Sélectionné en 2020 par la Mission Patrimoine, le pont suspendu de la Rivière de l'Est fait peau neuve. En rénovation depuis septembre 2021, il va retrouver un garde-corps, des câbles et surtout un tablier fraîchement restaurés dans l'esprit de la construction d'origine, classée monument historique. Dès juin, les ouvriers s'apprêtent à "découper" la structure en plusieurs tronçons de cinq mètres pour refaire tout le tablier du pont : un chantier hors normes. (Photo d'archives rb/www.ipreunion.com)
Livré en 1894, le mythique pont suspendu de la Rivière de l'Est, situé à la frontière de Sainte-Rose et Saint-Benoît, souffre de l'usure du temps. Depuis son inscription au titre des monuments historiques nationaux en 2018 et sa sélection par la Fondation du patrimoine il y a deux ans, un important travail de restauration est mis en place.
Débutée en septembre 2021, la rénovation vise à rendre au pont sa splendeur d'antan. Prévus sur plus d'un an, les travaux ont pris du retard en raison de la crise du fret. Des approvisionnements en bois, notamment, sont toujours attendus. La restauration pourrait alors être terminée en avril 2023. Coût du projet : 12 millions d'euros hors taxes, dont 70% sont financés par les fonds européens de la Feder, 16% par la Région, 10% par la Direction des affaires culturelles (Etat) et 4% par la Mission Patrimoine.
- Une structure "découpée" en tronçons -
Le chantier est suivi par un groupement de maîtrise d’œuvre (L'atelier Architecte, Artelia, Quadric). "La rénovation avance bien" se félicite Monique Ozoux, déléguée de la Fondation du patrimoine océan Indien (Réunion-Mayotte). A ce stade, les travaux sont sur la fin pour ce qui est des piles, situées de part et d'autre du pont. Idem concernant les murs de soutènement en pierres dont les joints ont été refaits. Sur place, les ouvriers finissent la partie maçonnerie, à la chaux.
Fondation du patrimoine océan Indien
"Il a également fallu procéder à un gros travail de désamiantage sur les câbles qui avaient été repeints dans les années 1990" ajoute Monique Ozoux. Des opérations menées depuis octobre et désormais terminées à 80%.
Commence maintenant la partie plus "aérienne" de la rénovation sur le tablier du pont, soit la partie dite "suspendue" à 42 mètres du sol, mais également ses garde-corps et ses câbles. Le démontage des garde-corps est prévu dès le mois de mai. "Dans un premier temps nous allons démonter les garde-corps et les poutres de type 'arnodin', un nom donné à partir de l'ingénieur Ferdinand Arnodin, il est considéré comme celui qui a remis au goût du jour les ponts suspendus" détaille Franck Orgerit, chef du service ouvrages d'art (SOE) à la Région Réunion. "C'est une structure qui permet de rigidifier le tablier." Les garde-corps d'origine vont rester : ils vont être emmenés en usine, sablés puis repeints, avant d'être fixés à nouveau sur la structure.
Fondation du patrimoine
Le démontage du tablier, lui, devrait débuter en juin prochain. Un chantier colossal puisqu'il consiste à "découper" des tronçons de 4 à 5 mètres, qui seront ramenés vers le bord puis démontés. Bien que le monument soit classé, les opérations sont autorisées et surveillées de près par la Direction des affaires culturelles de l'océan Indien. Le challenge : rénover tout en gardant l'esprit d'origine de l'édifice.
"Nous allons découper les poutres dessous et mettre en place un système de grue sur câbles pour progresser sur la structure" indique Franck Orgerit. Un nouveau tablier sera alors installé, dont l'épaisseur sera doublée (10 cm de bois), posé sur des poutres plus fines.
Exemple de système de grue sur câbles - service ouvrages d'art, Région Réunion
En juillet interviendra ensuite la partie consacrée aux câbles. Les structures métalliques sont en effet particulièrement usées (voir photo ci-dessous). Un travail très délicat pour lequel les ouvriers seront sécurisés par des harnais.
Câbles d'origine - Fondation du patrimoine
"Ces câbles sont dits 'à torsions alternatives', ils sont comme entrelacés, torsadés, ce qui permet une meilleure résistance. C'est toujours d'actualité sur les nouvelles constructions" explique Franck Orgerit. Des nouveaux câbles, repeints dans une couleur "bitumeuse noire" qui se rapproche des photos d'époque, seront installés. En tout ce sont plus de 4.500 mètres de câbles neufs qui vont être déroulés.
Les selles d'appui seront aussi refaites, "il s'agit de la partie au-dessus des piles par laquelle les câbles passent : les selles seront abaissées" explique le chef du service. Objectif : redonner au pont le visage qu'il avait en 1894, avant les multiples réparations successives effectuées au fil des années sur l'édifice.
A gauche : l'ouvrage actuel, à droite : l'ouvrage projeté avec davantage de câbles et une selle plus basse (images L'atelier Architecte)
- Un lieu mythique -
Une fois rénové, le pont suspendu de la Rivière de l'Est pourra redevenir une passerelle piétonne. L'édifice de 150 mètres de long est fermé à la circulation depuis 1979, puis aux piétons depuis 2016, pour des raisons de sécurité. Lieu mythique de La Réunion, il permettra de renouveler l'offre touristique sur place, proposée entre autres par la Cirest.
"Après les travaux, il faudra mettre en place le projet de valorisation pensé pour le lieu, via la création d'un écomusée sur site, avec des photos et un historique de la rénovation. Des boutiques seront également installées sur place et des visites scolaires sont déjà programmées" explique Monique Ozoux.
Des points de vue seront aussi proposés depuis la RD3 et un projet de tyrolienne est en cours. Si dans un premier temps il avait été envisagé de faire du saut à l'élastique sur le site, la proposition n'a pas été retenue. Les études réalisées sur l'impact touristique tablent sur 100.000 visiteurs par an en moyenne.
Pour rappel, le pont suspendu a été construit pour relier l'Est au Nord et transporter les cannes plus facilement au-dessus de la rivière. Il était "le plus long pont du monde lors de sa livraison" rappelle la Fondation du patrimoine.
mm/www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com
Article très intéressant et complet. De plus en plus rare. Bravo