Réchauffement climatique

Piscines, arrosages… malgré la sécheresse, La Réunion consomme toujours plus d'eau

  • Publié le 22 août 2023 à 12:00
  • Actualisé le 22 août 2023 à 12:03

Alors que la sécheresse gagne du terrain, que les feux de forêts ravagent le monde et que les ressources en eau s'amenuisent… les piscines elles, ont toujours le vent en poupe, et notamment à La Réunion, où les températures permettent de faire "plouf" (presque) tout au long de l'année. Un vrai paradoxe face au réchauffement climatique car pour fonctionner, il leur faut… de l'eau. Mais ce ne sont pas les seules consommatrices d'eau. Stations de lavage, collectivité et même nous, simple citoyen en consommons (parfois trop). Pourtant, à l'heure où les ressources en eau sont presque à sec à La Réunion et que les ressources sont à protéger, chaque goutte compte (Photo rb/www.imazpress.com)

Avec ses 3,4 millions de piscines privées, la France dispose du deuxième parc mondial, derrière les États-Unis. En effet, il fait de plus en plus chaud et donc les gens veulent pouvoir se rafraichir. Et pour cela, ils construisent des piscines. Un véritable paradoxe face au réchauffement climatique.

À La Réunion – et en fouillant dans les données du cadastre français - selon les dernières données, on compte 15.214 piscines (creusées). Et pour cause, tout bassin de plus de 10 mètres carrés doit être déclaré auprès de la Direction générale des finances publiques (DGFIP).

Les communes où l'on en recense le plus étant Saint-Paul avec 2.410 piscines creusées et Saint-Denis avec 2.175 bassins.

Mais à l'heure du réchauffement climatique il est difficile de penser à construire un tel bassin, sans penser à l'impact sur l'environnement. Un véritable paradoxe.

Pour faire face à la sécheresse actuelle plusieurs maires de l'Hexagone et notamment dans le Var ont d'ailleurs interdit la construction de nouvelles piscines sur leur commune pour une durée de quatre ans. 

Pour connaître l'impact carbone d'une piscine, le développer Maël Thomas a créé un calculateur. Par exemple, pour une piscine de 20 m2 chauffée par une pompe à chaleur, l'empreinte carbone est de 250kg de CO2 par an.

Ce dernier qui travaille à l’ADEME, ne veut pas pointer du doigt les propriétaires de piscine, mais leur donner un ordre de grandeur. "En matière d’impact carbone, l’impact de la piscine n’est pas négligeable", rappelle le développeur en précisant que chaque personne devrait limiter son empreinte carbone, en application de l’Accord de Paris, à deux tonnes de C02 par an.

Faut-il pour autant arrêter d'en creuser ou d'en acheter ?

- Un faux débat pour les professionnels -

Au sujet de la consommation d'eau pour une piscine, en moyenne annuelle, "une piscine de 8 x 4 mètres consomme 15 m3 d'eau", nous précise Marina Mangata, chargé d'éducation populaire à l'Office de l'eau, évoquant des chiffres de la Fédération des professionnels de la piscine et du spa.

Selon leurs chiffres, "une piscine consomme très peu". "Le parc de toutes les piscines familiales en France ne représente que 0,1% de la consommation d'eau nationale", jure la fédération.

De plus, celle-ci assure qu’une piscine n’est emplie qu’une fois, au moment de son achat, et que les bâches qui recouvrent les bassins permettent d’éviter l’évaporation de l’eau.

Des gestes pas franchement généralisés, puisque les piscinistes lancent une vaste campagne de sensibilisation pour inciter les usagers à économiser l’eau de leur bassin.

Pourtant – et toujours selon la fédération des professionnels de la piscine et du spa, la consommation s'est réduite en eau de moitié au fil des années grâce à l'innovation et à des filtrations efficientes. Parmi les produits économes et surtout bons pour la nature, l'électrolyse au sel. " Enfin, les systèmes permettant de recouvrir les bassins comme les couvertures à bulles, à barres, les volets automatiques, les abris limitent l’évaporation et donc la consommation d’eau tout comme certains robots aspirants qui permettent d’éviter les balayages manuels et les contre-lavages de filtres trop fréquents", précise la fédération sur son site.

- Laver sa voiture consomme… mais moins dans les stations -

Si les piscines consomment de l'eau, elles ne sont bien sûr pas les seuls. Les stations de lavage – qui tournent à plein régime à La Réunion – voient également l'eau s'écouler à longueur de journée.

