Le gouvernement français se lance dans la chasse aux arrĂȘts maladie dits abusifs. Pour cela, l'instauration d'un quatriĂšme jour de carence pour les salariĂ©s du privĂ© a Ă©tĂ© annoncĂ©e ce mardi 15 novembre 2011 par le prĂ©sident de la RĂ©publique Nicolas Sarkozy et votĂ© dans la nuit par la majoritĂ© UMP Ă l'AssemblĂ©e nationale. Un jour de carence sera Ă©galement créé pour les fonctionnaires. Force est de constater, que suite au dĂ©remboursement de certains mĂ©dicaments et Ă la hausse des complĂ©mentaires santĂ©, le domaine de la santĂ© est une nouvelle fois mis Ă mal par cette nouvelle mesure. Ce qui, notent les syndicats, conforte l'idĂ©e que la population n'a plus vraiment le droit de tomber malade, sous peine de devoir payer.
La mesure du gouvernement pour modifier le mode de calcul des indemnitĂ©s en cas d'arrĂȘt maladie suscite la colĂšre chez les syndicats. Ă compter du 1er janvier 2012, les salariĂ©s du privĂ© se verront imposer un quatriĂšme jour de carence en cas d'arrĂȘt maladie, contre trois actuellement. En clair, sans accord d'entreprise spĂ©cifique, un salariĂ© qui tombe malade dans le privĂ© perdra quatre jours de salaire, ce qui Ă©quivaut Ă 15 % de son revenu mensuel. Dans le mĂȘme temps, un jour de carence sera Ă©galement créé pour les salariĂ©s du secteur public."Ce sont encore les salariĂ©s qui vont trinquer", fustige Christian Picard, secrĂ©taire dĂ©partemental de la FSU (fĂ©dĂ©ration syndicale unitaire). "Le gouvernement remet en cause toutes les avancĂ©es sociales. Laisser entendre qu'il y a beaucoup d'arrĂȘts de complaisance qui sont donnĂ©s, c'est mettre en doute la parole des salariĂ©s et accuser le corps mĂ©dical. C'est du grand n'importe quoi", ajoute-t-il.
Jean-Pierre RiviÚre, secrétaire général de l'UIR-CFDT (union interprofessionnelle de La Réunion, affiliée à la confédération française démocratique du travail), surenchérit : "On remet en cause la compétence des médecins. Sous prétexte de mener une chasse à la fraude, le gouvernement veut en réalité faire des économies sur la santé des salariés, et continuer à casser la fonction publique. C'est inadmissible, on ne peut pas accepter ça".
Pour sa part, le docteur Ivan Tcheng, mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste et prĂ©sident de l'Ordre dĂ©partemental des mĂ©decins, insiste sur le fait que "lorsque les arrĂȘts sont prescrits, c'est qu'ils sont justifiĂ©s". "On nous accuse de complaisance. Cependant, quand un patient vient solliciter un arrĂȘt, notre rĂŽle est d'Ă©valuer son dossier. Si la situation ne nĂ©cessite pas un arrĂȘt, nous n'allons pas le fournir", affirme-t-il.
Christian Picard soutient par ailleurs que "dans l'enseignement, des contrĂŽles rĂ©guliers sont effectuĂ©s concernant les arrĂȘts maladie, et dans 99,9 % des cas, le diagnostic est confirmĂ©". "Aujourd'hui, on a presque le sentiment qu'on ne peut plus tomber malade", regrette le secrĂ©taire dĂ©partemental de la FSU. "Actuellement, je suis persuadĂ© que beaucoup de salariĂ©s se refusent Ă prendre leurs jours d'arrĂȘts maladie alors qu'ils y ont droit. On les culpabilise tellement qu'ils attendent d'ĂȘtre dans la pire des situations pour prendre quelques jours de congĂ©s maladie", assure-t-il.
Pour Ivan Hoareau, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la CGTR (confĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale des travailleurs de La RĂ©union), "cette mesure, c'est une attaque de plus envers la population pauvre". "Elle s'inscrit dans un vaste programme de rigueur qui vise un peu plus Ă culpabiliser les classes sociales les plus dĂ©munies. On parle d'arrĂȘts de complaisance. Je veux bien accorder qu'il existe quelques brebis galeuses, mais elles ne sont pas si nombreuses. Je pense au contraire que les Français ont tendance Ă se soigner de moins en moins et que certains ne prennent mĂȘme pas leurs congĂ©s maladie parce qu'ils ne peuvent pas compenser", ajoute Ivan Hoareau.
"C'est une politique de lùche qui est menée en ce moment, avec des attaques multiples contre la société", lance le secrétaire général de la CGTR, pour qui "2012 représentera un enjeu important". Toutefois, il reste réaliste : "Je ne pense pas que les choses vont soudainement changer, mais nous devons dire stop au gouvernement actuel car il est plus dévastateur que jamais". La CGTR n'attendra pas l'année prochaine pour se battre et invite les salariés à se mobiliser. Pour rappel, une manifestation est prévue le mardi 29 novembre.
De son cĂŽtĂ©, la CGPME (confĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale du patronat des petites et moyennes entreprises) souligne que "les entreprises et les salariĂ©s du secteur privĂ© ont davantage Ă©tĂ© mis directement Ă contribution au travers de dĂ©cisions impactant les salaires et la protection sociale", et estime qu'il serait "illĂ©gitime et injuste que les fonctionnaires voient maintenu leur traitement dĂšs le 2Ăšme jour d'arrĂȘt maladie, tandis que les salariĂ©s du privĂ©, eux, ne bĂ©nĂ©ficieraient d'indemnitĂ©s journaliĂšres qu'au bout de cinq jours d'arrĂȘt".
Que ce soit dans le public ou le privĂ©, avec les mesures annoncĂ©es, la santĂ© semble devenir l'apanage des plus riches. "La fraude existe peut-ĂȘtre bien, mais je ne crois pas qu'en ajoutant des jours de carence, on rĂ©ussira Ă la faire cesser. Ce n'est qu'un moyen de faire des Ă©conomies sur le dos des salariĂ©s, de casser la fonction publique, et au final, on a l'impression que l'on est puni parce qu'on tombe malade", conclut Jean-Pierre RiviĂšre.
Samia Omarjee pour
