Préparez-vous à vous exposer à la déflagration tant esthétique que politique, produite par l’effet el Niño de Elche, qui magnifie la fibre flamenca via d'infinies « variations ». Le résultat est décoiffant, profond, inspiré et râpeux, mélodique et bruitiste… Digne des meilleurs performers rock'n roll ! (Photos V.W)
C'est un événement peu commun que cette rencontre avec Niño de Elche, un artiste total issu d'un continuum musical qui tend l'universel, à partir du flamenco, et donc du monde hispano-méditerranéen, mais aussi latino-américain. Tel le Cid campeador ou Billy the Kid, l’homme n’arbore son nom de scène qu'au titre d'une filiation sans contrainte aucune. La tradition flamenca un peu comme le blues aussi, dérivait volontiers la dénomination des flamenquistes de leur origine géographique. De fait, il n'est guère qu'à ce niveau que Francisco Contreras Molina ne déroge pas à la "tradition", car pour tout le reste, il est pour le moins hétérodoxe. Il réfute d'ailleurs toute tendance identitaire : "Il n'y a pas de problème d'identité, de flamenco identitaire. Les différentes formes de flamenco étaient jadis liées à des pratiques, à des localismes dûs à l'enclavement culturel… Dans le temps, à Elche, quand débarquait quelqu'un arrivant de Grenade, on le considérait comme un extraterrestre…" Donc Il ne faut pas assimiler son origine, à une identification stylistique similaire aux concepts de Kansas City Blues, Delta Blues, Chicago Blues, Texas Blues…
Pour le reste, le Niño nous embarque, sans crier gare, sans chichis ni folklore. Sa façon d'être cash est tout à la fois sauvage et érudite, en tout cas hétérodoxe, qualité qu'il revendique et proclame, une fulgurance d'une "movida" qui brûle, encore… toujours…
D’aucuns diront de lui qu'il n'est pas un flamenquiste intellectuel, « les gens qui disent ça ne connaissent pas les intellectuels… », sourit celui qui ne se définit pas non plus comme avant-gardiste. « Je comprends que l'on me qualifie ainsi, mais la créativité implique de se décaler par rapport aux classicismes. Je préfère hétérodoxe, iconoclaste »…
En vrai dynamiteur du flamenco, Niño de Elche partagera la scène avec le guitariste Catalan Raül Refree.
Niño de Elche, ce vendredi soir au TPA, 20h
- « Je dynamite le mythe de la voix unique » -
Niño de Elche s’est plaisamment prêté au dialogue en conférence de presse, avec traduction simultanée, notamment grâce au consul d'Espagne à La Réunion.
Vous métissez le flamenco en lui donnant une amplitude inédite qui correspond à la nature même de votre créativité explosive, de votre hétérodoxie, et cela sonne juste… par quel miracle ?
A métissage, je préfère le terme variations. La tradition du flamenco a toujours été mobile, changeante et j’accomplis un déplacement par rapport aux « traditions ». Même s'il existe un public très conservateur, puriste, qui tend à l'encadrer, le flamenco a toujours été mouvement, déplacement, et je suis ce chemin et toute expérimentation est bonne pour l'évolution… Je comprends le passé comme étant une fiction, non comme une vérité et je ne suis pas un archéologue, je suis un artiste…"
Avec "Antologia del Cante Flamenco Heterodoxo", vous avez convoqué au travers de votre voix, de votre sensibilité, l'âme de tant de genres musicaux, de sensibilités. On en vient à se demander si finalement comme un alchimiste vous n'avez pas transmuté le flamenco en spectacle total…
Je m'intéresse beaucoup à la spiritualité, l'expérimentation comme un chant continuel de l'être, en relation avec les territoires de la violence, de la folie, de la pornographie, l'astronomie… Même si à la base je suis ténor, je cherche à dynamiter le mythe de la voix unique, préférant de loin les voix multiples… Si la voix est directement liée à l'identité personnelle, il est possible de porter des voix multiples, comme il existe des discours multiples. L’important est de pouvoir changer ce qui vaut, tant en matière d'esthétique, de politique…
Votre dixième opus, “Flamenco. Mausoleo de celebración, amor y muerte” est annoncé pour le mois de novembre. En donnerez des extraits ce vendredi ?
Je ne peux pas car cela impliquerait d'autres formations sur scène… Je ne fais pas une tournée de promo, je joue en format spécifique au direct, en phase avec nombre d'aspects de mes précédents disques.
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