En 2024, à La Réunion, a minima, 17 personnes sont mortes à la rue, selon un décompte du collectif Les morts de la rue. Ce triste chiffre est "à mettre en perspective avec une offre d’hébergement d’urgence qui n’est pas calibrée pour répondre aux besoins de 2.500 ménages non pris en charge par le 115", souligne la Fondation pour le logements.
Parmi ces ménages, "il y avait plus de 1.000 hommes seuls, et plus de 450 femmes seules. 1 personne sur 3 sans chez soi, serait âgée de plus de 50 ans", note la Fondation.
Un chiffre en augmentation, 15 décès ayant été recensés en 2023 à La Réunion.
"Je suis dans la rue, il faut que je change ma poche médicale. Le plus dur c’est ça. On dort sur les grands bancs ou bien dans les kiosques. A chaque fois qu’on téléphone au 115, on nous demande notre date de naissance. Ils savent très bien qu’à 65 ans, une personne n’est plus en capacité de se défendre. On est une proie. Aujourd’hui on est dans une société à deux vitesses et on est resté derrière. Je ne crois plus à leur politique pour nous les petits. Ils s’en foutent de nous. On est là, on attend, on attend quoi ? je ne sais pas…", témoigne auprès d'elle Gérard, 65 ans, à la rue depuis deux ans, et malade.
"Malgré cette réalité alarmante, les politiques publiques ne se donnent pas les moyens de répondre efficacement aux besoins immédiats des personnes sans abri et en situation de détresse. Pire, les pouvoirs publics instaurent des critères locaux de priorisation qui mettent en concurrence les personnes précaires et entravent le droit à l’hébergement d’urgence inconditionnel", s'indigne la Fondation.
Or, "l’accueil inconditionnel des personnes sans domicile est un principe inscrit dans le code de l’action sociale et des familles qui prévoit dans son article L 345-2-2 : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence (…)". Ainsi, la Fondation pour le Logement "s’oppose à toute forme de tri entre les personnes précaires".
"Dans nos accueils de jour, nous voyons des personnes en situation de lourd handicap, des personnes âgées, mais aussi de plus en plus de jeunes ou des familles avec plusieurs enfants en bas âge, sans même une proposition d’hébergement d’urgence. Et pourtant, les constats sont connus, les solutions pour agir aussi. On ne voit toujours pas d’électrochoc pour faire du logement une priorité à La Réunion", déplore Matthieu Hoarau, directeur régional de la Fondation pour le Logement.
"En premier lieu il est essentiel de permettre l’accès à un logement pérenne le plus rapidement possible. Néanmoins, il est important de rappeler que la mise à l’abri fait partie intégrante de la politique du Logement d’Abord pour répondre à l’urgence sociale et servir le cas échéant de tremplin vers le logement", rappelle la Fondation.
Par conséquent, "le temps est venu pour le préfet, le Président du Conseil départemental et les Maires de mobiliser tous les leviers à disposition pour mettre à l’abri toutes les personnes à la rue".
La Fondation appelle à :
- maintenir des capacités d’hébergement à l’hôtel et avec des équipes dédiées pour assurer un accompagnement social : 110 places environs ce n’est pas suffisant ;
- mobiliser les bâtiments publics vacants pour les transformer en hébergements ou logements intercalaires : 800 places d’hébergements en structures, ce n’est pas suffisant ;
- produire 230 places en Maisons Relais, et 230 places en résidences sociales ou foyers jeunes travailleurs : actuellement il y a trop peu de projets engagés alors que les crédits sont disponibles et les besoins sont visibles ;
produire des logements très sociaux.
"Même dans un contexte budgétaire contraint, nous pouvons encore faire de La Réunion, un territoire zéro personne à la rue, à condition que les pouvoirs publics s’en donnent l’ambition et l’exigence dès maintenant. Dans le cas contraire, nous risquons d’assister à des drames humains et de vives tensions sociales", rappelle Matthieu Hoarau.
