Des chiffres probablement sous-estimés

"La rue tue" : en 2023, au moins 15 personnes sans-abris sont décédées dans les rues de l'île

  • Publié le 2 novembre 2024 à 16:29
  • Actualisé le 2 novembre 2024 à 16:33

735 : c'est le nombre de personnes sans domicile fixe recensées qui sont mortes dans les rues de la France en 2023. Dans son rapport annuel, le collectif Les morts de la rue (CMDR) rappelle une triste réalité : "La rue tue". Une affirmation partagée par les associations locales, alors qu'au moins 15 personnes sont décédées dans les rues de l'île en 2023 selon un décompte du collectif. Un chiffre qui, malheureusement, est probablement sous-estimé (Photo d'illustration www.imazpress.com)

"Nous avons peu de données sur le nombre de personnes qui décèdent dans la rue à La Réunion, le rapport met en avant des chiffres qui sont en-deçà de la réalité" note Mathieu Hoarau, directeur régional de la Fondation Abbé Pierre, qui travaille avec le CMDR.

Les associations constatent "un déficit de recensement" de ces décès, et plus largement du nombre de personnes sans-abri à La Réunion. "La réalité est sous-estimée. Ces décès provoquent l'indignation ou peu de réaction en fonction des moments, mais le fait est qu'on ne devrait plus avoir aucune personne qui meurt à la rue. C'est inacceptable alors que les solutions existent" lance Mathieu Hoarau.

Il dénonce des décès "qui surviennent largement dans l'indifférence collective".

Un constat partagé par le CMDR. "L’enquête épidémiologique ne parvient pas à rendre compte de la mortalité des personnes sans chez-soi dans les Outre-Mer. Or, les territoires d’Outre-Mer se distingue par les inégalités criantes d’avec la France hexagonale", souligne-t-il dans son rapport.

"Malgré l’importance du nombre de personnes sans chez-soi dans les départements et territoires d’Outre-Mer, le CMDR n’a comptabilisé que 159 décès en 11 ans."

Les deux organisations appellent d'ailleurs à se "pencher sur la mortalité en lien avec les températures élevées, problématique qui s’observe au niveau local mais qui jusqu’ici était moins prégnante que les décès par hypothermie en France hexagonale".

"Il est aussi intéressant de noter que du fait du dérèglement climatique, certaines problématiques à l’œuvre dans les Outre-Mer seront susceptibles de se transposer dans le reste de la France", écrit le CMDR.

- Sous-estimation des chiffres -

Globalement, la situation des personnes sans-abri reste mal connue, malgré le travail des associations. D'après Mathieu Hoarau, alors qu'un recensement du sans abrisme a été lancé en avril dernier par l'Insee, l'Outre-mer "a encore été oublié".

"Cela ne permet pas de poser des objectifs, alors qu'on a les leviers pour faire en sorte que personne ne dorme dehors."

Dans son rapport annuel, la fondation Abbé Pierre recense 800 personnes vivant dans la rue. Mais à cela s'ajoutent les personnes n'ayant pas de domicile fixe et étant hébergées en centre ou chez un tiers.

En se penchant sur les domiciliations administratives, qui permettent d'avoir un justificatif de domicile et une adresse, on note une augmentation fulgurante ces quatre dernières années.

"En 2020, on était autour de 2.600 personnes domiciliées, l'année dernière nous en avons recensées 4.200 via les CCAS", alerte Mathieu Hoarau. "Environ 800 personnes se déclaraient sans abri, les autres étant hébergées. Une personne domiciliée sur cinq est à la rue."

Les associations s'inquiètent d'une augmentation du nombre de sans-abri dans les mois et années à venir, alors que la crise du logement ne fait que s'accentuer.

"Nous sommes dans un territoire fortement marqué par la précarité, on a une aggravation de la situation des publics les plus fragiles. De plus en plus de personnes sont hébergées chez des proches, mais cela entraine un risque de dégradation des relations, et donc de se retrouver à la rue sans solution", insiste le directeur régional.

- "situation alarmante" -

Et l'île est en grand manque de centres d'hébergement d'urgence. Le 115 est saturé, les demandes de logements sociaux augmentent, et le recours aux aides alimentaires aussi.

"On est dans une situation alarmante, avec des signaux de politiques nationales qui ne vont pas dans le bon sens", alerte Mathieu Hoarau.

"Les acteurs de solidarité ne sont pas assez soutenus. Si on se mettait collectivement autour de la table, avec la même ambition d'apporter des réponses, on pourrait trouver des solutions", estime-t-il.

Ce dernier s'inquiète d'une future "critérisation des places d'hébergement" par le Service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) si la situation ne devait pas s'arranger, ce qui "est contraire à la loi", rappelle-t-il.

"Les responsabilités sont éclatées entre l'Etat et les collectivités, mais globalement, on a un vrai défaut de vision politique pour faire face à la réalité du territoire. Cela créé un risque, alors que les acteurs de la solidarité doivent compenser les manquements collectifs des politiques publiques, qu'on se dirige vers une usure de ces structures."

Le SIAO craint d'ailleurs d'épuiser tous ces budgets alloués en 2024 avant même la fin de l'année. "Et il n'y a toujours pas de perspective d'allongement de ces budgets", souffle Mathieu Hoarau.

Pour autant, il souhaite rester optimiste. "Les solutions, elles existent, il faut simplement que tout le monde s'accorde", dit-il. Il cite par exemple les "Opérations Nuits de la solidarité" à Saint-Pierre, seule commune à avoir déployé ce dispositif pour l'heure.

"Il est important que les collectivités se mobilisent pour faire la photographie en instant T de la situation. En fonction du dénombrement, on peut proposer des solutions."

"735 morts en un an, ça fait au moins deux personnes décédées par jour en France. La question qui se pose, c'est combien de morts faudra-t-il pour que les élus se bougent ?" conclut-il.

as/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
Daniel
Daniel
7 mois

11 parlementaires, 7 Députés et 4 Sénateurs 11 emploie fictif il s'engraisse, et les autres élus, élus par des moutons la révolution c'est pas pour demain

Ben
Ben
7 mois

Je ne suis pas d'accord avec vous. Certains CCAS, effectivement pas tous, des associations surtout se démènent pour trouver des logements. Les SDF sont prioritaires pour l'attribution d'un logement social mais il faut faire une demande, avoir une carte d'identité, ouvrir des droits auprès de la CAF. Et tout cela nécessite un accompagnement social, mais certains ne le souhaitent pas et cela rend les choses compliquées et aussi d'avoir une domiciliation auprès du CCAS. Mais on ne peut pas obliger une personne à la rue de faire une demande de logement malheureusement ni de se rapprocher du CCAS ne serait-ce que pour avoir une adresse pour que les démarches puissent être faits (CAF, CGSS, logements et aides).

Zarboutan
Zarboutan
7 mois

Nos politiques n'ont rien à faire des SDF puisqu'ils ne votent pas! Les CCAS et les services de l'habitat ne font rien pour solutionner le manque de logements en faveur des plus démunis.