Et pourtant… contrairement à ce que l'on pourrait croire, ces stations consomment, mais pas tant que ça. Avec des portiques et des pistes haute pression, "on consomme en moyenne 60 litres d'eau pour un lavage", nous indique Imrane Timol d'Éléphant Bleu, situé à Saint-André et à l'Éperon.

À titre de comparaison, "un lavage à son domicile c'est en moyenne 340 litres d'eau utilisé, soit 45 lavages dans une station".

De plus, comme nous indique Imrane Timol, responsable de la franchise à La Réunion, "si on lave chez soi, l'eau utilisée part dans le sol, en sachant que quand on lave un véhicule on lave en moyenne 360 grammes de polluants (boue, plomb, phosphore, cuivre, zinc, chrome…)", précise Éléphant Bleu. "Écologiquement ce n'est pas bon du tout."

"Chez nous, l'eau utilisée va dans une fosse de décantation qui va séparer les polluant du reste. L'eau filtrée va ensuite dans la station d'épuration. Ce qui veut dire que 95% n'est pas perdu." Les polluants quant à eux sont collectés et traités par des organismes spécialisés.

"En réalité, sur un lavage, on va perdre 5 à 6 litres d'eau à comparaison des 340 litres pour un lavage chez soi", ajoute Imrane Timol.

Des stations qui se veulent plus respectueuses de l'environnement et des ressources. "On utilise des produits biodégradables qui ne nuisent pas à la biodiversité et d'autres produits qui vont vers le "vert"."

À La Réunion, les deux stations de cette franchise disposent aussi de panneaux solaires pour fonctionner et chauffer l'eau.

L'entreprise réfléchit d'ailleurs à récupérer l'eau des toits pour "faire un gain de plus, même économiquement".

- Les Réunionnais, grands consommateurs d'eau -

Piscine, stations de lavage… voilà des postes qui consomment de l'eau. Mais bien sûr, ceux qui restent les plus consommateurs d'eau se sont nous, les citoyens.

Selon les derniers chiffres de l'Office de l'eau, à La Réunion, la consommation moyenne annuelle par abonnés est de 193m3.

Sur le bassin réunionnais, près de 220 millions de mètres cubes sont prélevés dans le milieu naturel pour les usages domestiques, agricoles et industriels.

L’alimentation en eau potable des populations revêt un enjeu particulier. Elle représente 69% des prélèvements et répond aux besoins des 405.089 abonnés du service public.

Pour garantir la protection de cette ressource, les collectivités mettent en place des actions en faveur de la protection des prélèvements et la réduction des pertes dans les réseaux.

L’irrigation agricole est le second usage le plus consommateur avec 55 millions de mètres cubes prélevés principalement dans les cours d’eau. Le secteur industriel représente 5% des prélèvements avec 11 millions de mètres cubes par an, prélèvement relativement stable depuis 2010.

Depuis 2020, la compétence "Eau" est transférée des communes vers les Intercommunalités. Ces dernières doivent ainsi
gérer l’alimentation en eau potable sur leur territoire, prévoir les investissements nécessaires et programmer les travaux pour garantir une bonne qualité de service. Sur la période 2020-2024, près de 410 millions d’euros sont programmés.

La réglementation française impose aux collectivités la mise en place de mesures de protection des ressources destinées à la consommation humaine, qu’elles soient superficielles ou souterraines. Ces mesures sont cadrées par le Code de la Santé Publique et
visent notamment à garantir la qualité de l’eau prélevée dans le milieu naturel.

À l'Entre-Deux, l'arrosage des espaces vert a diminué de 50%. De plus, en ce qui concerne la piscine municipale, "on ne fait pas de remise à niveau de l'eau durant l'année, seulement en hiver quand on ferme pour la vidange", nous informe la commune.

C'est d'ailleurs la seule commune de l'île à avoir répondu à notre question sur : comment les collectivités géraient leurs ressources en eau.

- Préserver la ressource -

C'est donc à nous tous d'agir, collectivités, citoyens, entreprises… pour faire en sorte que nos ressources en eau – déjà fragiles – ne s'amenuisent pas plus.

On le rappelle, à La Réunion, un tiers des réserves en eau sont presque à sec et ce, malgré quelques pluies hivernales. 

C'est d'ailleurs en ce sens que s'est tenu le 4 août dernier un comité sécheresse. Un comité qui réunit plusieurs services de l'État (DEAL, ARS, OFB, Météo France, SDIS…), les collectivités, les chambres consulaires ainsi que les gestionnaires de la ressource en eau potable et en irrigation agricole.

"Actuellement, la situation ne nécessite aucune mesure spécifique", tient à rassurer les services de la préfecture. Un prochain comité se réunir mi-septembre.

