sélectif il y a sept ans.
"Il y a déjà moins d'erreur dans les poubelles grises d'une part. D'autre part pleins d'associations réunionnaises de nettoyages des côtes se sont créées mais aussi, les sociétés de réutilisation du verre. On peut remarquer aussi de moins en moins de barquettes en plastique, et de plus en plus de snack qui proposent l'alternative avec des barquettes en bagasse (résidu fibreux issu de la canne à sucre). Certains permettent même aux citoyens de ramener leurs propres barquette" expose la doctorante.
En 2019, le label "Ramen out barket" a été créé et permet de repérer les points de restauration qui autorisent les clients à apporter leur barquettes.
Pour l'association Project Rescue, dont une antenne a été mise en place à La Réunion il y a quatre ans, une légère prise de conscience est constatée. "Il reste à sensibiliser, éduquer les citoyens pour que l'on ne trouve plus un seul déchets sur nos côtes et on ne lâche rien ! La jeunesse est très sensible à ce problème de pollution plastique donc il faut rester positif" précise Benoit Barbotin qui participe à l'organisation d'actions éco-citoyennes sur les plages et dans les terres.
Project Rescue met en place en moyenne une action de dépollution par mois. En 2022, une vingtaine d'actions ont été menées sur toute l'île. 20 tonnes de déchets ont été ramassés.
En parallèle, l'association propose des séances de sensibilisation dans les écoles. "Pour nous, un enfant sensibilisé deviendra un adulte responsable" conclut Benoit Barbotin.
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ks/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
La différence entre les micro-particules des pneus, et les barquettes, sachets, bouteilles plastiques est qu'avec un peu d'effort, on peut s'abstenir de les jeter n'importe où, et simplement les déposer en poubelles. On peut le faire immédiatement.
Bien sûr, ce serait bien de ne pas répandre des micro-particules avec nos pneus, mais cela implique un profond changement de vie, ou d'équipements (dans le futur peut-être).
Il faut déjà que tout le monde fasse déjà le plus facile, on verra pour le reste...
A part une étude qui a été faite en Allemagne, vu sur ARTE. On ne parle quasiment pas des particules de caoutchouc laissées par les pneus des véhicules et qui se retrouvent dans les cours d'eau et les océans, ou bien que ces résidus soient considérés comme du plastique.