Tribune libre de Monique Orphé

Une révolution culturelle pour vaincre les violences faites aux femmes

  • Publié le 24 janvier 2016 à 20:56
Monique Orphé

C'est avec beaucoup de tristesse, mais aussi de colère, que j'apprends qu'un nouveau drame conjugal vient d'endeuiller la Réunion. Après Ingrid, c'est maintenant Géraldine qui a succombé aux coups de son compagnon.

A nouveau, le déchainement des coups révèle l’état émotionnel de leurs auteurs. Ces violences se succèdent et se ressemblent suscitant, à chaque fois, l’émoi puis l’incompréhension.  Passé ces moments, elles resteront inscrites comme " des faits divers " atroces, monstrueux, irrationnels jusqu’au prochain drame. C’est la triste réalité de notre société. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de stigmatiser un Département ou jeter l’opprobre sur les hommes réunionnais, mais de tenter un réveil des consciences.

Au 21ème siècle, malgré l’engagement associatif, politique,  un arsenal juridique plus protecteur, plus répressif,  les femmes restent encore trop souvent victimes de ces comportements barbares et inhumains. Quand elles ne meurent pas, elles restent marquées à jamais dans leur chair et dans leur tête. L’objet de ce courroux : oser reprendre cette partie de liberté qu’elles ont acceptée d’aliéner pour vivre avec l’autre. Ces actes monstrueux sont inacceptables, donc injustifiables.

Les violences envers les femmes rongent notre société comme un cancer. Elles s’immiscent sournoisement dans la sphère familiale, professionnelle, publique, politique. C’est une guerre,  sans fin, une course contre la montre à laquelle se livrent différents acteurs pour le vaincre. A chaque vie perdue, nous sommes envahis par le désarroi, un sentiment d’impuissance, la peur d’une certaine banalisation de ces drames voire peut-être une certaine fatalité. A chaque fois nous nous disons que cette guerre n’est pas perdue pour que les actions engagées ne soient pas remises en cause et souvent, dans ces circonstances, perçues comme vouées à l’échec voire inutiles.  Car la lutte contre les violences connaît des avancées. Même si c’est une politique de petits pas. Il faut surtout continuer à se battre au nom de toutes celles qui affrontent encore (elles sont nombreuses) ces violences, murées dans le silence et dans la honte.

L’égalité des sexes inscrite dans les textes restera un leurre tant que persisteront ces violences.  Cette reconnaissance en droit ne suffit pas ; nous devons la graver dans les mentalités. C’est une vérité à redire, mais aussi un défi qui semble difficile à relever. Car cela exige de chacun d’entre nous une certaine remise en cause, bien sûr, et ensuite un engagement continu, total et suffisamment fort pour abolir tous ces clichés sur l’image des femmes, pour mettre fin à cette société gangrenée de stéréotypes machistes et misogynes, une société ensevelie sous l'idéologie de la domination du sexe fort sur le sexe faible. L’éducation est bien sûr la seule porte d’entrée pour faire cette révolution sociétale. Pour construire, un jour, ce nouveau modèle de développement qui, acceptera de regarder, enfin, les filles, les femmes, les mères, les sœurs, " ce deuxième sexe " comme  simplement des " Etres Humains ", comme cette autre moitié de l’Humanité.  Mandela a donné 30 ans de sa vie pour mettre fin à l’apartheid. Un long chemin avait-il écrit vers la liberté. Nous, femmes, combien de vie faudra-t-il encore sacrifier pour conquérir cette liberté, cette égalité, cette fraternité chère à notre République ?

Monique Orphé
Députée de la Réunion
Vice-Présidente de la Délégation des droits aux femmes

 

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