Elles sont 1.200 à La Réunion

Assistantes maternelles : quand la crise sanitaire permet de faire (un peu) avancer les droits

  • Publié le 2 novembre 2020 à 02:59
  • Actualisé le 2 novembre 2020 à 07:05

Les assistantes maternelles pourraient bénéficier de la médecine du travail, d'après une annonce faite fin septembre 2020 par Adrien Taquet, secrétaire d'État en charge de l'Enfance et des Familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé. Mais rien n'est assuré pour le moment. La crise sanitaire a permis de cristalliser une profession oubliée par les institutions mais vitale à l'heure du premier confinement. A La Réunion, l'angoisse d'un reconfinement - qui n'aura finalement pas lieu -, témoignait du stress et de la précarité d'une profession malmenée où le salaire minimum n'est pas fixé et la pénibilité du travail n'est pas reconnue. La France en compte 400.000 dont 1.200 à La Réunion (Photo d'illustration rb/ www.ipreunion.com)

"Ce sont les grands oubliés de la crise sanitaire, tranche Marie Lebon, secrétaire générale su syndicat des assistants maternels et familiaux et des familles d'accueil 974 (SAMFFA). Si les soignants ont pu bénéficier d'une prime de 1.000 à 1.500 euros, les assistantes maternelles, elles, n'ont rien reçu. Pourtant, elles étaient aussi en première ligne lors du confinement de mars.

La situation chaotique et peu homogène des assistantes maternelles a été mise en exergue à ce moment là. Elles ont été placées en chômage partiel, à hauteur de 80% de leur salaire habituel. Parfois elles ont été simplement à l'arrêt après avoir été remerciées par des parents préférant garder eux-mêmes leurs enfants soit parce qu'ils étaient en télétravail soit parce qu'ils avaient perdu leur emploi,

Certaines d'entre elles ont maintenu une partie de leur actvitiés en gardant les enfants des soignants ou encore des fonctionnaires réquisitionnées. Une perte financière qui s'ajoutait au stress d'un quotidien angoissant à l'ère de la Covid.

 

- Une profession "abîmée et ignorée" –

Un quotidien stressant qui devait aller de pair avec une profession en souffrance, d'abord physiquement : "Beaucoup de médecins leur indiquent qu'elles ne peuvent plus travailler", rapporte Sonny Perseil qui co-signe avec sa femme, Louise, qui travaille dans ce secteur, "Le scandale des assistantes maternelles", publié en septembre 2020 (Harmattan). "Elles souffrent en général de lombalgie, de problèmes d'articulations en raison des gestes précis et délicats qu'elles pratiquent avec le bébé, ou encore des soucis d'auditions liés à une surexposition aux cris des bébés", détaille le docteur en sciences politiques. Un scandale pour ce dernier quand on sait qu'elles ne bénéficient pas de la médecine du travail, et encore un moins d'un salaire minimum du point de vue du droit du travail.

Moralement, ce n'est pas mieux. "Troubles psychologiques, dépression, maux de têtes", continue Sonny Perseil. Des effets encore dus au caractère bruyant des cris de bébés et leur exposition sur le long terme. Des troubles renforcés par le stress de parents qui peuvent se montrer vindicatifs. Ces derniers pourtant doivent accepter "que l'assistante maternelle indique les règles à suivre, et non l'inverse", insiste-t-il.

- " Notre vie a basculé du jour au lendemain" –

La crise sanitaire a encore aggravé le mal être de la profession."Comment voulez-vous occuper un bébé avec un masque sur la bouche ?", demande Marie Lebon. Une absurdité pour la syndicaliste soulignant la particularité de la garde d'enfants en bas-âge, incapables de comprendre ce qui se passe et dont il faut occuper l'attention sans cesse. Une mesure qui a évolué récemment à la mi-septembre 2020. "Le port du masque devient obligatoire en présence des enfants pour les assistantes maternelles exerçant en crèche ou en maison d'assistantes maternelles mais pas à domicile".

Au premier confinement, c'est tout un ensemble de règles qui s'est imposé aux assistances maternelles. Des gestes déjà existants sont devenus omniprésents : lavage des mains (de l'enfant et de l'assistant maternel) systématique à chaque activité, désinfection répétée des jouets…et une distanciation sociale difficile à respecter quand on garde jusqu'à quatre bébés.

Les gestes répétitifs sont aggravés par une hantise :"on vit dans la peur permanente de contracter le virus, et de le donner, aux enfants ou aux proches", résume Rose officiant comme assistante maternelle depuis 32 ans. "Notre vie a basculé du jour au lendemain". A La Réunion, "aucune assistante maternelle n'a contracté le virus, à ma connaissance", déclare Marie Lebon.

De l'État, Rose n'a reçu aucune aide ou prime alors qu'elle est passée de quatre à un enfant à garder, celui d'un couple de soignants. De son côté, la Région lui a fourni en tout et pour tout 50 masques. Bien maigre aide quand la durée de vie de ces protection est de 4 heures. "J'ai rapidement épuisé les réserves et devait me fournir aussi en gel hydroalcoolique", note une assistante maternelle située au Tampon. Ces revenus ne dépassaient pas 1.000 euros en période de confinement."J'espère que le gouvernement fera un geste", espère quand même Rose.

- Une revalorisation du métier (encore) à venir –

Dans ce contexte, la "crise sanitaire a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase", analyse Sonny Perseil indiquant que certaines assistantes maternelles se sont reconverties, temporairement ou définitivement. Un phénomène pour l'instant impossible à chiffrer.

Cette goutte d'eau a-t-elle été un élément déclencheur également du côté des législateurs ?  "Adrien Taquet a fait une proposition en faveur des assistances maternelles notamment qu'elles bénéficient de la médecine du travail" fin septembre 2020, relève Sonny Perseil. Un projet en préparation depuis de nombreuses années mais toujours repoussé et que la crise sanitaire a poussé dans l'agenda politique. L'accès à la formation devrait leur etre également faciliter. "On attend de voir que ça se fasse", commente prudemment le chercheur.

Fin juin 2020, les députés François Ruffin (LFI) et Bruno Bonnell (LREM) ont d'ailleurs remis un rapport d'information sur les " métiers du lien " qui fait 43 propositions pour les métiers d'assistante maternelle, d'accompagnant d'enfants handicapés, d'animatrice périscolaire et d'auxiliaire de vie sociale. Le réalisateur de "Merci Patron" a même lancé une pétition pour demander une augmentation du taux minimum légal et une prime Covid.

 

Des propositions qui poussent Sonny Perseil à l'optimisme rappelant que les assistantes maternelles "doivent être traitées comme toutes les autres professions :  disposer de droits sociaux et un salaire minimum".  La route est encore longue pour ce travail qui doit aussi être revalorisé : le salaire horaire moyen d'une assistante maternelle en 2014 était de 3,40 € net par enfant accueilli, selon une étude de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques datée de 2017).

vp / redac@ipreunion.com / www.ipreunion.com

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