Ce mardi 7 octobre 2025, le tribunal correctionnel de Saint-Denis a jugé deux hommes impliqués dans un vaste trafic de chaussures contrefaites et de tabac à chicha. En trois ans, 554 colis envoyés depuis la métropole et 364 réceptionnés à La Réunion ont permis d’écouler plus de 5.000 paires de baskets et 300 kilos de tabac. Le préjudice à rembourser aux grandes marques concernées est immense (Photo : sly/www.imazpress.com)
La Réunion n’échappe pas aux réseaux de contrefaçon et de tabac qui prospèrent entre l’Hexagone et les outre-mer. Ces filières tirent profit de l’attrait des grandes marques, de la forte demande locale et des prix souvent prohibitifs des produits authentiques.
Résultat : des articles de luxe vendus sous le manteau, des cargaisons de tabac à narguilé circulant illégalement, et des pertes fiscales considérables pour l’État. C’est dans ce contexte que deux prévenus dont un Réunionnais ont été renvoyés devant la justice.
À la barre du tribunal correctionnel de Saint-Denis, Hizboullah Ben H., né en 1991 à Mayotte, a reconnu avoir été l’intermédiaire côté métropole. Employé chez Chronopost, il profitait de son poste pour modifier le poids des colis afin de payer moins de frais et passer sous les radars. Entre février 2020 et août 2023, il a organisé l’achat sur internet et l’expédition de centaines de cartons reconditionnés vers La Réunion.
- Un réseau rodé entre Aubervilliers, Lyon et La Réunion -
À ses côtés, Ben Kadere M., né en 1997 au Port, stockait la marchandise à son domicile où huit tonnes de produits ont transité selon les douanes. Il gérait aussi les flux financiers, parfois envoyés en Turquie et en Chine, ainsi que sur les comptes bancaires de proches.
Toujours selon les services douaniers, plus de 5.000 paires de baskets contrefaites, principalement de marque Nike selon les intéressés, ont été introduites à La Réunion. Mais l'enquête a démontré que d’autres griffes prestigieuses – Givenchy, Lacoste, Jacquemus, Louis Vuitton ou Kenzo – ont également été copiées et revendues.
Au total, 554 colis ont été réceptionnés en métropole et 364 réexpédiés vers l’île pour que les contrefaçons soient revendues en misouk. En mars 2023, un contrôle a permis de saisir 163 articles contrefaits, 144 kilos de tabac à narguilé et des espèces. Au total, 300 kilos de tabac manufacturé ont circulé dans le cadre de ce réseau.
- Des revenus importants, mais difficiles à tracer -
L’enquête a estimé le chiffre d’affaires global du trafic à 567.000 euros. Pour Hizboullah Ben, les bénéfices auraient atteint environ 60.000 euros, soit entre 1.500 et 5.000 euros par mois. Interrogé, l’intéressé affirme avoir depuis monté une entreprise de restauration à Mayotte employant 11 salariés, tout en déclarant ne pas avoir de ressources personnelles et vivre chez ses parents tout en se servant dans les caisses de sa société pour les dépenses de la vie courante. De quoi faire tiquer le parquet.
Son co-prévenu, chauffeur-livreur, présente un casier judiciaire vierge et a assuré ne pas avoir de projet précis. Une imprécision sur les faits qui a agacé le tribunal ainsi que la représentant de la société, le prévenu ayant évité stratégiquement de répondre aux questions qui l'embarassaient.
- Marque et douanes réclament des centaines de milliers d’euros –
Représentées par une avocate, les grandes marques concernées se sont constituées parties civiles et réclament 123.600 euros de dommages et intérêts : 42.300 euros pour Dior, Kenzo et Givenchy, 40.000 euros pour Vuitton, et 41.300 euros pour Lacoste. Elles estiment avoir subi un préjudice commercial et une atteinte grave à leur image.
- Une amende douanière géante -
Les douanes, de leur côté, ont réclamé une amende solidaire de 632.600 euros, mettant en avant un « véritable showroom » de produits illégaux et un manque à gagner fiscal considérable.
Le parquet a requis 18 mois de prison avec sursis probatoire pour chacun des deux hommes, assortis d’amendes de 10.000 et 6.000 euros.
Finalement, le tribunal a prononcé 18 mois avec sursis simple et une amende douanière solidaire de 100.000 euros considérant qu'une vie ne suffirait pas aux deux hommes condamnés solidairement à rembourser les sommes réclamées par les douanes.
Les deux contrefacteurs sont ressortis libres, mais avertis par le tribunal qu’ils « jouaient gros » et qu’il était temps d’arrêter leurs activités illicites.
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