Conférence sur l'illettrisme - mairie de Saint Denis

Michel Latchoumanin : "Savoir écrire pour se construire"

  • Publié le 29 avril 2010 à 15:00
Conférence de Michel Latchoumanin le 28 mars 2010

Ce mercredi soir 28 avril 2010 à l'Hôtel de ville de Saint-Denis, une conférence sur l'illettrisme était tenue par Michel Latchoumanin, directeur du centre interdisciplinaire de recherche sur la construction identitaire (CIRCI). Pour le professeur en sciences de l'éducation à l'université de La Réunion, "il y a un lien entre identité et illettrisme". Pas contre, d'après le chercheur, "l'emploi de ce terme négatif est le terreau de la marginalisation et la stigmatisation des illettrés".

La conférence est introduite par Erika Bareigts, deuxième adjointe au maire de Saint-Denis, qui rappelle que l'Académie de La Réunion "est avant-dernière des évaluations nationales de CM2". L'élue municipale et régionale ne pèse pas ces mots, "ce constat doit nous mener à faire un bon diagnostic. Avec un bon diagnostic, on fait une bonne ordonnance. L'illettrisme est une maladie socialement mortelle". Erika Bareigts interroge sur "les moyens pour soigner les personnes déjà atteintes et pour éviter la contamination" avant de laisser la parole à l'universitaire.

Pour Michel Latchoumanin, "le phénomène de l'illettrisme est aussi vieux que le monde". "Dès le moment où l'écriture a été inventée, une catégorie de personnes est apparue : les illettrés". Le professeur retrace ensuite l'historique du problème plus récemment. "La notion d'analphabétisme est évoquée par l'Unesco en 1958. En 1979 ATD-quart monde introduit la notion d'illettrisme. Les premières mesures officielles concrètes pour lutter contre l'illettrisme ne datent que de 1984".

Les définitions des termes utilisés sont essentielles pour Michel Latchoumanin. "Analphabète désigne celui qui ne sait ni A (alpha) ni B (bêta), et l'illettré concerne celui qui n'est pas lettré". Pour lui, "ces termes connotés négativement stigmatisent et marginalisent" Il préfère l'appellation de littératie (*) qui selon lui "invite à accompagner les individus à la maîtrise des savoirs qu'ils jugent nécessaires". À travers ses recherches et expériences, le professeur a pu souligner "les liens entre illettrisme et identité. "À partir du moment où l'on sait écrire son nom et signer, on entre dans une phase d'épanouissement personnelle", a observé le chercheur.

"En 2007 l'Insee a recensé 111 000 illettrés dans le département. Globalement, le taux d'illettrisme n'a pas changé à La Réunion depuis 20 ans. Et ce taux est deux fois plus élevé en métropole". Michel Latchoumanin réfute les explications de l'Insee : "les relations statistiques ne sont pas des relations de causalité". D'après les arguments du spécialiste, "la récence du système éducatif réunionnais ou le manque d'infrastructure ne sont pas en cause ". Il pointe par contre que "le système éducatif métropolitain n'ait pas été adapté au contexte géographique et culturelle de La Réunion". D'après Michel Latchoumanin, l'illettrisme réunionnais relève "d'un double échec de la formation initiale, à l'école, et de la formation pour adultes".

Dans les perspectives soulignées par le chercheur, il faut "rapprocher la pratique et la recherche", "relancer la professionnalisation des acteurs". Selon lui, il faut aussi mettre en place des actions dans les centres pénitentiaires, la maîtrise de l'écrit étant un élément clé de réinsertion, ou encore intégrer à la problématique la formation des populations primo-arrivants non-francophone. Le plus important pour Michel Latchoumanin reste de travailler "en amont, à l'école, et en aval, en formation continue pour adultes". Il déplore que "d'un côté 20 000 personnes, surpayés et sur-syndiqués s'occupent de 10 000 élèves, de l'autre quelques centaines de personnes dans la précarité se dédient au même nombre d'adultes".

(*) Littératie (définition de l'OCDE) : aptitude à comprendre et à utiliser l'information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d'atteindre des buts personnels et d'étendre ses connaissances et ses capacités.


Marie Trouvé pour
guest
0 Commentaires