La moitié de population réunionnaise est en surpoids ou en obésité. Le constat est alarmant et la tendance ne semble pas s'inverser. Pourtant, plusieurs campagnes et actions de prévention et de sensibilisation sont régulièrement menées par les pouvoirs publics, les associations et professionnel.le.s de santé. Etat des lieux. (Photo d'illustration rb/imazpress.com)
D'après les chiffres de l'Insee datant de 2019, 44 % des Réunionnais étaient en situation de surpoids ou d'obésité. Selon les mêmes chiffres, chez les femmes de 15 à 24 ans à 44 ans, la fréquence d'obésité est deux fois plus élevée que pour les femmes vivant dans l'hexagone.

Les conséquences de cette situation peuvent être dramatiques lorsque l'on sait que surpoids et diabète sont souvent corrélés, et qu'à la Réunion, un habitant sur dix en souffre. Un chiffre deux fois plus élevé qu’en Métropole.
C'est pour réduire le diabète et le surpoids dans les Outre-mer que la loi Lurel (ministre des outre-mers sous François Hollande) avait été votée en 2012. Elle prévoyait notamment un alignement du taux de sucre avec les produits distribués en Métropole. Les produits laitiers (yaourts, boissons à base de lait et de fruits) et les sodas et autres boissons sucrés à base de fruits étaient principalement ciblés.
Pour rappel, la teneur en sucres dans les limonades y était supérieure de 12% par rapport à la métropole, de 20% dans les boissons aux fruits gazeuses, de 13% dans les yaourts nature et de 12% dans les yaourts aux fruits. Ces chiffres datent de 2013 et sont extraits du rapport de la députée Hélène Vainqueur-Christophe, présenté à l'Assemblée Nationale à l'époque.
Ce temps semble toutefois révolu. Contactées, les Brasseries Bourbon l'assurent, "la Loi Lurel, on la respecte scrupuleusement, les taux de sucre sont les mêmes qu'en métropole, voir inférieurs". Après vérification, sur une bouteille de Coca-Cola de 50 cl, le soda réunionnais affiche 7,4g de sucre pour 100 ml, quand son double vendu en métropole en affiche 10,6 g pour la même quantité.
L'entreprise affirme, dans le même ordre d'idée, mettre en avant "des produits dont le taux de sucre est moindre", comme le Fanta passion, qui selon Brasseries Bourbon a un taux de sucre inférieur au Fanta classique vendu en métropole. Pareil pour le Coca-Cola sans sucres (anciennement Zéro), qui est désormais "au même prix" que le Coca classique.
La simple consommation de produits sucrés et salés ne sont pas les seuls responsables de la surcharge pondérale des Réunionnais. Le manque de diversité alimentaire et les mauvaises habitudes pèsent lourds dans la balance, notamment chez les jeunes, d'où la nécessité de développer le panel de nourriture chez les enfants.
- "L'alimentation ne se limite pas au gras, sucré, salé" -
Fridor Funteu, est directeur de l’Institut régional d’éducation nutritionnelle (Iren) et nutritionniste, et il intervient régulièrement au sein des écoles pour sensibiliser les écoliers à l'alimentation saine.
"Les élèves sont très intéressés par ce qu'on peut leur proposer, on leur fait découvrir des aliments nouveau et ça leur donne envie de continuer à manger des choses saines", explique-t-il.
"Il faut qu'ils grandissent, en gardant à l'esprit que le panel de leur alimentation ne se limite pas seulement au gras, au sucré et au salé. Pour cela, l'école est un formidable moyen de prévention des risques liés à l'obésité, si toutefois les équipes éducatives prennent le problème à bras le corps."
Pour ce spécialiste, il faudrait que toutes les écoles de l'île interdisent aux enfants d'apporter et de consommer des produits trop sucrés ou salés dans les cours de récréation. Le rectorat indique à ce propos : "l'interdiction de ces produits est une recommandation qui est faite aux écoles, au même titre que les 30 minutes d'activités physique par jour. Mais la prise de décision s'effectue à l'échelle des écoles."
Dans la même optique, Esther Hoarau, diététicienne nutritionniste pour l'association Réunir, accompagne les familles d’enfants et d’adolescents en situation de surpoids et d'obésité.
Dès 3 ans et jusqu'à 17 ans, les équipes de l'association suivent pendant 6 à 18 mois les jeunes et leurs parents pour un rééquilibrage alimentaire "qui doit être l'affaire de toute la famille et pas seulement de l'enfant afin de ne pas créer de déséquilibre au sein du foyer", explique la nutritionniste.
Elle souligne que le rééquilibrage alimentaire est bien distinct de régime : "le but n'est pas de priver la personne d'un aliment en particulier car la frustration engendrée pourrait être contre-productive dans la recherche d'équilibre".
Elle précise aussi que la cuisine réunionnaise regorge d'aliments très nutritifs et bon pour la santé (brèdes, gros pois, manioc...), à rajouter dans les assiettes des jeunes tout en diminuant la part de viande.
L'alimentation n'est pas non plus le seul facteur qui engendre du surpoids : au sein de l'association, des pédopsychiatres et des éducateurs sportifs sont aussi là pour épauler les jeunes et leur entourage. Le but étant de travailler sur le temps d'écran, le temps consacré à l'activité physique...
"Plusieurs leviers permettant de trouver un équilibre entre son alimentation, ses émotions et son activité physique", détaille Esther Hoarau. Les parents sont aussi amené à revoir leur façon de cuisiner pour l'ensemble de la famille, souvent, des effets bénéfiques pour tout le monde.
- Cours de "cuisine thérapeutique" -
Ces bénéfices par l'apprentissage d'une cuisine plus saine sans être restrictive, la clinique Oméga du Port y contribue également à travers un parcours de soins pour les adultes, axé sur la réadaptation et la rééducation nutritionnelle.
D'une durée de quatre semaines, ces séances sont accessibles à partir de 18 ans. Parmi les personnes soignées, "20 % sont âgées de plus de 65 ans" précise Boris Chaussalet, encadrant de la clinique.
Pendant ce mois, les patients suivent alors des ateliers diététiques où "on leur apprend les bases de la nutrition, avec des outils simples comme la pyramide alimentaire et des précisions sur les avantages et les inconvénients de tel ou tel aliment", indique Boris Chaussalet.
Les patients ont aussi droit à des cours de "cuisine thérapeutique", où les encadrants apprennent aux bénéficiaires des techniques de cuisson moins caloriques et plus saines. Les patients sont aussi suivis avant et après une chirurgie bariatrique (réduction de l'estomac). Dans le cadre de ces quatre semaine de soins, ils suivent aussi des ateliers sportifs, psychologiques et infirmiers, selon les comordiés (diabète, hypertension, insuffisance rénale...) dont souffrent ces patients.
Car "la lutte contre l'obésité est un combat au long court, les résultats on ne les a pas dans l’immédiat" , conclut Fridor Funteu.
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