Il y a quelques semaines, le 12 octobre précisément, j’adressais un appel respectueux à Monsieur le recteur de l’Académie de La Réunion, auquel je dois une estime rendue pour le moins à son rang et à ses lourdes responsabilités, appel relatif à la question lancinante de la langue et de la culture réunionnaises dans le système éducatif organisé de l’Education nationale. Me doutant que la bureaucratie qui l’entoure n’aiderait pas à ce que mon courrier lui parvienne aisément, j’en ai diffusé une copie dans les médias qui ont bien voulu la publier, avec mes remerciements (Photo d'illustration RB/www.imazpress.com)
Bien évidemment je n’ai pas reçu la moindre réaction du Rectorat, même pas un accusé de réception. Négligence ? oubli involontaire ? suroccupation ? irrespect ? incivisme évident ? Allez savoir...
"Euhhhh... normal", me disent mes amis, "l’Education nationale, c’est un service public !". Je suis allé voir sur Wiki : "Les services publics sont exercés par l'Etat ou les collectivités territoriales ou encore par tout organisme privé ou public doté des prérogatives lui permettant d'assurer cette mission. Le service public désigne également l'organisme qui a en charge d’effectuer ses services d'intérêt général."
Bon sang, mais c’est bien sûr, je fais partie des ignorants qui imaginent que le service public, d’intérêt général, est / serait / pourrait être / devrait être (à choix) ... un service rendu au public. À la population citoyenne. Ça n'a rien à voir ! C’est sans doute la raison pour laquelle tant d’usagers (ou "usagés" ainsi qu’ils finissent par se percevoir) sont épuisés de se sentir ignorés, malmenés et maltraités par des institutions administratives dont ils pensaient qu’elles ont été créées pour traiter et résoudre l’ensemble des problèmes concrets que pose la vie collective ou qu’ils rencontrent eux- mêmes à titre personnel.
Je n’ignore pas, bien sûr, n’être pour les équipes du rectorat, qu’un quidam sans aucune importance. Je présume la réflexion, euh non... le réflexe : "on ne va tout de même pas perdre du temps à répondre ce type insignifiant !". OK. En revanche, le positionnement de l’Education nationale à La Réunion, confrontée au créole marqueur identitaire fondamental, au bilinguisme additif qui devrait en découler, et à ses conséquences multiples dans la scolarité et la formation de tant de jeunes, provoque depuis au moins 25 ans à ma connaissance, un débat tendu et douloureux qui, à l’évidence, n’a jamais été traité sérieusement. Et certainement pas par le Rectorat qui en porte pourtant la responsabilité.
Il n’est même pas hasardeux de considérer que cette négligence réelle participe à la crise qui altère le présent et l’avenir d’une partie non négligeable de la jeunesse réunionnaise, génération après génération. et aux conséquences économiques globalement chancelantes dont les élites pensantes ne cessent non sans raison de se plaindre.
Ne pas exprimer la moindre réaction à mes deux pages "d’appel au recteur" n’a évidemment aucun caractère de gravité. Sauf qu’il met en lumière cette évidence connue selon laquelle, lorsqu’une administration est incapable d’agir sur de simples détails et de nourrir, même sommairement, le lien avec ses assujettis, on peut douter de sa capacité à traiter les problèmes plus consistants ! De plus, elle risque bien, hélas, de justifier ainsi les rejets multiples dont sont l’objet aujourd’hui institutions et autorités publiques.
Je viens de lire dans les médias que le Département lance un institut pour réengager les Réunionnais dans la vie publique. Cette information mériterait pour le moins un article approfondi. Pour l’heure, je souhaiterais seulement inviter ses dirigeants à envoyer quelques jeunes en formation dans le cadre de cet institut effectuer leur stage au Rectorat de l’Académie. Pour leur édification, ils viendraient découvrir dans le fonctionnement de la "vie publique" les délicates et impitoyables leçons de l’exemplarité et de ses coupables défaillances...
Arnold Jaccoud
