Claude Hoarau, maire de Saint-Louis :

"J'ai le tort de ne pas perdre les élections"

  • Publié le 1 avril 2010 à 04:00
Claude hoarau

Claude Hoarau est maire de Saint-Louis et il compte parmi les principaux dirigeants du parti communiste réunionnais. Entre le lundi 29 et le mardi 30 mars 2010 il a passé une trentaine d'heure en garde-à-vue dans locaux du commissariat de la rue Malartic à Saint-Denis. Il n'a pas été mis en examan. À la demande du parquet de Saint-Pierre, les policiers cherchaient à en savoir plus sur un protocole signé par Krishna Badamia et lui entre les deux tours des municipales de 2008 à Saint-Louis. Les deux hommes, politiquement proches, étaient candidats à l'élection. Par écrit, Claude Hoarau s'engageait, en cas d'élection, à embaucher une dizaine de personnes proposées par Krishna Badamia. En échange, ce dernier s'engageait à se désister en sa faveur et à appeler ses électeurs à voter pour lui. Le tribunal administratif et le conseil d'État ensuite ont estimé que le document constituait une tentative d'achat d'électeurs grâce à une promesse d'embauche. Les deux juridictions prononçaient l'annulation des élections sur cette base. Le Parquet se saisissait de l'affaire qui, selon le procureur, est susceptible de constituer un délit. Claude Hoarau ne nie pas avoir signé le protocole. Il reconnaît qu'il y a eu promesse d'embauche. Mais il souligne que les faits éventuels sont prescrits, qu'il n'y a pas eu de discrimination à l'embauche et se défend d'être un "chef de guerre". Entretien.

* Vous avez vraiment signé un protocole promettant à Krishna Badamia d'embaucher une dizaine de ses partisans en échange de son soutien électoral?

- J'ai effectivement signé un protocole avec Krishna Badamia. Le document prévoyait qu'il me propose les noms d'une dizaine de personnes qui seraient susceptibles d'être embauchées, en cas d'élection, à la mairie de Saint-Louis.

* Mais cette promesse d'embauche en contrepartie d'un soutien électoral s'apparente à une tentative d'achat d'électeurs. C'est illégal...

- L'article 106 du code électoral prévoit et puni en effet ce type de promesse.

* Vous reconnaissez donc avoir commis des faits délictueux?

- Il y a eu promesse d'embauche, le protocole le prouve et cela pouvait constituer un délit, mais l'affaire est désormais prescrite. L'article 106 du code électoral fixe à 6 mois le délai de prescription pour ce type de faits. Ce délai est largement dépassé. Ceux qui veulent à toute force m'incriminer le savent bien. Alors ils ne parlent pas de promesse d'embauche mais essayent de m'accuser de discrimination à l'embauche en vertu de l'article 225 du code pénal. Hélas pour eux, leur argumentaire ne tient pas...

* Vous avez pourtant promis d'embaucher des personnes sur un critère d'appartenance à un courant politique, celui de Krishna Badamia en l'occurrence, c'est de la discrimination...

- Il n'y a pas eu discrimination pour la bonne et simple raison qu'il n'y a pas eu embauche. Krishna Badamia ne m'a jamais proposé de nom et je n'ai jamais recruté personne sur la base de ce protocole. Le délit de discrimination à l'embauche prévu et puni par l'article 225 du code pénal ne s'applique donc pas en la matière puisqu'il n'y a pas eu infraction.

* Vous n'avez donc embauché aucun militant de Krishna Badamia

- En fait quatre de ses proches ont été embauchés, mais plusieurs mois après l'élection et surtout ce n'est pas Monsieur Badamia qui les a proposés. Lui comme moi ne savions même pas qu'elles avaient été recrutées. Nous l'avons appris au cours de la garde-à-vue.

* Comment expliquez vous ces embauches?

