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Transports aériens : Air France-KLM en arbitre des lignes ultramarines  

  • Publié le 3 mars 2023 à 10:02
  • Actualisé le 3 mars 2023 à 10:37
air france

Pour Air France KLM, trop de concurrence sur les Outre-mer et tout particulièrement sur l'océan Indien serait anti-économique. Le groupe entend donc "consolider" ce marché à sa façon, en réinvestissant une part de sa nouvelle aisance financière acquise grâce aux aides qui lui ont été octroyées depuis 2020 par ses États bailleurs et actionnaires, avec la bénédiction de la commission européenne… A qui le tour ? Corsair International ou French bee ? (Photo air france photo RB imazpress)

Concurrence pour concurrence, Air Austral n'est pas en situation de revendiquer une quelconque chasse-gardée. En effet, d'une part ses origines découlent d'une volonté politique revendiquée de mettre un terme au monopole "historique" de la compagnie nationale.

D'autre part parce que la ligne Paris-Réunion, ou vice-versa, s'impose comme un axe particulièrement rentable au vu des compagnies françaises qui s'y livrent une compétition à armes inégales comme le font Air France, Air Austral, Corsair International et  French bee…

Armes inégales, car si les aides accordées aux compagnies aériennes reposent sur une proportionnalité de principe, les "distorsions de concurrence" qu'elles induisent, selon les entreprises, interviennent à des niveaux tels que la notion même de concurrence en devient anecdotique. 

Ainsi, Air France-KLM a bénéficié successivement, depuis 2020, d'environ 20 milliards d'euros d'aides publiques françaises et hollandaises diverses et variées. Cela va de l'indemnisation du chômage partiel, aux prêts directs d'État, en passant par la conversion de Prêts Garantis par l'Etat (ndlr : 3 milliards d’euros sur 4 ans), en participation de ce même État aux fonds propres de l’entreprise… l'État s'autorisant à porter environ de 30 %  du capital d’Air France, contre 14,3 % précédemment

Le tout sans oublier les mesures d’aide chiffrées en milliards d’euros afin d'indemniser la compagnie nationale pour les dommages subis en conséquence directe des restrictions de déplacement mises en place en France et dans d’autres pays, pour limiter la propagation de la pandémie de Covid-19…

Ces merveilles d'alchimie financière ont même conduit la CGT d’Air France à justifier l'empathie de la Commission européenne pour la compagnie, en arguant de ce que transformer un prêt en capital, permet d'éluder tout soutien anticoncurrentiel de l'État, en ce sens qu'à cette opération ne correspondrait "pas plus d’argent injecté dans Air France…"

Moralité, Air France-KLM, qui risquait la faillite, est triomphalement sortie de la "crise", fin 2022, avec des bénéfices deux fois et demi supérieurs à ce qu'ils étaient avant le Covid-19, sa flotte modernisée et celle de Transavia multipliée par deux. 

Cerise sur le gâteau, selon le directeur général du Groupe, Benjamin Smith, cité par Air & Cosmos, Air France-KLM qui est parvenu à réduire sa dette nette, passée de 8,2 à 6,3 milliards d'euros entre fin 2021 et fin 2022, a continué à rembourser, au cours de l'année 2022, des tranches des PGE (prêts garantis par l'État) contractés auprès des États français et néerlandais.

En conséquence de quoi il serait en mesure de rembourser les 2,5 milliards d'euros restants d'ici avril 2023.

"Air France-KLM serait ainsi libéré du carcan des contraintes que la Commission Européenne lui avait imposé (…) interdiction de verser des dividendes aux actionnaires, modération des rémunérations des équipes dirigeantes, limitation des acquisitions et d'entrées au capital d'autres compagnies aériennes (…) Air France-KLM n'était pas autorisé à prendre plus de 10% du capital d'une autre compagnie aérienne européenne."

 Cette liberté de manœuvre retrouvée, Benjamin Smith se verrait bien en situation de "participer à la consolidation européenne" de ses réseaux, au nombre desquels figurent les Outre-mer.

Et de préciser, cité en chœur par toute la presse spécialisée : "Sur ce marché spécifique, il devrait y avoir une consolidation. Il y a quatre transporteurs sur un petit marché, ce qui n'est pas très viable financièrement. Nous sommes prêts à étudier les opportunités de consolidation sur ce marché".

Au-delà du questionnement sur la cible éventuelle de cette opération "consolidation" qui ne peut guère concerner que French bee ou Corsair International sur l'Outre-mer, Air Austral n'étant pas à vendre, on est en droit de s'interroger sur sa finalité. 

