L'Assemblée nationale a voté jeudi à l'unanimité une proposition de loi LR permettant de relever les retraites des agriculteurs non-salariés, et adopté in extremis un autre texte pour lutter contre les violences conjugales.
Le texte sur les retraites, présenté par le député de l'Ain Julien Dive, prévoit "d'étendre aux non-salariés agricoles", notamment les chefs d'exploitation et les "conjoints collaborateurs", "le calcul de la retraite de base sur les seules vingt-cinq meilleures années", et non plus sur l'intégralité de leur carrière.
Les chefs d'exploitation à la retraite touchent en moyenne 1.079 euros bruts pour une carrière complète (hors réversion), selon des éléments de la Mutualité sociale agricole (MSA).
Pour faire adopter le texte, rejeté de très peu en commission, Julien Dive avait introduit un amendement reculant à janvier 2026, et non plus à 2024, l'entrée en vigueur progressive de cette mesure.
Le ministre du Travail Olivier Dussopt s'est dit favorable à la proposition de loi ainsi amendée, y voyant "un compromis républicain".
Sur ce sujet consensuel, deux lois dites Chassaigne 1 et 2 avaient déjà été votées à l'unanimité en 2020 et 2021.
En toute fin de soirée les députés ont également adopté une proposition de loi du député du Lot Aurélien Pradié prévoyant la création d’une juridiction spécialisée aux violences intrafamiliales, sur le modèle de l'Espagne.
Le nombre de féminicides a augmenté de 20% en France en 2021 (122 contre 102 en 2020). Du 1er janvier 2022 à la mi-novembre, 100 femmes ont déjà été tuées sous les coups de leur conjoint, d'après un collectif associatif.
Le texte a été voté in extremis, par 41 voix pour et 40 contre. Les députés d'opposition ont retiré leurs amendements pour passer directement au vote avant minuit, qui sonnait la fin de cette journée réservée à LR pour présenter ses textes, alors que trois amendements seulement (sur 57) avaient pu être examinés.
- "Obstruction" -
"Vous faites tout pour que nous n’examinions pas ce texte parce que vous avez la trouille d’être battus", a lancé aux ministres présents Aurélien Pradié.
"Vous ne devez pas vous livrer à un jeu d'obstruction semaine après semaine", a abondé le patron des députés LR Olivier Marleix.
Après une suspension de séance, les députés ont annoncé un retrait de leurs amendements.
Il s'agit de poursuivre "le travail de co-construction" entamé avec le rapporteur, a affirmé le député LFI Antoine Léaument. "Pour que nous puissions le voter", a abondé l'écologiste Sandra Regol.
Edwige Diaz (RN) a elle invoqué "l'intérêt de la cause" et expliqué que les amendements RN seraient redéposés en deuxième lecture.
"Obstruction du gouvernement? Pas un seul amendement chez nous", a répliqué le Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti. "Vous vous asseyez sur vos propres convictions pour faire passer aux forceps" le texte alors que "sur la composition, sur la compétence, vous n'êtes pas d'accord".
"Vous avez volé le débat", a-t-il répété à plusieurs reprises, rappelant qu'une mission parlementaire sur les violences faites aux femmes était en cours.
Déplorant une proposition "faite à la va-vite", la ministre déléguée à l'Egalité Femmes-Hommes Isabelle Rome avait précédemment annoncé l'organisation d'"un groupe de contact de deux semaines" à l'issue de cette mission parlementaire.
En revanche, deux autres textes LR sur l'expulsion des étrangers délinquants ont été rejetés, notamment celui d'Eric Ciotti (Alpes-Maritimes) qui voulait créer une "cour de sûreté" pour accélérer les procédures.
Cette "niche" LR avait aussi pris un tour politique en interne, Eric Ciotti et Aurélien Pradié étant tous deux candidats à la présidence de LR dont le premier tour débute samedi.
Les orateurs n'ont pas manqué de railler ce télescopage des calendriers, notamment lorsque Aurélien Pradié, qui avait aussi le soir une réunion avec des adhérents LR à son programme, est arrivé en retard à la reprise de la séance à 21H30.
"Je sais que vous êtes en plein congrès, mais soyez un peu sérieux", avait lancé à Eric Ciotti l'écologiste Aurélien Taché.
Adoptés en première lecture, les textes sur les retraites agricoles et les violences conjugales vont être transmis au Sénat, à majorité de droite.
AFP