Ce jeudi 12 décembre 2025, la cour d’appel de Saint-Denis a longuement examiné un vaste dossier de stupéfiants initié en 2024 dans un quartier de Saint-Louis. Cinq prévenus, condamnés en première instance par le tribunal correctionnel de Saint-Pierre en juin dernier, comparaissent pour un trafic particulièrement structuré impliquant multiples colis, identités empruntées, caches sophistiquées, écoutes téléphoniques, flux financiers et armes. (Photo www.imazpress.com)
L’affaire démarre avec un premier colis contenant deux kilos de cannabis adressé à une femme. Le 4 mars 2024, les douanes l’auditionnent. Quelques jours plus tard, elle refuse un colis destiné à son entreprise : 571 grammes de cocaïne se trouvent à l'intérieur. Le lendemain, un autre envoi intercepté renferme 440 grammes de poudre blanche.
Le numéro de téléphone figurant sur les colis mène jusqu’au fils de la secrétaire de l’entreprise, qui utilisait l’identité de l’employeur de sa mère pour récupérer les paquets. En parallèle, Benjamin D., 28 ans, apparaît connecté au suivi Colissimo. Lors de la perquisition de son domicile, du cannabis, de l’argent liquide et surtout près de 100.000 euros sous blister cachés dans une marmite sont retrouvés chez lui.
- De la poudre d'une pureté exceptionnelle -
Rapidement, Benjamin D. et le jeune Théo L. désignent les frères L. et surtout Rodrigues T., 25 ans, décrit comme la tête du réseau. Benjamin D. admet avoir conservé de l’argent "en sachant très bien d’où ça venait", en échange de 400 euros. À l’audience, pourtant, ce grand gaillard chauve et barbu, en survêtement, ne reconnaît plus rien : "J’ai pas dit ça". Le président lève les yeux et relit mot pour mot ses auditions. L’avocate générale s’impatiente : "Vous étiez très précis. Aujourd’hui vous n’avez plus aucun souvenir… intéressant".
La cocaïne interceptée est d’une pureté exceptionnelle : 80 %. La valeur marchande totale des produits saisis sera finalement réévaluée à 893.000 euros. Géolocalisations et écoutes téléphoniques confirment l’existence d’un point de deal dans le quartier de la Gare à Saint-Louis, présumément animé par Rodrigues T. et les frères L. L’enquête révèle aussi des relais en métropole, dont un individu effectuant des allers-retours aux Pays-Bas. En juillet 2024, Rodrigues T. et Jean-Sébastien L. déposent plusieurs colis dans une poste parisienne ; l’un contient 95 grammes de cathinone qui sera intercepté par les douaniers.
- Des boîtiers téléphoniques, des armes de poing, un domicile dédié à la coupe -
Les perquisitions renforcent l’ampleur du réseau : trois armes de poing et 11.000 euros chez Rodrigues T., numéraire et neuf boîtiers téléphoniques chez Jean-Sébastien L., montres et baskets chez Jean-Emmanuel L., matériel d’emballage chez Thomas P., cannabis et deux revolvers chez la mère des frères L. Un suspect mahorais disparaît avant son interpellation alors que son domicile est le point central du trafic où les enquêteurs retrouvent tout ce qui le prouve.
À la barre, Rodrigues T., qui a fait appel d’une peine de sept ans jugée "trop sévère", explique vivre de ses économies depuis 2021 et de "ventes de bricoles". Il voyage en première classe grâce "à un ami", possède plusieurs motos et voitures financées, dit-il, par les paris sportifs. Lorsque le président lui rappelle que plusieurs co-prévenus l’ont désigné comme patron du réseau, il hausse les épaules : "Ils ont dit ça pour se sauver. Moi, je vends juste un peu. Ce sont mes baskets qui ont été mises dans les colis, la drogue, c’est pas moi". La cour laisse planer un silence incrédule.
- Un simple trafic de chaussures et de sacoches contrefaites -
Jean-Sébastien L., 26 ans, dreadlocks, vêtu tout en blanc, conteste tout. Il admet avoir été mule d’argent mais nie toute implication dans le trafic. Il dit consommer "tout ce qui existe". Le président lui rappelle qu’il avait brisé son téléphone pour éviter son exploitation et que celui de sa concubine contient des suivis de colis impliquant un kilo de cathinone. Jean-Sébastien répond : "C’est mis là pour m’accuser". Même refrain pour Jean-Emmanuel L., 30 ans, qui nie les faits. Son avocat évoque son handicap à 80 % et un simple trafic de chaussures, son voyage en métropole étant un pèlerinage familial à Lourdes.
Selon l’avocate générale, il s’agit pourtant d’un "trafic bien huilé", utilisant de fausses identités, des cartons à caches intégrées, plusieurs téléphones, des envois déguisés en colis de chaussures ou de sacoches de luxe et des voyages payés en espèces.
Elle insiste sur la poursuite du trafic depuis la détention : des téléphones ont été retrouvés dans les cellules de Rodrigues T. et de Jean-Sébastien L. le 30 octobre 2024. "La structure ne s’interrompt jamais. On coupe une branche, une autre pousse", dit-elle, en requérant huit ans de prison pour Rodrigues T., dix ans pour Jean-Sébastien L., quatre ans dont un avec sursis probatoire pour Jean-Emmanuel L., et la confirmation des peines pour Thomas P. et Benjamin D.
Les douanes demandent que les prévenus s’acquittent solidairement de 556.540 euros d’amende douanière, une somme colossale qui indigne la défense qui souhaite que les sommes à payer soient proportionnelles aux revenus des éventuels condamnés.
- L'avocat marseillais déconstruit la mécanique accusatoire -
Les avocats, eux, s’emploient à déconstruire point par point la mécanique accusatoire. Me Emilie Briard, pour Thomas P., rappelle qu’il n’a pas interjeté appel et assume ses actes ; elle demande seulement à la cour de ne pas aggraver l’amende douanière. Me Farid Issé, pour Benjamin D., insiste sur la saisie des 100.000 euros retrouvés dans la marmite, sanction déjà considérable.
Me Gabriel Odier, pour Rodrigues T., évoque l’absence de casier et une période de prévention de sept mois seulement : "Huit ans ? C’est une peine d’élimination. Il a reconnu vendre un peu dans son quartier, rien de plus". Il conteste tout trafic en détention, parlant plutôt de "liquidation" de produits restants.
Le bâtonnier Georges-André Hoarau rappelle que Jean-Emmanuel L. est handicapé à 80 % et ne peut être confondu avec un trafiquant organisé. Enfin, l'avocat venu de Marseille, Me Ilyacine Maallaoui pour Jean-Sébastien L., démonte un à un les éléments du dossier : "On cherche un chef, on le fabrique. Aucune preuve sérieuse ne relie mon client à la gestion du trafic. Je demande la relaxe".
Après plus de six heures d’audience, la cour met son arrêt en délibéré. La décision sera rendue le 29 janvier 2026.
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Totoche toute bande voleurs et trafiquant de drogue
Aux trous
Vendeurs de morts