Tribune libre de ceux qui produisent et créent des emplois

L'Europe ne peut pas se désintéresser de ceux qui produisent à La Réunion

  • Publié le 5 novembre 2025 à 05:36
  • Actualisé le 5 novembre 2025 à 05:43
agriculture canne sainte-marie

Depuis la création de la Politique agricole commune (PAC) en 1962, puis celle du POSEI en 1989, et encore récemment avec la Politique commune de la pêche, l’Union européenne a toujours fait de la souveraineté alimentaire, une priorité absolue de son action (Photo : sly/www.imazpress.com)

C’est ce qui explique que les politiques agricoles et de la pêche sont le premier poste de dépense de l’Union européenne, car l’Europe a toujours fait le choix légitime de :
• promouvoir une alimentation de qualité et accessible à tous les Européens ;
• permettre aux producteurs et aux transformateurs européens de vivre de leur travail, y compris en compensant, par des aides, les éventuels déséquilibres de marché.

Dans ce modèle, les aides européennes représentent en moyenne 74 % du revenu de la production agricole française.

Plus qu’un secteur économique, l’agriculture, tout comme la pêche, sont des biens communs européens, qui participent à l’équilibre des territoires, à leur cohésion et à la souveraineté alimentaire européenne.

Cette stratégie européenne se décline évidemment dans les départements d’Outre-mer – et donc à La Réunion –
avec des politiques européennes qui sont adaptées aux caractéristiques et contraintes particulières de nos territoires : le POSEI pour l’agriculture, le FEDER RUP pour l’investissement, le FEAMPA pour la pêche et l’aquaculture.

Ces dispositifs traduisent une évidence : produire, transformer et vivre à 10 000 kilomètres du continent européen coûte plus cher, prend plus de temps et demande de l’engagement et de l’ingéniosité.

LA REUNION, UN TERRITOIRE EXEMPLAIRE DE LA PRODUCTION LOCALE

L’île a su bâtir un modèle agricole résilient, exemplaire, de plus en plus circulaire et qui développe sa durabilité.

Avec 35 000 hectares productifs, 6 000 exploitations, près de 70 % d’autonomie alimentaire en frais pour la viande et les fruits et légumes et 4 000 tonnes de poissons pêchés couvrant 25% de la consommation locale en produits de la mer, notre île a su bâtir un modèle unique. Il s’appuie sur la complémentarité des productions, y compris au sein de nombreuses exploitations agricoles, entre, d’une part, des cultures vivrières répondant aux besoins de la population, et d’autre part, la culture de la canne à sucre dont les revenus sécurisent les agriculteurs réunionnais, dont la transformation répond au besoin du marché local et constitue le premier poste d’exportation de notre île.

Toutes les filières agricoles réunionnaises bénéficient d’un soutien public de l’Europe qui tient compte évidemment du nombre et de la taille des exploitations, des handicaps de compétitivité, etc. Ce soutien est juste et financièrement proportionné. Il permet des dispositifs européens réglementairement adaptés aux Outre- mer, en particulier via le POSEI pour l’agriculture, ou le FEAMPA pour la pêche.

C’est la démonstration concrète qu’une politique européenne adaptée crée de la valeur économique, des emplois, des progrès environnementaux durables, sur terre comme en mer.

UNE EUROPE DE PLUS EN PLUS DECONNECTEE DU TERRAIN

Pourtant, depuis quelques années, l’Union européenne s’éloigne de ses propres principes.

D’un côté, elle impose à ses propres agriculteurs des règles toujours plus strictes, de l’autre elle multiplie des accords de libre-échange avec des pays non européens qui favorisent des importations de produits agricoles à bas prix, issus de pays aux normes sociales et environnementales beaucoup moins contraignantes – quand elles ne sont pas tout simplement inexistantes.

D’un côté, elle affirme l’importance de reconquérir sa souveraineté agricole, notamment après l’épisode du Covid, de l’autre elle refuse d’augmenter les budgets agricoles, agro-alimentaires et relatifs à la pêche, destinés aux Outre- mer dans la prochaine période de programmation, quand elle ne décide pas carrément de les baisser.