- Elles n'ont rien à voir avec le protocole. Elles entrent dans le cadre de la politique de partage de l'emploi que nous avons mis en place dès notre arrivée à la tête de la municipalité saint-louisienne. Dans ce cadre quelque 600 personnes sont entrées et sorties des effectifs communaux. Les 4 partisans de Monsieur Badamia en faisaient partie sans que cela ait de rapport avec un quelconque protocole. Il n'y a pas eu discrimination à l'embauche puisque leur nom n'a pas été proposé et que je ne les connaissais pas. En fait, il y aurait eu discrimination si j'avais refusé leur embauche du fait de leur appartenance au camp de Monsieur Badamia.

* Yannick Payet-Fontaine était en garde-à-vue en même temps de vous. Que lui reproche-t-on?

- D'avoir été l'artisan de la rencontre entre Krishna Badamia et moi. Il était 3ème sur sa liste et se trouvait alors en disponibilité de son emploi à la mairie de Saint-Louis. Il avait pris cette disponibilité car il ne supportait plus de travailler avec Monsieur Cyrille Hamilcaro. Le protocole prévoyait sa réintégration dans les services. Mais cette réintégration était de toute façon de droit puisque Yannick Payet-Fontaine se trouvait en disponibilité. Selon la loi, un fonctionnaire en fin de disponibilité retrouve son poste, s'il en fait la demande.

* Vous lui avez promis un emploi de direction alors qu'il est fonctionnaire de catégorie C. Les postes de direction vont habituellement à des agents de catégories A ou B. son embauche à cette fonction n'est pas une discrimination?

- Yannick Payet-Fontaine, qui possède plusieurs diplômes universitaires, occupait déjà un poste de direction avant de se mettre en disponibilité. Il réintégrait tout simplement ses fonctions et aucun agent de catégorie A ou B, ni même C d'ailleurs, n'a été écarté pour permettre sa réintégration. Il n'ya donc pas discrimination. Je signale au passage qu'une dizaine d'agents de catégorie C occupe des postes de direction à Saint-Louis.

* Il reste toutefois que vous avez signé un protocole promettant des embauches contre un soutien électoral. Vous ne saviez pas que c'était illégal?

- Au moment où je signe le protocole, D'une part, je pense dans ma tête qu'il s'agit d'un écrit interne au parti communiste. Pour moi il s'agit d'un document privé qui ne devait pas être publié. Les termes employés et la tournure des phrases le prouvent, on parle de "camarades", c'est un document signé par les membres d'une même famille politique qui se retrouvent. D'autre part, au moment où je signe, je ne pense pas un seul instant que cela relève de l'article 106 du code électoral. Le protocole a ensuite été rendu public par une colistière de Krishna Badamia, c'est de là que vient toute l'affaire.

* Claude Hoarau, on vous présente souvent comme un chef de bande, un seigneur de la guerre toujours prêt a ferrailler. Pourquoi cette réputation?

- Sans doute parce que j'ai le tort de ne pas perdre les élections... Je dirais aussi que lorsque l'on parle de chef de guerre on parle de morts. Mes militants n'ont jamais attenté ou tenté d'attenter à la vie de quelqu'un, c'est même le contraire. La récente affaire de la soi-disant agression d'un chauffeur de bus partisan de Cyrille Hamilcaro s'est dégonflée. Les militants qui étaient poursuivis pour ces faits on été relaxés. Ils ont été condamnés à une peine avec sursis, autant dire de principe, pour avoir bousculé un policier. Il est vrai que je suis toujours en première ligne aux côtés des militants lorsqu'il y a un affrontement. Comme je suis le plus connu, je suis aussi celui que l'on remarque le plus. Je ne suis pas du genre à me cacher derrière les militants. Ils le savent et cela me vaut leur affection. Cela dit, je n'ai jamais été condamné, en 50 ans de vie politique, j'ai été mis en garde-à-vue pour la première fois lundi et surtout je n'ai jamais été impliqué dans une affaire de corruption, d'enrichissement personnel, d'ingérence ou autre. L'adversaire (allusion à Cyrille Hamilcaro - ndlr) est loin de pouvoir en dire autant...

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