Les moins de 14 ans exclus

Le monde sportif se mobilise contre le rabotage du Pass’Sport

  • Publié le 2 juillet 2025 à 12:40
UNSS athlétisme Etang-Salé

C'est avec colère que le monde sportif a découvert la modification des critères de versement du Pass’Sport. Versé aux familles bénéficiant de l'allocation de rentrée pour aider aux inscriptions en club, le montant passe de 50 à 70 euros. Mais seuls les jeunes de 14 à 17 ans pourront en bénéficier, alors que le Pass’Sport concernait auparavant les enfants de 6 à 17 ans. Le monde sportif, jusqu'au Comité national olympique et sportif français, appelle désormais à se mobiliser (Photo d'illustration rb/www.imazpress.com)

L'élan donné par les Jeux Olympiques 2024 semble déjà s'être essoufflé. Moins d'un an après l'organisation des JO, un événement que le gouvernement a promu en grande pompe, se gaussant d'une "France, terre de sport", le rabotement autour du Pass’Sport fait grincer des dents.

"Quand j'ai vu que le montant passait de 50 à 70 euros, je me suis dit que c'était super, mais ça m'a surpris alors que la période est surtout aux économies", se rappelle Johan Guillou, président du comité régional olympique et sportif (Cros) et de la ligue de basketball réunionnaise. 

"Puis je me suis aperçu que cette aide, qui concernait les enfants de 6 à 17 ans, n'allait être versée qu'aux plus de 14 ans. C'est une très mauvaise nouvelle pour La Réunion, surtout quand on sait qu'un enfant sur deux vit dans la pauvreté", ajoute-t-il. 

Johan Guillou fustige "des décideurs qui ne comprennent rien à l'utilité du sport". "Le sport est essentiel. Pour la santé d'abord, mais aussi pour la socialisation, pour intégrer les enfants dans la société. Pour certains, qui n'ont pas toujours une vie de famille facile, c'est aussi l'occasion de prendre un bol d'air frais", souligne-t-il. 

Si 50 euros peuvent paraître dérisoires pour certains, cette somme est en réalité essentielle pour de nombreuses familles.

"80% de nos 250 licenciés avaient le Pass’Sport. Et au moins 60% du club va être impacté par la suppression du pass pour les moins de 14 ans", affirme Fabrice Sanson, président de l'ASC Montgaillard. 

"ça va impacter les inscriptions, les enfants vont être pénalisés. Ce pass était une forme d'inclusion, qui permet de développer les valeurs sportives, d'apprendre à gérer son corps, de s'intéresser à la nutrition…", liste-t-il. 

"Même avec cette aide, certaines familles paient les 70 euros restants de la licence par échéancier. Supprimer cette aide c'est faire perdre la possibilité aux familles les plus précaires d'inscrire leurs enfants au sport", martèle Johan Guillou. 

"On exclut une partie de la population, on la précarise. Une fois qu'on a fini de couper les budgets avec les adultes, on s'attaque aux enfants, on les fragilise", abonde Fabrice Sanson. 

- 126.338 enfants étaient éligibles -

"Forcément, cette annonce fait réagir à tous les niveaux, et jusque dans les plus hautes instances sportives", souligne Laurent Monbeig, président de la ligue rollerskate.

"Pour nous, le public sensible est ciblé, ce sont les 6-13 ans, pour les amener à la découverte du sport, de leur corps...Tout ça doit commencer dès le plus jeune âge, comme l'éducation", souligne-t-il.

"Ce qu'il risque de se passer, c'est de favoriser l'accès à la sédentarité, à l'isolement…L'absence d'accès à des activités sportives peut avoir des conséquences néfastes sur leur santé, en limitant leurs opportunités de pratiquer une activité physique régulière, essentielle pour le développement physique et mental", affirme-il.

"Le sport offre un cadre structurel et des valeurs essentielles, contribuant à canaliser l'énergie et à développer des compétences sociales. Sans ces opportunités, certains jeunes pourraient se tourner vers des activités illégales ou addictives, cherchant à combler un vide laissé par l'absence de soutien et d'engagement constructif", craint Laurent Monbeig.

A La Réunion, ce sont 77.030 familles qui ont bénéficié de l’Ars en 2024, pour 126.338 enfants concernés. Parmi eux, nombreux sont ceux qui ont fait usage de leur Pass Sport pour pratiquer en club. 

"C'est un virage très fort pour le non-respect du travail des bénévoles du club. Tout le monde est bénévole, personne n'est payé, et là on pénalise les enfants. Je trouve ça irrespectueux", dénonce Fabrice Sanson. 

"Notre licence est à 80 euros, je sais très bien que beaucoup de familles ne pourront pas les payer. On se dirige vers la fermeture de certains clubs, on ne peut pas se substituer constamment au rôle de l'Etat", s'agace-t-il. 

"Sur nos 130 licenciés, nous avons 42 Pass’Sport, qui représentent plus de 65% des inscrits sur la tranche d'âge concernée", explique Laurent Monbeig.

"Je pense que certaines familles vont devoir retirer les enfants du club, le portefeuille est aussi une priorité en cette période difficile. S'il faut faire des coupes, malheureusement je pense que les loisirs vont faire partie des coupes budgétaires", prévoit-il.

- Les JO déjà oubliés -

Après les JO, nombreux étaient les sportifs à espérer un sursaut de la part du gouvernement, alors que plusieurs sportifs de haut-niveau avaient dénoncé le manque de culture sportive en France. Le Président avait assuré vouloir mettre le sport au coeur des priorités pour les jeunes. 

