La soirée d'ouverture du FIFAI (festival international du film d'Afrique et des îles) aura lieu ce samedi 1er octobre au cinéma Casino du Port, à partir de 19h. Organisé par Alain Gili et Mohamed Saïd Ouma, le festival met à l'honneur les productions souvent méconnues du continent africain, mais aussi les ?uvres réalisées dans les îles du monde. A cette occasion, Mohamed Saïd Ouma, chargé de production du FIFAI, revient sur la richesse et la qualité des cinémas du monde et livre aussi ses impressions sur la difficulté pour ces productions de se faire une place dans les salles obscures face à la suprématie des créations hollywoodiennes. Interview.
- Durant le festival du film africain et des îles, vous proposerez au public plus de cent films, dont 18 en compétition officielle. Les productions semblent nombreuses, pourtant elles sont très peu connues du public. Comment expliquer ce manque de visibilité ?"C'est avant tout un problème de financement et de distribution. Dans le milieu cinématographique, deux pays mènent la danse : les Etats-Unis et l'Inde. Les autres cinémas, qu'ils viennent d'Europe, d'Asie, d'Afrique ou d'Océanie, souffrent d'un manque de visibilité car ils n'ont pas les moyens financiers de se produire dans les grandes salles. Les distributeurs sont très frileux par rapport à ces productions, car ils estiment que le public ne sera pas intéressé et que les retombées ne seront pas au rendez-vous. Ils pensent au profit avant de penser à la qualité artistique. Ils privilégient la rentabilité immédiate en diffusant majoritairement les grosses productions, notamment les blockbusters américains. Je ne suis pas contre ce cinéma commercial, il en faut aussi, mais on devrait proposer au public toute la palette du cinéma, y compris les ?uvres émanant de l'Afrique et des îles. Malheureusement, ces créations sont souvent réduites à être diffusées dans des salles d'art et d'essai, ou pire elles ne bénéficient d'aucune diffusion sur grand écran, et sont directement redirigées vers les chaînes thématiques".
- La seule solution pour faire connaître les cinémas d'Afrique et des îles réside dans les festivals ?
"Les festivals sont une bouée de sauvetage pour les créations du Sud. Ils sont devenus vitaux pour ces cinémas car ils représentent la seule façon de se faire connaître pour beaucoup de réalisations. C'est de cette façon que le public découvre qu'il n'y a pas que les grosses productions hollywoodiennes qui existent. Les festivals sont essentiels aussi parce qu'ils permettent de ramener les amoureux du septième art dans les salles. Aujourd'hui, nous vivons dans une société où les gens connaissent peut-être la richesse de ces films, mais les visionnent à la maison, à la télévision ou sur leur ordinateur parce qu'on ne leur propose pas ces créations dans les multiplexes. Ce qui est vraiment dommage, parce que le cinéma est une expérience collective et que notre société est ouverte sur le monde. Je suis persuadé qu'il y a un public qui aimerait voir autre chose que les créations hollywoodiennes dans les salles de cinémas. Le défi aujourd'hui c'est de convaincre les distributeurs de diffuser ces productions qui viennent d'ailleurs et de ramener les spectateurs vers les salles".
- Vous disiez que les Etats-Unis dominent le milieu cinématographique, en compagnie de l'Inde. Comment ce pays de l'Asie est-il parvenu à s'imposer au niveau mondial et pourquoi les cinémas des pays émergents ne connaissent pas la même réussite ?
"L'Inde est un pays où on aime énormément le cinéma. Les réalisateurs sont très nombreux et respectés, les acteurs de véritables stars, les coûts de production très bas et le potentiel public énorme. L'industrie Bollywood a réussi à captiver le public avec un mélange de danse, de chants, de comédie et de couleurs. Il y a aussi une forte diaspora indienne installée dans le monde entier, et chacun a emmené avec lui cette culture Bollywood. Le cinéma indien, comme le cinéma américain, met aussi l'action en avant. Et cela parfois au détriment des scénarios, les dialogues étant généralement très limités. Mais ils ont réussi à fédérer, et j'imagine que leur succès vient de là. En Afrique, le cinéma essaye encore de se faire une place. Les réalisateurs ont très peu de soutien, beaucoup s'auto-produisent, certains sont en co-production avec d'autres pays du Sud. Actuellement, au Nigéria, il y a une forme de cinéma qui émerge aussi, intitulée Nollywood. Dans ces films, il n'y a pas de grande qualité scénaristique, ni de très bons acteurs, les dialogues sont limités au maximum, mais ce sont des films qui plaisent et qui sont connus sur tout le continent africain. Ils espèrent d'ailleurs concurrencer Hollywood".
Entretien réalisé par Samia Omarjee pour
CET INTERVIEW M'A OUVERT LES YEUX EN TANT QUE SCÉNARISTE DE COMORES!