Conseil d'État

Rejet de l'interdiction générale du voile intégral

  • Publié le 31 mars 2010 à 06:00

Dans un avis remis ce mardi 30 mars 2010 à au Premier ministre François Fillon, le Conseil d'État se dit opposé à une interdiction généralisée du port du voile intégral en France. Les Sages estiment que cette interdiction pourrait être discriminatoire et difficile à appliquer. De plus, "ce dispositif ne pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable" estime le Conseil d'État. "Nous prenons acte de cette décision" commente Abdoullah Moullan, président du conseil régional du Culte à La Réunion. Il ajoute que son association "n'est ni pour le port du voie intégral, ni pour son interdiction, car cela relève de la liberté de chacun". Une analyse que partage Roger Sermahomed,vice-président de l'association chite Khoja Shia Isna Asheri. "Mais lorsque l'on vit en Europe, il n'y a aucune nécessité de porter le voile intégral" estime-t-il.

"Une interdiction limitée au voile intégral serait fragile au regard du principe de nos discriminations, et vraisemblablement délicate à mettre en ?uvre" souligne donc le Conseil d'État dans la réponse adressé au Premier ministre. Ce dernier, rappelle le journal Le Monde, les avait sollicités sur la question fin janvier, leur demandant d'examiner les possibilités permettant de parvenir à une interdiction qui soit "la plus large et le plus effective possible", sans "blesser nos compatriotes de confession musulmane".

Si le Conseil d'État exclut une interdiction totale sur la voie publique, il estime que l'obligation de se découvrir le visage peut être justifiée par mesure de sécurité ou pour lutter contre la fraude "soit dans certains lieux, soit pour effectuer certaines démarches". Le Monde relève que les Sages évoquent ainsi "les tribunaux, les bureaux de vote, les mairies, la remise des enfants à la sortie de l'école, les lieux où sont délivrées des prestations médicales ou hospitalières, le déroulement de concours ou d'examens, y compris dans les universités. Ils évoquent aussi des lieux soumis à des interdictions liées à l'âge (cinémas, débits de boisson, boîtes de nuit...) ou qui nécessitent une identification liée aux moyens de paiement".

Pour ces cas particuliers le Conseil d'État propose de recourir à une loi rendant permanente l'interdiction de se voiler le visage. À La Réunion le conseil régional du Culte abonde dans ce sens. "Nous estimons que la décision de porter ou non le voile intégral relève de la responsabilité de chaque femme. Nous demandons néanmoins à celles qui choisissent de se voiler de respecter la réglementation en matière d'identification" souligne Abdoullah Moullan. "Il faut montrer son visage lorsque cela est nécessaire" dit-il encore.

Roger Sermahomed est sensiblement du même avis. "Je ne suis ni pour ni contre le voile intégral. Chaque Croyante fera comme elle veut. Je pense aussi que si l'État français veut interdire le voile intégrale c'est par mesure de sécurité pour lutter contre les attentats" expose-t-il.

"À l'époque le prophète a recommandé le port du voile. Il s'agissait avant tout de protéger les femmes de la convoitise et des abus que certains hommes mal intentionnés auraient pu leur faire subir. Les temps ont changé. Les Croyantes peuvent se cacher les cheveux, les bras et les jambes, c'est même recommandé, mais je ne vois pas la nécessité de porter le voile intégrale surtout lorsque l'on vit en Europe" remarque ecore le vice-président de l'association chite Khoja Shia Isna Asheri. "Porter un voile intégral chez le médecin ou dans un bureau de vote, il ne faut pas exagérer" ajoute-t-il.

Le Monde note par ailleurs que "les sages ont repoussé le principe de laïcité comme fondement possible: la laïcité s'impose aux institutions et aux agents publics et non pas à la société ou aux individus, sauf exception (établissements scolaires), précisent-ils. La protection de la dignité de la personne humaine s'est heurtée au "principe d'autonomie personnelle". Tout comme le principe d'égalité, il ne peut en outre être invoqué pour des personnes qui choisissent de porter le voile intégral".

En matière de sanctions contre les femmes refusant de dévoiler leur visage lorsque la loi les y oblige, le Conseil d'État propose la mise en place d'une injonction de médiation sociale et d'une amende si l'injonction n'est pas respectée. Pour ceux qui obligeraient une femme à dissimuler son visage, un délit serait institué. Les faits seraient punis par une peine de prison et une amende. "Une injonction de médiation sociale est aussi prévue" indique Le Monde.

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