"Emmanuel Macron est très fort en communication, il sait surfer sur l'actualité et promettre, mais derrière, on manque toujours plus de moyens", raille Frédéric Sanson. 

Pour Johan Guillou, "l'Etat et les collectivités qui font l'impasse sur le sport n'ont rien compris". "On parle de valoriser le sport de haut niveau, mais, à part pour quelques exceptions, le haut niveau se cultive dès l'enfance", rappelle-t-il. 

Dès l'annonce de ces modifications, les députés socialistes, via Philippe Naillet à La Réunion, ont dénoncé "un changement de périmètre" qui va "gravement pénaliser les 3 millions d’enfants issus de foyers précaires" exclus aujourd’hui du dispositif. "Il va aussi pénaliser les clubs et les associations, déjà en grande peine", soulignent-ils dans un courrier adressé à la ministre des Sports, Marie Barsacq. 

"Votre choix semble seulement guidé par des intérêts budgétaires de court-terme, au détriment de nos enfants", dénoncent-ils. "Exclure les 6-13 ans, c’est priver des enfants souvent issus de familles modestes d’un accès essentiel à la pratique sportive", a réagi de son côté Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis. 

"Dans notre ville, avec l’école du bonheur, nous avons choisi d’investir dans l’épanouissement des enfants. Nous croyons fermement que cela passe aussi par la pratique sportive, par le jeu, par la coopération, par la confiance en soi. Le sport est un formidable levier de santé, d’éducation, et d’égalité. L’État ne peut pas se désengager", estime-t-elle.

Le bureau national du SNEP-FSU fustige un gouvernement qui "utilise le sport comme variable d’ajustement, impactant une fois de plus les familles les plus modestes".

"Sous prétexte de mieux cibler l’aide pour les adolescents, le gouvernement prive des millions d’enfants de 6 à 13 ans d’une aide financière qui favorisait leur inscription dans des associations sportives. Cette aide encourageait des habitudes de pratique sportive qu’ils pouvaient conserver toute leur vie", dénonce le syndicat. 

"En guise d’héritage des JOP de Paris 2024, les moyens pour la jeunesse et le sport doivent être renforcés. Une véritable politique de démocratisation de la pratique sportive en France doit être mise en œuvre. C’est à la fois un enjeu culturel et de santé publique", affirme-t-il.

- Les fédérations se mobilisent -

Alors que la France se prépare à accueillir une nouvelle fois les Jeux olympiques en 2030, cette fois-ci d'hiver, c'est l'incompréhension qui règne au sein des fédérations et des ligues, que ce soit à La Réunion ou dans l'Hexagone

La fédération de ski, directement concernée par les prochains JO, a d'ailleurs protesté contre "une décision regrettée par de nombreuses fédérations comme la nôtre et le Comité national olympique et sportif français", qu'elle soutient "dans sa demande au gouvernement de nous permettre de continuer à promouvoir nos pratiques auprès de tous". 

Amélie Oudéa-Castéra, ancienne ministre des Sports pendant les JO 2024 et nouvellement arrivée à la tête du CNOSF,  a en effet dénoncé le rabotage.

"Mettre à bas le Pass Sport est une décision néfaste, qui va priver des milliers d’enfants d’un accès à la pratique sportive, connue pour améliorer le bien-être physique et mental, mais aussi les performances cognitives et scolaires", a-t-elle écrit, estimant que le sport a déjà fait "trop d’efforts".

La fédération de Judo, qui a brillée lors des JO 2024, fustige la suspension du Pass’Sport pour les 6-13 ans et le gel du programme 1000 Dojos, qui "constitue un signal d’alerte pour l’ensemble du mouvement sportif". Un "kit de mobilisation" a été mis à disposition des licenciés pour interpeller le gouvernement.

Même son de cloche à la fédération de football, qui pointe une mesure d’économie "préjudiciable à l’héritage attendu des Jeux Olympiques et Paralympiques". "Sur les 977 000 licenciés de moins de 14 ans que compte la FFF, 375 000 d’entre eux bénéficiaient jusqu’à aujourd’hui du Pass’Sport. Dès la rentrée prochaine, ils seront exclus du dispositif", dénonce-t-elle. 

En attendant une réponse du gouverenment, les clubs devront s'adapter. "Certains vont fermer. Nous, nous n'allons pas dire à nos enfants "non, ta licence n'est pas payée, donc tu ne joues pas", il faudra donc s'adapter", conclut Fabrice Sanson.

as/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
Lou_Gabrielle
Lou_Gabrielle
4 mois

C'est dramatique. Toujours chercher l'argent dans la poche des plus pauvres. Effectivement ça coûte moins cher à l'état de laisser ces enfants devant des écrans. Les neurosciences prouvent que l'intelligente et le cognitif se développent avec le mouvement. Le mouvement est primordial au développement des deux émissaires cérébraux. Ça sert à quoi. Toutes ces recherches si les personnes sensées prendre les décisions sont incultes et ne comprennent rien. Pas étonnant quand on voit l'âge et le parcours de nos décideurs. Il faut se réveiller et réagir.

Doudou
Doudou
4 mois

Entièrement d'accord avec les personnes qui manifestent leur mécontentement. En effet beaucoup de parents ont déjà fait part de leurs difficultés à payer la licence de leur enfant . Pourquoi écarter les enfants de moins de 14 ans ? C’ est une aberration totale .
Quand on voit l engouement des parents à faire faire du sport à leurs enfants , c est à se demander .........

Voleur y porte plainte dans l'est
Voleur y porte plainte dans l'est
4 mois

Le pass sport pour tout le monde.