Mais en fonction du bilan et des prévisions, et l’impact sur le partage de la ressource en eau, des mesures peuvent être prises, par les communes, ou par arrêté préfectoral pour limiter les usages de l’eau et préserver la ressource (limitation des heures d’arrosage, limitation du lavage des voiture, interdiction du remplissage des piscines, etc.)

À la maison, "je prends une douche rapide plutôt qu’un bain (j’utilise alors 3 fois moins d’eau). Je ferme le robinet quand je me brosse les dents, quand je me rase, et quand je me savonne (sinon 12 litres disparaissent chaque
minute dans les tuyaux)."

Dans le jardin, "j’arrose de préférence tôt le matin ou le soir (l’évaporation de l’eau est alors moins importante et je fais une économie de 50% d’eau, pour la même efficacité). J’utilise l’eau de lavage des fruits et légumes pour arroser mes plantes."

Voilà plusieurs petits exemples de gestes à faire au quotidien pour économiser l'eau. Pour en savoir plus, vous pouvez vous rendre sur les sites gouvernementaux : https://www.ecologie.gouv.fr/secheresse-economiser-leau et https://vigieau.gouv.fr/

Lire aussi - Malgré la pluie : un tiers des réserves d'eau de La Réunion (presque) à sec

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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5 Commentaires
Rico
Rico
1 mois

Désolé de sombrer dans le "whataboutisme", mais bon:
_Les 2 golfs de l'ouest de la Réunion consomment 2 fois plus d'eau que toutes les piscines de l'ouest. On sait qu'ils sont installés dans des zones sèches. Chiffres facilement vérifiables en comparant les données de cet article avec les chiffres de l'ADEME et de ceux de la Fédération Française de golf.
_On en parle du jardin d'Eden? Installé sur une zone sableuse, littorale et sèche?
Donc avant de regarder les piscines des particuliers qui ne sont pas tous milliardaires, regardez ceux qui consomment beaucoup plus.
Par ailleurs, je recycle l'eau de pluie pour remplir ma piscine au sel, ça marche très bien. Donc non, on ne vole de l'eau à personne.

Tifen Warifeper
Tifen Warifeper
1 mois

Dans cet article, le gâchis d'eau semble incomber aux particuliers qui peuvent accumuler des petits gestes au quotidien s'ils ont pris conscience de la menace de sécheresse qui plane sur notre ile. Il me semble encore une fois qu'à l'absence de prise de conscience étatique on préfère culpabiliser le moun. Sur le territoire de la CIVIS, le rendement de distribution de l'eau potable est de 54% pour des objectifs réglementaires fixés par la loi grenelle 2 de 68%. En clair, par jour et par km de canalisation se sont 15,39 m3 qui sont perdus... alors, oui, évidemment, coupons le robinet quand nous nous brossons les dents, MAIS AUSSI EXIGEONS DE NOTRE GOUVERNEMENT ET NOS ELUS D INTERCO UN INVESTISSEMENT MASSIF DANS LA REFECTION DU RÉSEAU ET LA GENERALISATION DE LA RECUPERATION DES EAUX DE PLUIE !
Domoun i di pou rapiès tout, nora boswin 3 x la moné pou fé inn NRL!
Alor, seré gadianm si le robinet larzan piblik té také pou tout le bann prozé béton, bitume, goudron inutile ou sinonsa kaskasé ou sinonsa ke i privatitise inn bien commun ke nout gro z... zélu, eskuz mon pardon! i ème si tan telman !
Alé, mi sa lav mon dan (mé pa mon boush) asiz desi kabiné, koma mi oubli pa také robiné pandan mi fé kaka dann dolo potable !! :)
PS: maison de la mer, non merci ! Cité administrative, non merci ! Parc du volcan, non merci! Detak plito baro lakour Manapany !

gaspillage
gaspillage
1 mois

l'hotel archipel se vantait dernierement au JT rfo que sa piscine à st gilles etait ...chauffée. et nous on nous dit d'acheter des ampoules basse conso?

Martin
Martin
1 mois

Et voilà où va l'eau basculée d'Est en Ouest. A eux, les piscines et à nous, l'eau de mauvaise qualité et des restrictions voire des coupures. Elle n'est pas belle la vie?

Hanaé
Hanaé
1 mois

Comment ça, un lavage manuel consomme 340 litres d'eau? Il raconte n'importe quoi. Je comprends pourquoi ça s'appelle l'Eléphant bleu.
Perso, je dois utiliser moins de 50 litres!