À l’occasion de la sortie de “Karantsink” ce jeudi 18 décembre 2025, Gilbert Pounia nous reçoit à Grand-Bois. "Karantsink" un livre patrimonial qui retrace 45 ans d’histoire du mouvement Ziskakan, et met en évidence son influence dans la transformation du paysage musical de La Réunion ainsi que son rôle dans l'émancipation culturelle de l'île. Entretien. (Photo : rb/www.imazpress.com)
Au bout de la rue qui longe le front de mer à Grand Bois, nous retrouvons Gilbert Pounia face à l’Océan Indien. Le vent du Sud, et le bruit des vagues ne trompent pas, nous sommes au zinzin.
Nous nous rapprochons de la scène, sur le mur au dos de Gilbert Pounia, les affiches et tableaux sont nombreux. Le nom du groupe écrit en mandarin par des artistes en visite, une Céliméne, guitare à la main, le regard droit nous fixe elle aussi. On le sent bien, ici, personne n’avance seul. Les photos des amis, des militants qui ont partagé et fait Ziskakan sont partout. Écoutez.
Que retrouve-t-on dans ce livre?
Gilbert Pounia : "Ce livre, c’est l’histoire d’un mouvement, cette période-là a regroupé des personnes de différents milieux, et de toutes les classes sociales. On voulait dire les choses autrement, à l’époque dans la culture le rapport était très folklorisant et doudouisant (une vision folklorique et convenue des outre-mer), il n’y avait que ces rapports-là qui passaient. Les livres qui sortaient, c’était de la poésie. Au début de notre mouvement, une nouvelle écriture est apparue, avec une prise de position différente avec des auteurs comme Axel Gauvin, Alain Armand, Boris Gamaleya, ou encore Bernard Payet.''
"Nous, on est arrivé, ces textes étaient dans les livres. J’ai été sollicité, et j’avais envie de le faire aussi, je leur ai dit pourquoi ne pas mettre ces textes en musique pour pouvoir entrer chez les gens. Il y a eu cette réflexion, puis ensemble nous nous sommes regroupés et nous avons créé le mouvement Ziskakan."
"Dans notre pays, des gens ont été marginalisés, mis de côté, bâillonnés et ils se bâillonnaient eux même. À cette époque, il y avait une seule radio, une seule télé et si on n'appartenait pas à tel mouvement, on ne passait pas à la télé, on ne parlait pas à la radio. Ce mouvement est parti dans des combats, on a été marginalisé. À nos débuts, avec notre musique, nous sommes allés chez les gens, dans les cours, dans les maisons. Ce livre retrace toute cette histoire."
Vous avez décidé de publier ce livre dans une version bilingue, qui sont les traducteurs?
Gilbert Pounia : "On a choisi deux jeunes Réunionnais pour la traduction : Loran Dalo, et Marika Chapelain, pour faire cette traduction en créole réunionnais, pour travailler sur le créole. Des jeunes, parce que ce sont eux demain qui reprennent le flambeau. À mon époque, Boris Gamaleya, par exemple, a lui aussi passé le flambeau et il en était heureux. Aujourd’hui, à la Réunion, on est heureux que des jeunes écrivent, parfois, c’est un peu violent, mais ce n’est pas une violence négative, pas un "kasé brizé."
La journaliste mauricienne Shenaz Patel qui a écrit ce livre, pourquoi ce choix?
Gilbert Pounia : "Je me suis dit, il y a quelqu'un dont j'aime bien l'écriture dans l'Océan Indien. J'ai tout de suite pensé à Shenaz Patel, qui a notamment écrit sur les Chagos. C’est un livre qui fait 190 pages, je l'ai beaucoup relu, tout le travail que Shenaz a fait, est magnifique."
"Elle a une vision de l’Océan Indien, des îles de la zone et du monde, et on veut que ce livre aille le plus loin possible, on veut l’apporter aux gens d’ici, mais aussi qu’il voyage. Je pense que nous apportons quelque chose au patrimoine mondial, on apporte cette histoire, on apporte la parole créole, le créole. Nous racontons aussi notre histoire, une Histoire qui n’est toujours pas enseignée dans les écoles. Il y a eu des avancées, la langue est dans l’école par exemple et nous ne voulons pas que tout cela disparaisse. On a eu la chance de contribuer à faire vivre à faire connaître l’histoire de La Réunion et de participer à cette reconnaissance, c’est très important."
Comment voyez-vous l'avenir pour La Réunion?
"Ce qui me fait peur aujourd'hui, c’est quand je vois que des hommes politiques s’allient au Rassemblement Nationale, ça devrait interpeller tout le monde comme si ils avaient oublié les valeurs de ce parti politique basé uniquement sur l’exclusion de l’autre, il faut être vigilants. Nous les artistes, nous avons un rôle social important face à la montée des extrêmes."
Au sujet de l'avenir de notre île, il ajoute : "Notre vivre-ensemble, arrêtez de l’utiliser, ne faites pas à notre place, ne faites pas pour nous, faites avec nous. Je crois que lorsque les gens vont faire avec nous, peut-être qu'on aura un avenir."
Des projets, Gilbert Pounia en a plein, comme cette maison des artistes dont il rêve pour les îles de la zone, pour La Réunion et pour l'Inde. Il a aussi le souhait d'arrêter les tournées avec Ziskakan en octobre 2026.
Pour cet artiste incontournable de la scène musicale et culturelle de la Réunion, pour le monde militant aussi, c'est une page qui s'apprête à se tourner. La musique, et les combats eux, continuent.
- Karantsink -
Publié par l'Agence Komkifo, "Karantsink" est disponible en pré-vente sur le site cultivanoo. Tirés dans un premier temps à 1.000 exemplaires, les livres arriveront en janvier 2026. Dans le futur, Gilbert pounia souhaite aussi des traductions en plusieurs langues.
ee/www.imazpress.com/[email protected]

50 euros le livre, un peu cher ? En plus il a fallu l'attendre plusieurs mois.
Sinon Farouck R. ....il est passé aux oubliettes !!!
Annoncé en octobre sur le site Ziskakan, effectivement le livre a du plomb dans l'aile. Pourquoi la maison d'édition prend autant de retard ? On pensait l'obtenir pour décembre, le voilà en janvier. Manque de sérieux Gilbert !
Toutes ces publicités pour un livre qui va paraître qu'en janvier ? Je crois que la maison d'édition travaille au train des sénateurs. Alors que je pensais le mettre sous mon sapin de Noël ! "Somin gran boi sa lé lon in zour nou va arrivé ".