Tribune libre de la CFTC Santé

Conditions de travail des personnels hospitaliers : lettre ouverte aux autorités compétentes

  • Publié le 6 juillet 2025 à 12:23
  • Actualisé le 6 juillet 2025 à 12:31
coronavirus chu bellepierre

Dans une lettre ouverte aux autorités compétentes, le syndicat CFTC Santé Réunion-Mayotte lance un appel pour l'amélioration des conditions de travail des personnels hospitaliers de La Réunion et le respect de la réglementation en vigueur : "la situation que nous vivons au quotidien n'est plus tenable et met en péril non seulement notre bien-être physique et mental, mais aussi la qualité des soins prodigués à la population réunionnaise" (photo RB/www.imazpress.com).

La situation que nous vivons au quotidien n'est plus tenable et met en péril non seulement notre bien-être physique et mental, mais aussi la qualité des soins prodigués à la population réunionnaise. Des temps de travail et de repos bafoués : une réalité insoutenable.

La réglementation relative au temps de travail et de repos, garante de notre santé et de notre capacité à exercer nos missions avec professionnalisme, est systématiquement bafouée dans nos établissements. Les journées de 12 heures sont devenues la norme, souvent sans compensation adéquate. Les cadences de travail sont effrénées : il n'est pas rare d'effectuer plus ou moins 12 vacations par mois sans aucun jour de congé, une situation déjà intenable.

Pour être plus précis, 12 vacations de 12 heures équivalent à 144 heures de travail, même en mode dérogatoire. Actuellement, nous sommes confrontés à des plannings incluant ces 12 vacations avec, dans ce même mois, une semaine de congé annuel. Ce qui nous ramène à un total mensuel de 179 heures travaillées, incluant donc une partie de notre temps de repos annuel dans la charge de travail mensuelle. Imaginez-vous faire vos vacations mensuelles tout en y incluant vos congés !

C'est une aberration qui nie le droit fondamental au repos. Les temps de repos – qu'ils soient mensuels, hebdomadaires ou annuels – sont loin d'être respectés, nous poussant à des cadences infernales. Il n'est pas rare de voir des personnels enchaîner deux week- ends de travail consécutifs juste avant un congé, ce qui transforme ces périodes de repos censées
être réparatrices en simples périodes de rattrapage des heures accumulées. Cette situation est non seulement illégale, mais surtout déshumanisante.

- Un paradoxe insoutenable : plus d'activité avec moins de moyens -

Le CHU de La Réunion a vu son activité augmenter de plus de 6%, ce qui témoigne d'une demande de soins croissante de la part de la population. Cependant, au lieu de renforcer les équipes pour répondre à cette charge de travail accrue, les directions diminuent les effectifs. Ce paradoxe est intenable. Pour combler les postes vacants, notamment dans les secteurs médicotechniques, l'établissement a recours de manière excessive à des emplois en intérim.

Cette gestion précaire du personnel, en plus de dégrader la cohésion des équipes, ne garantit pas la continuité et la qualité des soins sur le long terme. Elle crée un sentiment d'abandon et de mépris pour les personnels qui restent.

Ces plannings dérégulés et cette surcharge de travail ont des conséquences dramatiques sur notre vie de famille. Il devient extrêmement difficile, voire impossible, de concilier nos impératifs professionnels avec nos obligations personnelles et familiales. Nos proches subissent indirectement cette pression constante et notre absence chronique.

 -Vie de famille compromise et sentiment d'esclavage moderne -

Plus grave encore, de nombreux hospitaliers vivent cette situation comme une forme de soumission, un "esclavage moderne". Nous sommes conscients de notre résilience, de notre engagement indéfectible envers notre métier et les patients. Cependant, cette résilience est aujourd'hui exploitée de manière abusive par l'administration, sous prétexte de "plan d'efficience" ou de "plan de redressement". Ces euphémismes masquent en réalité une politique d'économies qui se fait sur le dos du personnel, au mépris des conséquences humaines.

Face au manque criant d'effectifs, nous constatons que certains cadres, n'ayant plus de solutions, sont contraints de jouer sur la qualité des soins. Pire encore, certains discours insinuent que cette surcharge de travail, ce quasi-esclavage masqué, pourrait être un chemin vers un avancement ou un grade supérieur grâce à une implication démesurée. C'est une affirmation fausse et dangereuse. Non seulement cela ne se traduit pas dans les faits, mais cela pousse le personnel à l'épuisement, compromettant gravement la sécurité des patients et la qualité de la prise en charge.

- Menaces et précarité : une épée de Damoclès sur les contractuels et titulaires -

La pression est d'autant plus forte que des menaces pèsent sur nos contrats. Pour les personnels contractuels, la moindre indisponibilité, même légitime, peut entraîner une non-reconduction de contrat, les transformant en "paria" du système. Cette épée de Damoclès crée une précarité anxiogène et pousse à l'autocensure face à des situations de surcharge. Les titulaires ne sont pas épargnés par cette pression, contraints d'absorber des charges de travail toujours plus importantes, sans reconnaissance ni compensation.

Notre appel à l'action : nous demandons instamment aux autorités compétentes de prendre la pleine mesure de cette situation critique. Il est impératif de :

• Faire respecter la réglementation en vigueur concernant le temps de travail et les temps de repos de l'ensemble des personnels hospitaliers
• Mettre un terme aux pratiques abusives qui compromettent notre équilibre de vie et notre santé, et qui menacent la qualité des soins
• Cesser les menaces sur les contrats et garantir la stabilité professionnelle de tous les personnels
• Investir réellement dans les ressources humaines des hôpitaux de La Réunion, au lieu de chercher des économies qui dégradent les conditions de travail et la qualité des soins
Nous sommes les piliers de notre système de santé. Sans nous, il ne peut fonctionner. Il est temps de nous considérer avec le respect et la dignité que notre engagement exige.

Le Syndicat CFTC Santé Réunion-Mayotte reste à votre disposition pour dialoguer et trouver des solutions concrètes pour l'avenir de notre système de santé et le bien-être de ceux qui le font vivre.
 

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1 Commentaires
Missouk
Missouk
5 mois

Soutien total à ces personnels