La vidéo d'une opération chirurgicale montrant l'extraction d'un caillot de sang est partagée sur les réseaux sociaux par des internautes assurant que ce patient aurait été atteint de cette affection après avoir été vacciné contre le Covid. C'est néanmoins impossible : cette vidéo circule sur internet depuis le 1er avril 2019, bien avant l'apparition de la pandémie et du développement des vaccins anti-Covid. Si l'Agence européenne des médicaments a reconnu en 2021 un "lien possible" entre les vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson et de "très rares cas de caillots sanguins", l'agence avait néanmoins conclu que les bénéfices de la vaccination continuaient de l'emporter sur les risques.
"Caillot de sang retiré du cœur vivant d'une personne entièrement vaccinée", indique un message diffusé au sujet d'une vidéo sur la messagerie Telegram depuis le mois d'août et visionné au total plusieurs milliers de fois ainsi que sur les plateformes Odysee (1, 2, 3), Facebook ou encore Rumble. Il s'accompagne d'une vidéo très graphique montrant l'extraction d'un caillot.
"Ci-dessous, l'opération à cœur ouvert d'un patient vacciné à 3 doses de moins de 30 ans souffrant d'arythmie cardiaque, le retrait du 'caillot sanguin' se fait sous les caméra, durant une conférence de 4 médecin dans le monde (...) Dr John explique que dans ses pompes funèbres il observe beaucoup de moins de 30 ans morts subitement avec ces choses ayant pris forme dans leurs veine", détaille plus précisément le texte de la publication Facebook.
La vidéo a également circulé en espagnol accompagnée de légendes similaires, imputant chaque fois la condition du patient opéré à la vaccination anti-Covid.
Une vidéo antérieure à la pandémie
Une recherche d'image inversée grâce au logiciel co-developpé par l'AFP InVid-WeVerify permet de retrouver des dizaines d'occurrences précédentes de la vidéo.
L'une d'elle est une vidéo publiée sur YouTube en bien meilleure qualité le 1er avril 2019 sur la chaîne d'Erik Beyer, un cardiologue américain. Erik Beyer dirige le service de cardiologie du Centre médical de Floride et publie régulièrement des vidéos d'opérations chirurgicales.
La description de la vidéo en anglais indique qu'il s'agit d'une "embolectomie pulmonaire pour une embolie pulmonaire massive", une opération qui consiste à enlever chirurgicalement un caillot qui bouche une artère pulmonaire. La légende de la vidéo ne mentionne toutefois ni le Covid-19, ni un quelconque vaccin.
Le cardiologue Erik Beyer, qui commente les images au fur et à mesure, explique qu'il s'agit d'une de ses patientes de 30 ans qui s'est présentée aux urgences du Centre médical de Floride, où il exerce, avec "une douleur au dos et un essoufflement".
Cette occurrence de la vidéo, la plus ancienne retrouvée par l'AFP, est antérieure aux premiers cas de Covid-19 signalés dans la ville chinoise de Wuhan en décembre 2019 et au développement des premiers vaccins anti-Covid. L'apparition de ce caillot ne peut donc pas être un effet indésirable de la vaccination anti-Covid, comme affirmé à tort dans la vidéo relayée sur les réseaux sociaux.
Les caillots sanguins, un effet secondaire "très rare" des vaccins d'AstraZeneca et Johnson & Johnson
En avril 2021, l'Agence européenne du médicament (AEM ) a indiqué que les caillots sanguins devaient figurer sur la liste des effets secondaires "très rares" des vaccins Covid-19 d'AstraZeneca et de Johnson & Johnson.
L'AEM a reconnu "un lien possible" entre les vaccins d'AstraZeneca et Johnson & Johnson et "de très rares cas de caillots sanguins inhabituels associés à des plaquettes sanguines basses". Pour le vaccin AstraZeneca, l'agence estimait en avril 2021 le risque de tels caillots à 1/100.000.
Le mois suivant, elle a déclaré qu'il n'y avait cependant "aucune indication à ce jour" permettant de suspecter un lien entre les vaccins à ARN messager de Moderna et Pfizer et les thromboses. Une thrombose est un caillot de sang qui se forme dans un vaisseau sanguin, une veine ou une artère.
L'Agence européenne des médicaments (AEM) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandent néanmoins de continuer à utiliser les vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson , jugeant leurs bénéfices supérieurs à leurs risques.
"Aujourd'hui, les cas de thromboses très rares ne concernent toujours que les vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson. La position de la science n'a pas changée, il n'y a rien de nouveau sur les vaccins à ARN messager mais au contraire, de très nombreuses études depuis un an et demi montrent qu'il n'y a pas le moindre signal thrombotique avec les vaccins de Pfizer et le Moderna, qui sont désormais quasiment exclusivement utilisés en France", a expliqué le 24 août à l'AFP David Smadja, professeur d'hématologie à l'hôpital George Pompidou .
L'infectiologue chilien Ignacio Silva a également souligné auprès de l'AFP que si les vaccins à adénovirus d'AstraZeneca et Janssen, utilisés dans d'autres pays, peuvent présenter des effets indésirables liés à des caillots sanguins, ces cas restaient très rares.
"Les agences sanitaires étaient à l'époque très au fait de ce phénomène, faisant du suivi, de la pharmacovigilance, et allant jusqu'à restreindre son utilisation par mesure de très grande précaution, puisque le nombre de cas par rapport au nombre de personnes vaccinées était très faible. Heureusement, l'incidence de cet événement est très rare", a-t-il expliqué à l'AFP.
Dans ce précédent article de vérification, des hématologues interrogés par l'AFP rappelaient en outre que le Covid-19 favorise les risques de thrombose veineuse cérébrale, une conséquence de la maladie souvent occultée.
Axl Hernandez AFP Chili