D’un côté, elle finance le renouvellement des flottes de pêche dans des pays non- européens au titre de la politique de co développement – par exemple à Maurice – de l’autre elle le refuse aux pêcheurs de La Réunion.

D’un côté, elle encourage les montées en gamme des productions des RUP, de l’autre elle accepte les importations sur le continent de sucres des pays tiers exportés à bas coût ou les importations à La Réunion de produits de dégagement qui minent les filières de production locale.

Le résultat est malheureusement connu : malgré les efforts et l’ingéniosité remarquables des agriculteurs et des pêcheurs des Outre-mer, singulièrement des Réunionnais, malgré leur conscience environnementale poussée, les producteurs subissent des baisses de rendement sans précédent, les pêcheurs doivent faire face à la hausse du coût des carburants, au refus de la Commission de les autoriser à renouveler leurs bateaux, etc. Tous endurent une pression économique insoutenable liée à la concurrence déloyale des produits importés, soit à La Réunion, soit sur le continent européen.

Au fond, on exige d’eux d’être vertueux dans un marché où la vertu n’est pas récompensée, pendant que toutes les grandes puissances, comme les États-Unis ou la Chine, protègent leurs producteurs et leurs marchés.

Une telle démarche fragilise les agricul- teurs, menace la souveraineté alimen- taire et trompe les consommateurs.

VERS UN CHOIX EUROPEEN INCOMPREHENSIBLE ET DANGEREUX

C’est dans ce contexte que, à la fin du mois de juillet dernier, la Commission européenne a transmis au Parlement européen une proposition de futur Cadre Financier Pluriannuel qui acte, à partir de 2028, la fin de la quasi-totalité des dispositifs européens spécifiques en faveur des Outre-mer.

Une telle décision, si elle était acceptée par le Parlement européen et les Chefs d’État et de gouvernement, signerait une rupture majeure et historique des engagements pris par l’Europe elle- même en faveur de ses territoires les plus fragiles.

Ce serait organiser la disparition de milliers d’exploitations agricoles, d’industries agro-alimentaires, de pêcheurs, et plus largement du tissu économique des Départements et Régions d’Outre-mer (DROM), et condamner des jeunes à l’exil.

Ce serait aussi mettre en péril des milliers d’emplois et compromettre les objectifs de souveraineté alimentaire et énergétique que l’Europe défend.

À quoi bon parler de résilience, de souveraineté et de transition, si l’Europe abandonne ceux qui, sur le terrain, les incarnent chaque jour ?

Les orientations annoncées de doublement du budget des Pays et Territoires d’Outre-mer (PTOM) montrent que l’Europe est consciente des enjeux ultramarins. Alors comment accepter la suppression des outils et la réduction du budget des DROM, pleinement intégrés à l’Union ?

Une Europe qui négligerait  ses agriculteurs et ses territoires ultramarins affaiblirait sa propre cohésion.

REDONNER AUX OUTRE-MER LEUR PLACE EN EUROPE

Nous comptons sur nos eurodéputés et plus largement sur tous les élus de La Réunion, dont nous connaissons le travail et l’engagement à nos côtés depuis tant d’années, et aussi, bien entendu, sur notre gouvernement, pour faire en sorte que la Commission revienne sur sa proposition.

Nous demandons qu’elle continue à faire de la politique agricole, de la pêche et de la cohésion, une politique commune, harmonisée et financée au niveau européen, et adaptée aux réalités de nos territoires.

Nous lançons aujourd’hui un appel à redonner à l’agriculture et à la pêche des Outre-mer la place qu’elles méritent en Europe, et ce faisant, nous contribuons à redonner du sens au projet européen.

Une tribune signée de ceux qui ont fait le choix de produire et de créer des emplois à La Réunion.

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1 Commentaires
Tambinadou
Tambinadou
7 heures

Si vous pouviez payer les ouvriers comme qui faut, saurait été mieux. Vous vous engraisser qu'avec des subventions. Les ouvriers sont devenus ou restent toujours esclaves.