Tribune libre du Parti de Gauche

L'eau, patrimoine de la Nation, à la Réunion

  • Publié le 23 décembre 2014 à 07:21

La Réunion s'illustre, au sein de la communauté des spécialistes du domaine de l'eau, comme une région du monde détentrice, d'un côté de record mondiaux de précipitation, avec plus de 8 m d'eau reçus annuellement par mètre-carré sur la région du volcan, et d'un autre côté, avec des records nationaux de gaspillage de l'eau prélevée dans le milieu naturel, avec près de la moitié des volumes destinés à l'alimentation en eau potable perdue avant d'être distribuée aux foyers ! Cette situation s'avère être l'héritage de pratiques persistantes de l'époque où les réunionnais, moins nombreux, étaient moins sensibles à la préservation de leur île et ou les élus ne mesuraient pas les l'ampleur du désastre !

Dans moins de deux décennies, le réchauffement climatique annoncé, l’atteinte du million d’habitant et l’aggravation des pollutions, essentiellement dues à une agriculture intensive productiviste dominante nous conduisent sans équivoque vers une situation de pénurie qui touchera, en premier lieu, les plus modestes.

Le coût de l’eau explose aujourd’hui pour compenser l'installation de stations d'épuration. La Réunion aurait pu bénéficier d’une solidarité nationale et européenne plus conséquente, pour le traitement des eaux usées, si nos décideurs avaient su engager ces chantiers il y a 20 ans. Mais ce n’était pas leur priorité !

Aujourd’hui, les coupures de plus en plus fréquentes sur des communes les plus rétrogrades en la matière, comme Le Tampon ou Saint André, ne sont que les prémisses d’une généralisation de la pénurie à venir. Demain, le prix et la rareté de l’eau feront de ce qui devrait être un bien commun accessible à tous, un produit vendu par des majors du BTP comme Véolia, société multinationale en quasi situation de monopole. Si nous ne réagissons pas, l’eau deviendra rapidement sur notre île un service réservé aux plus aisés !

Le Parti de Gauche propose de rompre immédiatement avec la logique libérale qui conduirait à cette ségrégation sur un bien indispensable à la vie ! Le peuple réunionnais doit reprendre la main par la re-municipalisation de ce service public.

La commune de Saint Paul, par exemple, a su faire le pas, et il est prioritaire de mettre un terme à l’ensemble de ces gestions de l’eau par des sociétés privées qui n’ont qu’un seul but essentiel, dégager des bénéfices sur le dos des abonnés ! Il s’agira également de réorienter et
de renforcer les investissements tant retardés afin d’équiper de façon définitive et durable notre territoire.

L’interdiction des coupures doit être appliquée sans exception !

La récente loi, dite " loi Brottes " du 15 avril 2013, a théoriquement mis un terme à la pratique des coupures d’eau pour impayés en France afin notamment de ne plus priver les personnes démunies de l’accès à l’eau et à des toilettes. Toute coupure d’eau dans une résidence principale pour motif d’impayés est désormais illégale, et cette mesure a été généralisée à l’ensemble des ménages; Le texte réglementaire, similaire à celui sur les coupures d’énergie n' est limité à la seule période d’hiver. Pour l’eau, il n’y pas la moindre exception Ce changement fondamental n’a reçu aucune publicité, même de la part de défenseurs habituels des droits de l’homme.

Cette nouveauté législative est sournoisement combattue par une véritable conspiration du silence, non seulement des distributeurs, mais aussi de certains représentants des usagers et des municipalités.

Presque personne ne sait que les coupures sont interdites partout et pour tous en France.

” Article L. 115-3 du Code de l'action sociale et des familles (CASF) "Du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l'année suivante, les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles. [...] Ces dispositions s'appliquent aux distributeurs d'eau pour la distribution d'eau tout au long de l'année."

Le Parti de Gauche généralisera et renforcera l’application de cette disposition juste et légitime, en rappelant son principe d’interdiction totale des coupures pour tous, et prendra partie pour la défense des familles qui seraient illégalement victimes de privation d’eau par les distributeurs d’eau.

