Après le deuxième tour des régionales

J.P. Virapoullé : "Pour Vergès, Vergoz est un poison, TAK est un repoussoir"

  • Publié le 23 mars 2010 à 00:30

Malgré son éviction à droite, Jean-Paul Virapoullé ne cache pas sa satisfaction de voir Didier Robert conquérir la Région. Il en tire même un certain mérite. " J'ai ma part dans l'histoire ", se félicite-t-il. Pour le sénateur saint-andréen, le candidat de l'Alliance est responsable de la défaite de la gauche. " Paul Vergès considère Michel Vergoz comme un poison. Il ne voulait pas s'allier avec lui. Il a donc utilisé TAK (ndlr : André Thien Ah Koon) comme un repoussoir ", affirme-t-il. Quant à Didier Robert, " il est condamné à réussir. Il devra donner un nouveau cap à la Région Réunion ", explique-t-il. Même s'il se réjouit de la fin de la " dynastie des Vergès ", Jean-Paul Virapoullé reconnaît dans le président sortant du conseil régional un " adversaire talentueux, cultivé et résolu ". Entretien.

Comment analysez-vous cette victoire de la liste de Didier Robert ?

Cette victoire, je l'ai pressentie dès la création de la liste d'union en décembre 2009. C'est un rejet de la dynastie des Vergès, de leur bilan et de leurs projets. Paul Vergès avait transformé la Région en succursale des multinationales du CAC 40. Il en a payé le prix fort.

Est-ce la seule raison de sa défaite ?

Non. Paul Vergès a commis une série d'erreurs historiques. Il a fait preuve d'arrogance. Il a pris de haut les onze listes qui étaient face à lui à propos de tous les projets qu'il a voulu pour La Réunion. Les Réunionnais l'ont sanctionné. Il n'a pas regardé La Réunion qui souffre. Il suffit de voir les dix premiers de sa liste. Ils ne sont pas du même monde que la majorité des électeurs. Ensuite, il a manqué de respect à Huguette Bello en lui ôtant le droit de nommer un certain nombre de colistiers. J'ajouterai qu'il s'est détourné de l'électorat écologiste en intégrant dans sa liste Rahiba Dubois et Jean-Pierre Marchau. Ces gens ne représentent qu'eux-mêmes.

La présence d'André Thien Ah Koon n'était-elle pas aussi une erreur ? Elle a empêché la fusion avec la liste socialiste...

Il ne faut pas faire porter la responsabilité de la défaite à André Thien Ah Koon. C'est au premier tour que Paul Vergès a perdu les élections. Il n'avait aucunement l'intention de fusionner avec le Parti Socialiste. Paul Vergès considère Michel Vergoz comme un poison. Il ne voulait pas s'allier avec lui. Il a donc utilisé TAK comme un repoussoir.

Pour vous, la victoire du 21 mars est la victoire de Didier Robert ou de la droite ?

C'est une victoire de l'union. Didier Robert a profité de la dynamique d'union que nous avons impulsée début décembre. Certes il y a ensuite eu la désunion. J'ai créé ma propre liste. Son équipe a manipulé les sondages Abaksys pour démoraliser le moral de mes électeurs. Il n'a pas saisi la main que je lui ai tendue entre les deux tours. Mais je ne suis pas rancunier, j'ai appelé à voter pour lui et il a pu profiter du report de mes voix. J'ai ma part dans l'histoire qui se dessine.

Didier Robert a-t-il suffisamment d'expérience pour diriger la Région Réunion ?

Je suis pour l'alliance du renouveau et de l'expérience. J'estime donc qu'à son âge (ndlr : 45 ans), on a le maximum d'énergie pour gérer une région comme La Réunion. Il faut lui faire confiance. Sa victoire est lourde de conséquences. Didier Robert est condamné à réussir. Il a désormais quatre ans pour changer de cap et impulser un nouveau souffle. Si les Réunionnais estiment qu'il n'a pas fait du bon boulot, il sera sanctionné en 2014.

L'élection de Didier Robert à la tête du conseil régional devrait vous conforter dans votre fauteuil de sénateur. Une raison de plus de se réjouir...

J'évite de faire preuve de trop de confiance ou de trop d'arrogance. Les jeux ne sont pas faits. Je rendrai visite à chaque grand électeur afin de leur demander de renouveler leur confiance en moi.

La liste de Didier Robert enregistre un très bon score à Saint-André (46,82 % des voix). Des résultats encourageants pour les prochaines échéances électorales ? (cantonales, municipales).

Ce chiffre montre l'inquiétude grandissante des Saint-Andréens. Lorsque le communiste Eric Fruteau a été élu maire en 2008, j'ai été très malheureux. Mais je l'ai félicité en me disant qu'il fallait laisser la place à la nouvelle génération. Les électeurs portaient beaucoup d'espoirs en lui. Ils espéraient plus de justice sociale. Au tiers de son mandat, je constate qu'il n'est pas rentré dans le c?ur de ses administrés. C'est un échec de sa politique. Les Saint-Andréens m'ont envoyé un signal fort ce 21 mars 2010. J'agirai en conséquence pour les élections cantonales. S'ils m'envoient alors un deuxième signal fort, j'envisagerai les municipales.

Avec Serge Camatchy ?

C'est trop tôt pour parler d'une alliance avec Serge Camatchy. Il vient d'être élu conseiller régional. Il doit faire ses preuves. Tout dépendra de son attitude. Beaucoup de Saint-Andréens n'ont pas compris son attitude lors des municipales de 2008. Je reste néanmoins dans une position d'ouverture.

Ces élections régionales étaient le dernier combat politique de Paul Vergès. Allez-vous regretter cet adversaire ?

Je regretterai son retrait de la vie politique. À gauche, personne n'a son envergure et ses capacités. Les combats entre Paul Vergès et Michel Debré ainsi que ceux qui ont opposé Paul Vergès et Jean-Paul Virapoullé sont ceux qui ont marqué la politique à La Réunion. Il n'y aura plus de combats comme ceux-là. J'ai eu un adversaire de talent, cultivé et résolu. J'ai beaucoup appris de nos affrontements électoraux. Avec lui, la moindre erreur était fatale.

Mounice Najafaly pour
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