Valls : la rigueur en attendant les Européennes

Pauvres, vous vivez au-dessus de vos moyens

  • Publié le 18 avril 2014 à 05:13
SDF

La France vit au dessus de ses moyens depuis 30 ans selon Manuel Valls. Quid des Français dans cette brillante assertion ? Il est peu probable qu'ils méritent la critique, dans leur grande majorité, au vu des chiffres du chômage et de la précarité ambiante. Mais le produit financier France se vend de plus en plus mal du côté de Bruxelles.

En situation de grand péril, après l'effondrement du PS aux municipales, François Hollande a donc envoyé au front Manuel Valls, le plus improbable de ses ministres au regard des résultats obtenus aux primaires, lequel nous a concocté un gouvernement dit "de combat", composé pour l'essentiel de redoublants, voire de revenants à l'instar de Ségolène Royal. Même cure à Solférino, où un apparatchik en chasse un autre parle fait du Prince ; Harlem Désir initialement installé par François Hollande à la tête du PS, en dépit de son passif judiciaire chargé d'emploi fictif, se voit remplacé par Jean-Christophe Cambadélis, dont le casier est encore plus chargé que son prédécesseur.

La feuille de route de Manuel Valls se résume en fait à réussir là, où Jean-Marc Ayrault a échoué, en matière d'Emploi ou plus exactement de chômage, d'économie et d'économies ; il faut d'urgence trouver 50 milliards pour passer dans le chas de l'aiguille de Bruxelles qui impose de limiter le déficit public à 3% du PIB en 2015. Bien évidemment il n'est pas question de l'admettre publiquement, les engagements présidentiels prévoyaient de faire plier l'Europe devant la raison d'Etat hollandaise.

De fait, Manuel Valls l'ambitieux, en bon soldat qui se sait confronté à une mission impossible, s'emploie à désarmer la fronde généralisée à laquelle il se sait condamné, tant au niveau de l'Assemblée nationale, que du bon peuple. Si ce n'est qu'en bon fils de pub, en bon communiquant, faute de crédibilité, il se drape dans de grands et beaux sentiments à haute valeur économique : "J'ai dressé une feuille de route. Elle est difficile, elle est âpre, elle peut être rugueuse mais elle est indispensable…" Ca sent le Churchill du 13 mai 1940, en version Pierre et Gilles… A ceci près qu'en politique, le kitsch passe mal.

Ainsi, on retiendra des grandes déclarations liminaires de M. Valls cette citation : "La France vit au-dessus de ses moyens depuis plus de 30 ans". On pourrait rétorquer à ce seigneur socialiste (Ndlr : référence au lexique mélenchonien), la France peut-être, mais pas la grande majorité des Français, Réunionnais y compris.

Le produit financier France ressemble à un "junk bond"

Pour rester sur notre "confetti", histoire de plagier Challenge, il serait judicieux que M. Valls réalise que chez nous, 343 000 personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire ; avec pour conséquence un recours massif aux minima sociaux pour 150 000 foyers et 240 000 personnes (source Insee).

Cette précarité affecte tout particulièrement les personnes âgées et les jeunes. A La Réunion,  "40 % des plus de 65 ans et la moitié des moins de 20 ans sont pauvres. Pour les plus âgés, la faiblesse des revenus s’accompagne d’une entrée en dépendance plus précoce que dans l’Hexagone, dès 50-59 ans contre 70-79 ans…"  Dans la catégorie des "seniors" âgés d’au moins 65 ans, 42 % vivent en dessous du seuil de pauvreté, constate l'Insee.

Comment ces Français-là pourraient-ils vivre au dessus de leurs moyens ? Ils n'en ont pas.

Monsieur Valls se fierait-il au nombre de dossiers déposés en commission de surendettement ?

1.153 dossiers enregistrés en 2012, beaucoup plus encore en 2013, et comme par hasard, les personnes concernées sont précisément celles qui souffrent de la précarité, les jeunes, touchés par un chômage de masse, isolés, les adultes âgés de  45 à 55 ans, jugés "trop vieux" pour travailler, et les victimes des accidents de la vie, plus de 80% des dossiers de surendettement.

Eux non plus ne peuvent vivre au-dessus de leurs moyens, il leur faudra même toute une vie pour rembourser leur dette à tempérament.

Dans la pratique, M. Valls va donc imposer un régime draconien aux Français qui n'ont pas les moyens et à ceux qui en ont un peu, parce que La France, ou plutôt ceux qui l'ont administrée en usant d'un populisme sans vergogne, depuis 1983, et la titrisation de la dette (Bérégovoy), ont usé et abusé d'un déluge d'argent facile.

Aujourd'hui le produit financier France est potentiellement contaminé par un virus de type "subprime", et vu de Bruxelles, le produit financier France ressemble à un "junk bond", une obligation pourrie en bon français.

Un épisode de grippe financière espagnole

Moralité, pour éviter des sanctions financières qui aggraveraient le mal, voire un épisode de grippe financière espagnole, les prestations sociales "ne seront pas revalorisées jusqu’en octobre 2015", c’est-à-dire qu’elles baisseront du montant de l’inflation (0,7% en 2013). Les retraités, déjà victimes de la réforme du système de retraite verront leurs pensions gelées, tout comme le montant des allocations logement, famille et invalidité. En "novlangue" ont dit qu'elles resteront stables sur la période en question.

La revalorisation extraordinaire du RSA, du complément familial, telle que promise par le plan de lutte contre la pauvreté annoncé en 2013 se verra décalée d’un an, au 1er septembre 2015, ou à plus tard, qui sait.

Les collectivités locales qui avaient tant soutenu le candidat Hollande pour échapper à la réforme territoriale scélérate mise en œuvre par Nicolas Sarkozy vont passer à la caisse, encore une fois, 11 milliards de moins, après la première purge imposée par Jean-Marc Ayrault. Et elles auront droit à une réforme territoriale quand même, avec suppression des départements et redécoupage manu militari des régions.

Les assurés sociaux seront pressurés, eux aussi, au travers de l'Assurance maladie amputée de 10 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 11 autres milliards de dépenses sociales diverses. Quant à l'Etat, il se privera de 18 milliards d'euros, qu'il fera payer à ses obligés, administrés, fonctionnaires dont les salaires resteront gelés jusqu'en 2017… comme ils le sont depuis 2010.

Qu'on se rassure, M. Valls récuse le terme d'austérité. Le mot n'est pas "bankable".

Que restera-t-il de tout ce dispositif après les européennes ? Que restera-t-il de M. Valls ?

Philippe Le Claire pour www.ipreunion.com

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2 Commentaires
beotien
beotien
11 ans

Excellent texte ! Très bien écrit ! Voilà pour la forme.
Sur le fond...pour ma part, vous avez résumé l'incroyable hérésie des premières mesures de ce gouvernement, qui à défaut de combattre les causes structurelles, préfère s'attaquer aux plus faibles pour gagner du temps auprès des instances de Bruxelles....Je crois que c'est bien la première fois que la lâcheté ose se targuer de bravoure, à peine débarquée sur un terrain d'opérations à mener.

Sin 2ni dabor
Sin 2ni dabor
11 ans

Que restera-t-il de M. Valls ? ... R I E N

Il vaut mieux ne rien dire et passer pour un con que l'ouvrir et ne laisser aucun doute à ce sujet .(Jean Yanne)