L'assemblée nationale a voté, en première lecture et à la surprise générale, dans la nuit du mardi 3 mai 2011, un texte interdisant à terme l'utilisation de perturbateurs endocriniens comme les parabènes ou les phtalates dans les produits de consommation courante. Une nouvelle accueillie de manière contrastée pour des produits décriés depuis plusieurs années.
Contre l'avis du gouvernement et en prenant de cours les députés eux-mêmes, une proposition de loi interdisant à terme l'utilisation de parabènes et autres perturbateurs endocriniens dans les produits de consommation courante vient d'être votée à l'Assemblée nationale, mardi 3 mai 2011 dans la nuit.Si le processus législatif allait jusqu'au bout, ces produits si décriés depuis plusieurs années pourraient donc disparaître du quotidien. Au coeur des inquiétudes, les parabènes, des conservateurs utilisés dans environ 80% des crèmes, shampoings et autres gels douche.
Ces dérivés de produits pétroliers permettent de conserver les produits plusieurs années, même après ouverture. On les trouve également dans les produits destinés aux enfants. Avec les phtalates, ces substances sont aujourd'hui suspectées, entre autres, de favoriser l'apparition de certains cancers et de provoquer des troubles de la fertilité masculine.
Mais si ce vote a surpris, c'est aussi parce que leurs effets ne sont pas encore validés scientifiquement, indique Christophe Iborra, dermatologue à Saint-Louis. " Nous sommes dans l'ambiance Mediator et je pense que cette décision est précipitée. Il ne faudrait que d'autres médicaments suivent ce genre de traitement ", estime-t-il. Il évoque notamment le Roaccutane, ce médicament utilisé contre l'acné accusé de favoriser les idées suicidaires, sans qu'aucune étude scientifique sérieuse ne le prouve.
" A chaque fois, il y a une campagne de presse mais ça aurait été bien que l'on attende les résultats des analyses ", estime-t-il en précisant que les campagnes de presse ont poussé les industriels à mettre moins de parabènes dans leurs produits.
Car selon lui, " il ne faut pas sombrer dans la paranoïa. Les produits chimiques ne sont pas forcément mauvais et certains produits bio ou huiles essentielles posent problème ". Dans ses prescriptions, il indique regarder à l'efficacité du produit, mais pas à la présence ou non de parabènes. Tout reste une question de dosage entre les dangers présumés et les bénéfices connus.
Si le principe de précaution ne s'est pas encore appliqué, c'est avant tout parce que les parabènes rendent de grands services à l'industrie cosmétique. Ils permettent de conserver les préparations plus de trois avant ouverture et jusqu'à deux ans après tandis que les produits qui les bannissent se périment plus vite et sont plus difficiles à travailler.
Le directeur de la société Octrans, fabricante des produits cosmétiques Cilaos qui respectent la charte des produits cosmétiques biologiques Ecocert confirme : ne pas utiliser de parabènes complique la tâche des fabricants de cosmétiques. " Il faut trouver les matières premières bio, ce n'est pas forcément facile. Et ce sont des matières vivantes dont la standardisation n'est pas possible. En plus, en général, les produits bio se conservent moins bien ", explique Thierry Colombet.
Sans compter les investissements liés à l'équipement nécessaire à la fabrication : étant donné qu'aucun produit conservateur chimique n'est utilisé, les produits doivent être fabriqués dans une salle sur pressée pour éviter que les microbes n'entrent... Des infrastructures lourdes qui pèsent sur le coût de production de ces cosmétiques... et sur le porte-monnaie de l'utilisateur.
Malgré tout, " doucement mais sûrement, Cilaos grandit, on gagne des parts de marché, le bio en général a un gros potentiel d'augmentation ", indique-t-il encore. Lui, va compléter sa gamme de crèmes avec un nouveau démaquillant avec du combava et du gingembre d'ici deux mois.
Il précise que " tous les parabènes ne sont pas à mettre dans le même sac. Certains ne sont pas nocifs. " Certains produits estampillés écologiques utilisent certains parabènes, ce qui n'est pas le cas des produits biologiques. Malgré tout, les campagnes de communication de ces dernières années contre les produits chimiques dans les produits cosmétiques ont fait leur chemin : produire sans parabène est devenu un argument markéting.
Quant au bio, il explose dans les cosmétiques, comme dans les produits alimentaires. En 2008, quand la marque Cilaos a été lancée, elle avait 50 concurrents sur le marché français. Trois ans plus tard, elle en a près de 350.
Marine Veith pour
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