Par cette campagne nous appelons les usagers à rejeter la gestion privée de l’eau et à se mobiliser pour obtenir la gratuité des compteurs et des premiers m3 pour l’usage de l’eau au domicile principal. Plus globalement le PG revendique que le Droit à l’eau et à un assainissement de qualité soit inscrit dans la constitution de la 6e République.

Vers une utilisation plus responsable et durable de la ressource en eau

La réunion ne dispose pas d’une ressource sans limite en eau, même si les records de précipitations déjà évoqués pourraient le laisser penser. Le sol reçoit l’eau lors d’évènements pluvieux souvent très intenses et les écoulements vers la mer sont très rapides, en surface comme en sous-sol. Ainsi, nous ne disposons pas de nappes phréatiques conséquentes qui correspondraient à des stockages " exploitables " par forages. Et il en ressort qu’aujourd’hui, les prélèvements d’eau sont effectués à hauteur de 60% en surface par des captages sur les ravines .Lors des fortes pluies, la dégradation de l’eau des ravines (présence de matière en suspensions) la rend impropre à la consommation, et ne peut souvent même pas être traitée. Cette situation fragilise fortement la distribution de l’eau potable, c’est la raison première des nombreuses coupures imposées par les distributeurs lors des périodes critiques de fin d’années, lorsque les cours d’eau sont au plus bas, donc plus sensibles à ce phénomène. Mais une gestion peu efficace et responsable des réseaux de distribution fait que plus de la moitié de ces eaux prélevées dans le milieu naturel est perdue avant d’arriver au compteur des usagers ! Les fuites ou prélèvements illégaux expliquent ce " rendement " si faible de nos réseaux à la Réunion.

Au lieu d’aller vers toujours plus de prélèvement et de consommation, le PG préconise de rompre avec cette logique productiviste et de bifurquer vers une gestion durable de l’eau :

Stopper tout prélèvement supplémentaire et financer en contrepartie une amélioration des réseaux.
Favoriser des usages plus économes en eau par les particuliers, les industriels et les agriculteurs.
Seul un moratoire sur tout nouveau forage ou captage en ravine pourra conduire à améliorer notre gestion de l’eau prélevée dans le milieu naturel.
Que les termes de " bonne gestion de la ressource " affirmé par la loi et la directive cadre sur l’eau (dite DCE) se traduisent enfin réellement par des actes responsables des collectivités réunionnaises.

La Réunion doit également peser de tout son poids pour obtenir les fonds nécessaires à cette remise à niveau du rendement de ces réseaux, rattrapage prioritaire, légitime et indispensable pour l’avenir des réunionnais, par la solidarité européenne et nationale et sur l’emprunt à long terme.

L’eau est indispensable à toute forme de vie sur terre, la planète pourra continuer à tourner sans nous. L’urgence est au ralentissement et à la sortie du productivisme. La règle verte, qui consiste à ne pas prélever sur la planète davantage qu’elle ne peut renouveler chaque année, s’applique à l’eau. Refusons les extractions inutiles pour protéger la ressource en eau et la biodiversité. Développons une agriculture biologique de proximité, interdisons les rejets d’eaux polluées dans les    mers et les fleuves sans traitement préalable...

Une réorientation vers une véritable gestion responsable de l’eau ne pourra être garantie que par la mise ne place d’un service public de l’eau généralisé, émancipé de la logique financière des majors ou d’entreprises qui privilégieront toujours l’offre à la demande !
Cessons de faire des petits Sivens de partout à la Réunion, puisant sur nos ressources naturelles et détruisant le milieu pour le profit d’un petit nombre.

Réorientons nos pratiques et optimisons nos réseaux publics déjà en place.
Les orientations et les actions définies dans un document tel que le SDAGE (schéma directeur de gestion de l’eau) actuellement en cours de révision pourraient être à la hauteur de ces ambitions.

Avec une volonté politique affirmée et fondée sur les principes de l’écosocialisme, cet outil peut, demain, affirmer un projet planifié et durable pour la Réunion.

Le Parti de Gauche de la Réunion

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