Réforme territoriale

Quand Hollande fait du Sarkozy à rebours

  • Publié le 3 juin 2014 à 14:33

Contraint par la nécessité de générer 50 milliards d'euros d'économies pour corriger le déficit public de la France et le faire passer par les 3% du chas de l'aiguille d'une Commission européenne sceptique, choqué par le double échec du PS aux municipales et européennes, le président de la République, est contraint de s'engager dans une réforme territoriale, qu'il avait très vaguement esquissée, le 14 janvier dernier, lors de la troisième conférence de presse de son mandat.

Mais là où le bât blesse, c'est qu'il est, ce faisant, amené à défaire l'ouvrage de ses deux premières années de mandat, histoire de mieux pressurer les collectivités locales sommées de participer à l'effort de réduction de la dépense publique. Manuel Valls avait lancé le train, le 8 avril dernier,  annonçant qu'il allait abroger... des abrogations, pour en revenir au statut quo ante, et donc réactualiser des actes politiques forts de la présidence Sarkozy, dont la suppression de la compétence générale des régions et départements, et la relance d'une réforme territoriale honnie par la gauche...

De fait, dès novembre 2012, la majorité parlementaire hollandaise, abrogeait la réforme Sarkozy renvoyant au néant le "conseiller territorial" et une assemblée unique qui ne disait pas son nom. De façon plus précise, la loi 2010-1563 avait pour finalités de rationaliser la fiscalité en cadrant la pratique de l'inter-communalité ; de réformer les institutions, notamment  par la métamorphose des conseillers généraux et régionaux en un unique conseiller territorial, mesure qui ramenait le nombre d'élus de 5843 à 3500, dès 2014.

Enfin, ce texte redéfinissait la hiérarchie des compétences entre collectivités par la suppression de la clause de compétence générale des départements et régions, afin de limiter financements croisés et doublons voraces en financements publics.

Pour le PS et la Gauche dans son ensemble, cette abrogation qui faisait partie des promesses de François Hollande-candidat, permettait de mettre un terme à une présumée "contre-réforme territoriale", stigmatisée comme étant jacobine, à savoir contraire à la décentralisation et hostile aux élus locaux.

Une véritable fronde des élus locaux

Ironie de la politique, en avril 2014, Manuel Valls devenu premier ministre, s'efforçait d'oublier ce qu'il affirmait es qualité de ministre de l'Intérieur, deux ans plus tôt, au sujet de l'instauration du conseiller territorial et de la réforme qui allait avec : "on avait voulu faire de fausses économies sur la démocratie locale" leur abrogation "marque la fin d'une période de défiance à l'égard des élus locaux..."

Dans les faits, il lui faut réactiver d'urgence la suppression de la clause de compétence générale, annoncer la suppression du conseil départemental (ex-conseil général) tout juste reformaté, la division par deux du nombre de régions et la refonte de la carte intercommunale, sans parler de la prorogation des tours de vis donnés aux financements Etat-collectivités territoriales, depuis 2010. Ayrault ayant déjà repris à Fillon ce procédé "économique" qui avait fait hurler les présidents des exécutifs régionaux et départementaux, suscitant  une véritable fronde des élus locaux.

Ce drôle de mouvement de réformes et contre-réformes mêlées est difficilement compréhensible, sauf à penser que la majorité Hollande est atteinte du syndrome de Pénélope. Reste que François Hollande-président affirme vouloir chambouler rapidement l'organisation territoriale en redécoupant la carte des régions,  dont le nombre serait ramené de 22 à 14, quand les conseils généraux, métamorphosés en conseils départementaux, seraient supprimés... à l'horizon 2020, Manuel Valls avait lui parlé de 2021.

"En attendant ce grand lointain, les prochaines élections régionales et cantonales sont renvoyées à l'automne 2015, et donc six mois plus tard que ce qui était prévu, suite à un premier décalage d'un an décidé en début de quinquennat ; en octobre 2012, François Hollande, fraîchement élu, avait reporté d'un an, à 2015, cantonales et régionales, quand la réforme Sarkozy prévoyait un renouvellement en 2014 avec l'avènement du "conseiller territorial". 

Ce second report, qui portait initialement sur 12 mois et renvoyait donc à 2016, a été réduit de moitié, de crainte d'une censure du Conseil constitutionnel, quand bien même l'argument d'une restitution du mandat ordinaire des conseillers régionaux (six ans) pourrait être invoqué, les dernières élections régionales - très favorables au PS - datant de 2010.

Le privilège d'exercer un mandat à rallonge

Si François Hollande affirme vouloir "aller vite" sur le redécoupage des régions, qui implique d'être voté à l'Assemblée et au Sénat, la notion d'urgence quand elle se rapporte à la suppression - en 2020 - des conseils généraux semble quelque peu galvaudée. Sans doute est-ce cette projection dans un futur hypothétique qui permet à François Hollande d'opter pour une révision constitutionnelle, aujourd'hui surréaliste, car elle implique d'obtenir au Congrès une majorité des trois cinquième, surréaliste aujourd'hui, en dépit des contorsions possibles des Centristes.

Plus réaliste, en revanche, le prolongement tactique  des élus régionaux PS, échaudés par les municipales et l'impopularité de l'exécutif. L'Elysée compte sur une amélioration de son image, suite aux mesures sociales prises par le gouvernement Valls. Quant aux conseillers généraux élus en 2008, ils auront eu le privilège d'exercer un mandat à rallonge, élus successivement pour six, sept, puis sept ans et demi, à l'instar d'une Nassimah Dindar, élue UMP, le 16 mars 2008,comme Thierry Robert, Cyrille  Melchior, Nathalie Bassire et quelques autres.

Une chose est sûre, la majorité hollandaise n'a pas à se soucier des dégâts que pourraient provoquer ces annonces sur un Sénat, que les récentes municipales condamnent à revenir à la droite parlementaire.

Donc, au-delà des nécessités économiques, on voit primer l'urgence politique derrière un redécoupage des fiefs régionaux  d'une gauche aux abois, dont le seul argumentaire pertinent, en matière de réforme territoriale, résiderait dans le fait de placer la droite, héritière du big bang territorial avorté du régime Sarkozy, face aux mêmes contradictions que celles auxquelles sont confrontés les électeurs déçus de François Hollande.

Philipe Le Claire pour Imaz Pres Réunion

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