Le risque n'est pas exclu

Deux virus nouvellement transmis par le moustique-tigre, La Réunion n'est pas à l'abri

  • Publié le 7 juillet 2023 à 09:25
moustique

Après la dengue ou encore le chikungunya, La Réunion pourrait-elle être touché par les virus West Nile et Usutu ? En effet, des chercheurs de l'Institut Paster ont révélé que le moustique-tigre était désormais capable de transmettre ces deux nouveaux virus. Mais alors que cette découverte a été faite, Imaz Press a questionné l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et l'Agence régionale de santé (ARS) sur les risques épidémiologiques à La Réunion.

Pour l'heure, pas de risques pour La Réunion, tient à rassurer l'Agence régionale de santé. "Ces maladies ne sont pas identifiées actuellement à La Réunion."

"Il s'agit de maladies touchant principalement les animaux (oiseaux, chevaux), qui ne peuvent pas être transmises d'homme à home, y compris par l'intermédiaire d'un vecteur", nous signifie l'ARS.

Toutefois, "le moustique Culex – vecteur naturel de ces virus – était en abondance à La Réunion", indique Patrick Mavingui, directeur de recherche à l'IRD. Le directeur qui ajoute : "il n'est pas exclu une introduction de ces virus dans l'île, soit par des personnes virémiques (qui ont le virus dans le sang), soit par les oiseaux sauvages infectés, avec en plus un passage chez les volailles". "Ce qui augmenterait le risque de l'émergence épidémique", ajoute Patrick Mavingui.

Un fait que confirme l'Agence régionale de santé. "Les deux virus sont déjà présents sur le territoire national. Il y a peu d'oiseaux migrateurs qui viennent à La Réunion (deux espèces de faucons, quelques limicoles, des corbeaux et plus récemment des ibis falcinelle)." "Tous ces oiseaux sont connus pour être capables de transporter et amplifier le virus West Nile", précise l'ARS. "Les moustiques présents à La Réunion sont aussi potentiellement vecteurs de ces maladies. Donc oui, théoriquement, le risque pour La Réunion ne peut être exclu."

- Le moustique-tigre, porteur de ces virus -

C'est dans le cadre d'une étude de surveillance des moustiques menées dans la région Grand Est que les chercheurs de l'Institut Pasteur ont fait cette découverte.

"Le moustique tigre Aedes albopictus (que l'on retrouve en majorité à La Réunion) a déjà été retrouvé naturellement infecté par le West Nile, par exemple en Pennsylvanie", explique le directeur de l'Institut de recherche pour le développement, Patrick Mavingui.

"Les infections expérimentales (donc artificielles) ont montré que Aedes albopictus étaient permissifs à l’infection par 22 arbovirus (virus transmis à l'homme par des moustiques à partir d'un réservoir animal ou d'un individu infecté), incluant West Nile et Usutu. C’est-à-dire quand on nourrit les femelles de cette espèce avec du sang contenant du virus vivant, le virus infectieux se retrouve dans sa salive. On dit alors que le moustique est compétent pour ce virus", explique le scientifique.

"Ces expériences suggèrent donc que le moustique tigre serait potentiellement capable de transmettre ces différents virus", conclut-il.

- Une découverte inattendue -

"Beaucoup de nos résultats étaient prévisibles, sauf en ce qui concerne le moustique tigre Aedes albopictus", explique Anna-Bella Failloux, coordinatrice de l'étude qui visait à mesurer les capacités de cinq espèces de moustiques à transmettre les virus West Nile et Usutu.

Pour expliquer cette découverte inattendue, une piste est avancée et pointe le rôle important des oiseaux migrateurs. En effet, chaque année, au printemps, des millions d'oiseaux effectuent une longue migration pour rejoindre leurs lieux de reproduction en passant notamment par le Grand Est français ou la Camargue, certains étant potentiellement infectés par les virus West Nile et Usutu.

Le moustique tigre, qui se nourrit du sang des oiseaux, puis des humains, serait donc un vecteur intermédiaire de transmission de l'oiseau à l'homme.

Mais alors, comment ces oiseaux présents dans l'Hexagone pourraient transmettre les virus à La Réunion, soit à plus de 10.000 kilomètres ?

"L'avifaune (sauvage et domestique) - qui désigne un ensemble d'espèces d'oiseaux dans une région donnée  - est le réservoir naturel des virus West Nile et Usutu", explique le directeur de l'IRD. "Ces virus circulent en Europe, notamment dans le pourtour Méditerranéen, comme en Camargue. Des cas humains de ces deux virus ont été également documentés en Europe."

Il précise, "le virus West Nile circule périodiquement à Madagascar dans l’avifaune et des cas humains ont été aussi documentés dans cette grande île", ce qui réduit drastiquement les kilomètres qui séparent La Réunion de ce virus. "En 2016, des travaux publiés de mon laboratoire avaient détecté par sérologie des traces de passage des virus West Nile et Usutu chez les oiseaux marins des îles éparses", ajoute Patrick Mavingui.

Une présence non loin de notre île qui n'exclut donc pas une introduction de ces deux virus transmis par le moustique tigre à La Réunion.

- Un risque à contrôler -

Si ce risque est donc avéré par l'IRD, comment le contrôler ? "Étant donné l'absence de vaccin humain contre ces deux virus (il existe un vaccin équin contre West Nile), le contrôle passe forcément par l'évitement des introductions de ces virus quand cela s'avère possible", indique Patrick Mavingui.

"La lutte anti-vectorielle durable, la protection individuelle et communautaire", en sont d'ailleurs les principaux moyens.

Plusieurs dispositifs existent déjà à La Réunion :

- ARS-LAV : surveillance entomologique des vecteurs. L’ensemble des populations de moustiques sont surveillées pour savoir quels sont les moustiques présents et où sont-ils présents sur l’Ile.
- Hôpitaux, Santé Public France, ARS : surveillance des cas humains
- DAAF, CIRAD, vétérinaires : surveillance des cas équins
- DEAL, OFB, SEOR : surveillance de l’avifaune
- DP One Health Océan Indien : recherche/enseignement en santé humaine et animale

À noter que le fait que le moustique Aedes albopictus soit capable de transmettre ces virus ne change pas le niveau de risque

Si le virus West Nile ne s'accompagne d'aucun symptôme dans la plupart des cas, il peut provoquer, dans 20% des cas environ, une fièvre brutale, des maux de tête, des douleurs musculaires, parfois associées à des complications neurologiques (méningite, encéphalite) potentiellement sévères. Dans moins de 1% des cas, il peut conduire à d'autres complications telles que l'hépatite, la pancréatite ou la myocardite.

S'agissant du virus d'Usutu, le principal risque est celui d'une encéphalite japonaise qui se traduit par des troubles nerveux centraux. Les symptômes qui doivent alors alerter sont une éventuelle désorientation, une perte de la coordination motrice, une perte de poids brutale, une hépatomégalie (augmentation du volume du foie) ou encore une splénomégalie (augmentation du volume de la rate).

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