Tandis que les trois passeurs indonésiens ont été condamnés pour avoir pris part à un trafic d'êtres humains, tandis que La Réunion fait face depuis plus d'un an à une crise humanitaire sans précédent, tandis que la question des migrants divise l'opinion publique et fait régulièrement la une de l'actualité, nos élus, parlementaires, présidents de collectivité, représentants de l'État sont bien embarrassés. Plusieurs échéances locales approchent à grands pas et notre classe politique est bien frileuse à l'idée de prendre une position ferme et assumée sur la question des migrants et courir le risque de froisser une partie de son électorat. (photo rb/www.ipreunion.com)
Des cariasÂ
Ils aiment la lumière, ĂŞtre sous le feu de la rampe, sous les projecteurs. Ils ont un avis sur tout, commentent rĂ©gulièrement l’actualitĂ©, sont souvent invitĂ©s sur les plateaux et dans les studios de mĂ©dias locaux, pourtant, nos Ă©lus Ă©vitent soigneusement de parler des migrants. Le sujet passe difficilement inaperçu.Â
La peur de se mouillerÂ
Lorsque les Ă©lus sont sollicitĂ©s sur la question, leurs rĂ©ponses sont tièdes, un discours sans relief, tĂ©lĂ©phonĂ©, convenu, aucune prise de position forte. Car le sujet des migrants est clivant et les avis des RĂ©unionnais tranchĂ©s. Deux camps s’opposent, les pour et les contre. Le sujet donne souvent lieu Ă des dĂ©bats enflammĂ©s, sur les rĂ©seaux sociaux, au troquet du coin, dans les familles... Difficile de rester neutre.Â
Pourtant, il y en a qui rĂ©ussissent ce tour de force, qui jouent la Suisse : nos Ă©lus. Ils sont passĂ©s maĂ®tres dans l’art subtil de la langue de bois pour ne froisser aucune des deux parties. Leurs propos sur la question sont lisses, ils dĂ©blatèrent des lieux communs et enfoncent des portes ouvertes. En dĂ©finitive, ils ne se mouillent pas. Paradoxal, quand on voit qu’ils sont capables de s’écharper par mĂ©dias interposĂ©s sur des sujets d’une moindre importance avec la plus grande virulence.Â
Ils choississent leur combat et ce n'est pas toujours logiqueÂ
Le 13 avril dernier, un bateau est arrivĂ© Ă La RĂ©union avec 120 migrants sri-lankais Ă son bord. 120 personnes, des femmes, des enfants, des hommes extĂ©nuĂ©s par un voyage en mer. Ils ont ensuite Ă©tĂ© parquĂ©s dans un gymnase surchauffĂ© durant plusieurs jours, le temps que les dĂ©marches administratives devant les diffĂ©rentes juridictions s’enchaĂ®nent avec l'interdiction de circuler, plus de libertĂ©. La moitiĂ© a obtenu le droit de faire des demandes d'asile, les autres ont Ă©tĂ© reconduite Ă la frontière sans que l'on sache ce qui va advenir d'eux de retour au Sri-Lanka.Â
Un drame humain. Pourtant, du côté des élus, silence radio. Aucune réaction, pas un mini, petit, riquiqui commentaire.

Par contre, deux jours plus tard, lorsqu’un incendie a ravagé la toiture de la cathédrale Notre Dame de Paris, la boîte mails de la rédaction a chauffé ! Des communiqués en veux-tu, en voilà . Parlementaires, édiles, présidents de collectivités, tous avaient des choses à dire. Certains étaient même particulièrement prolixes, envoyant des pages entières pour partager leur tristesse et leur indignation.
On retrouve ce même degré d’implication quand il s’agit de descendre les copains. C’en est parfois ridicule, la critique pour la critique, aucun argument de fond, aucune solution apportée mais montrer du doigt l’autre et dénigrer ses actions, ça, on sait faire. Les élus sont prêts à en dépenser du temps et de l’énergie pour dézinguer leurs adversaires. Mais sur les vrais sujets, là , y’a plus personne…
Certains ont essayé…
Au début, certains ont tenté de prendre part au débat. Un député s’est rendu dans la zone d’attente de l’aéroport, un sénateur a interpellé le gouvernement sur la question, d’autres parlementaires ou élus, pris au dépourvu au moment d’interview ont poliment répondu. Mais là encore, on était dans la gesticulation et non l’action concrète.
Et cette implication même minime, n’aura duré qu’un temps… Les politiques sont passés de l’action molle à l’indifférence, pas fous, ils ne vont quand même pas courir le risque de se mettre à dos leur précieux électorat. Encore moins à quelques mois d’une échéance cruciale qui redistribuera les cartes du jeu politique.
Il ne fait pourtant aucun doute que le sujet des migrants sri-lankais reviendra sur la table prochainement. MĂŞme si la classe politique doit croiser les doigts pour que les tensions autour du sujet soient redescendues.
Un scandale absolu
Les Réunionnais méritent pourtant un engagement ferme de leurs élus sur la question des migrants. Qu’ils soient pour ou contre, peu importe mais qu’ils bougent. L’indifférence et l’inaction ne sont pas des réponses à cette crise humanitaire inédite. Et contrairement à ce qu’ils essaient de nous faire croire, tout ne repose pas sur les épaules de l’État, ce serait trop facile. Nos élus doivent prendre leurs responsabilités sur cette question qui est un enjeu politique majeur pour notre département.
Nos Ă©lus doivent dĂ©passer leur petite personne et enfin penser Ă l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral. Le sujet des migrants n’est pas une question de second plan. Les conditions d’hĂ©bergement, leurs dĂ©marches administratives, leur traitement en gĂ©nĂ©ral quand ils dĂ©barquent Ă La RĂ©union posent question. Mais pour le moment aucune rĂ©ponse satisfaisante n’est apportĂ©e Ă©tant donnĂ©e que notre classe politique prĂ©fère dĂ©tourner le regard plutĂ´t que de mettre la pression Ă l'AssemblĂ©e, au SĂ©nat, lors de leurs rencontres avec des ministres...Â
La condamnation de ces trois passeurs indonĂ©siens est un signal fort et confirme le fait que des filières organisĂ©es sont Ă l’œuvre. Les arrivĂ©es de migrants n’ont plus rien d’anecdotiques. L’inertie de nos Ă©lus est un scandale absolu.Â
fh/www.ipreunion.com