La consolidation vise-t-elle à accroître la rentabilité du réseau ultramarin d'Air France KLM, tout particulièrement sur l'océan Indien, en régulant les effets d'une hyper-concurrence jugée déraisonnable tant par Benjamin Smith, CEO d'Air France-KLM, que par la directrice générale d'Air France, Anne Rigail… 

 - Air France KLM, une santé financière fortement dopée -

Auquel cas le rachat, ou la filialisation, de l'un ou l'autre des actuels challengers d'Air France conduirait au renforcement d'une position dominante déjà aggravée par le tsunami financier encaissé par Air France-KLM pendant et après la crise Covid.

L'hypothèse tend à se décanter rapidement puisque Tour Mag vient d'annoncer que "Corsair valide un nouveau tour de table de 30 millions d'euros" Selon le magazine touristique spécialisé, les neo-actionnaires seraient Laurent Abitbol (Marietton Développement) et "aussi un membre de la famille Cohen, dirigeant de la Somatrans…

" Une troisième partie ne s'est pas encore vraiment révélée, qui pourrait être Air France-KLM, Anne Rigail, croisait d'ailleurs avant hier à Maurice… Quid du rapprochement, code share, prise de participation, Air France-KLM n'est plus limité à 10% de prise de participation…

 Si le groupe peut se permettre de jouer les ogres, c'est grâce à une santé financière dopée aux stéroïdes et à une stratégie agressive développée pendant la crise, en boostant à l'extrême ses capacités - 5 fréquences hebdomadaires viennent encore de lui être accordées sur la ligne Tana-Paris - aux dépens de la desserte de la Guyane, histoire de rogner les parts de marché de ses concurrents contraints de s'aligner sans en avoir les moyens, et d'y laisser des plumes. 

Pour Air France-KLM, le ménage à quatre qui existe sur le réseau océan Indien, constitue une anomalie préjudiciable. Cela serait pourtant une saine gestion, en ce sens que les prix y sont relativement tempérés par la multiplicité des offres, comparativement à d'autres destinations ultramarines.

Cela alors que le niveau de vie des voyageurs constituent le double flux de la clientèle, touristes européens, affinitaires et insulaires, avec ou sans continuité territoriale, permet d'abonder les avions de la compagnie - régulière - sur une fréquence soutenue y compris dans les classes offrant de la plus-value. 

- 56 vols par semaine -

En janvier 2021, Air France en était à 56 vols par semaine sur l'Outre-mer, dont 14 vols hebdomadaires seulement sur La Réunion. 

Tant Pascal de Izaguirre (Corsair International) que Marc Rochet, (French Bee, groupe Dubreuil Aéro) ont crié au loup dénonçant " une politique de surcapacité complètement décorrélée de la croissance naturelle du trafic", redoublée dans ses effets par le maintien de tarifs sur lesquels l'inflation a été réglée sur basse fréquence, nonobstant l'impact de la surtaxe carburant.

Mais ils n'ont rien pu faire pour contrer ce que Ben Smith qualifie un brin taquin "d'approche agile en matière de capacité"… 

Le PDG de Corsair International, cité par BFM Business et repris par Air & Cosmos, a bien compris de quoi il retourne en termes de concurrence : "quand vous avez le mastodonte qui déverse de la surcapacité, ça se traduit au détriment des lignes pour tous les opérateurs, le coefficient de remplissage, les prix moyens et ce n’est pas très développement durable ".

Il est vrai que le groupe Air France-KLM est en mal de capacité, car à l'international, ses concurrents européens, d'autres "mastodontes" tels International Consolidated Airlines Group (British Airways, Iberia, Aer Lingus,Vueling, Level),  Lufthansa (Lufthansa Cargo, Swiss International Air Lines, Lufthansa CityLine, Air Dolomi) sont eux aussi en mode consolidation.

Quoi qu'il en soit, à terme, au-delà des stratégies, en ces temps de reconquête, il y a fort à parier que le juge de paix, sur le réseau océan Indien, et ailleurs, sera caché quelque part entre le prix du baril de pétrole et la parité euro/dollar…

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3 Commentaires
Beaubier
Beaubier
2 ans

Il vaut mieux faire envie que pitié!!!!
Bravo à Ben Smith pour sa trés bonne gestion d'Air France.
Ce mec est un génie.

Julien
Julien
2 ans

Encore le ou la syndicaliste d'air austral qui ramene sa fraise , histoire de faire croire qu'il ou elle déchiffre la stratégie d'AF.
Grotesque analyse !

ZembroKaf
ZembroKaf
2 ans

Air France/KLM est intéressé actuellement par la "TAP" (Portugal) !!!
"Ben le canadien" joue au "bluff" pour le réseau COI ... il sait très bien que CORSAIR ne pourra pas absorber le traffic d'AF avec sa petite flotte A330Néo si AF se désengage de ce réseau et surtout le barrage POLITIQUE ... il risque de rentrer à la nage au Canada !!!