Trois ans après le début de la crise économique, en 2008, La Réunion semble voir aujourd'hui le bout du tunnel. Dans son bulletin de conjoncture du 1er trimestre 2011, l'Institut Ipsos dresse une esquisse de ce que sera La Réunion d'après crise. Une chose est sûre, "elle ne ressemblera plus à celle que nous avons connue jusqu'en 2008", souligne Philippe Fabing, responsable des études politiques et économiques à Ipsos Réunion. Une manière de dire que l'âge d'or de l'économie réunionnaise est bel et bien terminé.
Entre 2008 et 2011, des milliers d'emplois ont été supprimés, les grands chantiers ont pris fin ou ont été arrêtés, le chômage a grimpé en flèche et de nombreuses entreprises se sont retrouvées en difficulté. "Après le pic de la crise enregistré en 2009 et en 2010, la situation s'est améliorée un peu au début de l'année 2011", juge Philippe Fabing.Mais l'heure n'est pas encore à l'optimisme. Au contraire, le représentant de l'institut de sondage ne cache pas son inquiétude : " Le moral et la confiance des habitants de l'île se situent à des niveaux inférieurs à ceux du début d'année 2010 et la crainte du chômage continue de caracoler en tête des préoccupations", constate-t-il.
Quant à la consommation, elle peine à redémarrer. "Pour consommer, il faut avoir les moyens mais aussi l'envie", explique Philippe Fabing. Ces deux éléments ont fait défaut au 1er trimestre 2011. "De nombreux salariés licenciés au début de la crise sont aujourd'hui en fin de droit. D'où une forte baisse de leur pouvoir d'achat", tente de justifier Philippe Fabing. Bref, La Réunion est actuellement dans une période de "croissance molle", selon les termes employés par Ipsos dans son bulletin de conjoncture.
Si Philippe Fabing reconnaît que la situation pourrait s'améliorer dans les prochains mois, il écarte néanmoins tout retour à la situation d'avant crise. "La Réunion ne ressemblera plus à celle que nous avons connue jusqu'en 2008", lance-t-il. A l'époque, l'île enregistrait une croissance annuelle moyenne de 5% par an, une baisse continue du taux de chômage, des investissements dans les logements et des projets structurants. "C'était l'âge d'or de l'économie réunionnaise", résume le représentant d'Ipsos.
Cet âge d'or était dû à une hausse sensible du pouvoir d'achat des Réunionnais grâce au plan de rattrapage des salaires ainsi que des minima sociaux, combiné à une forte croissance démographique et à une confiance des Réunionnais en l'avenir. Ces facteurs ne sont plus d'actualité. "Le rattrapage est terminé, la défiscalisation a évolué et on constate un phénomène de migration de la population vers la Métropole. Quant à la confiance, elle est en berne", détaille le responsable des études politiques et économiques à Ipsos. "L'économie réunionnaise doit chercher un nouveau modèle", ajoute-t-il.
Pour Philippe Fabing, le seul moyen de renouer avec une croissance réelle est "de créer de l'emploi". Ce discours est en totale contradiction avec la pensée dominante qui estime que pour pouvoir créer de l'emploi, il faut de la croissance. Pas de quoi déstabiliser le statisticien qui dit "assumer" ses propos.
Philippe Fabing propose notamment d'investir dans des secteurs porteurs et créateurs d'emploi à La Réunion comme le tourisme ou l'aide à la personne. L'économiste se dit néanmoins conscient de la difficulté de faire baisser sensiblement le taux de chômage sur une île où on compte près de 120 000 chômeurs. "Il faudra forcément une politique publique de l'emploi", note-t-il. Quelle politique ? Avec quels financements ? "Il est difficile de répondre à ces questions", concède-t-il avant d'avouer, en guise de conclusion, qu'"il est impossible de dire de quoi sera fait demain. C'est une page qui se tourne et nous sommes face à une page blanche sur laquelle nous devons tout réécrire".
Mounice Najafaly pour