Dans la ville japonaise de Seki, célÚbre pour ses couteaux artisanaux au tranchant redoutable, les artisans locaux ne se disent pas tellement surpris par l'accord commercial conclu par Tokyo et Washington - tant ils jugeaient intenables les surtaxes douaniÚres que Donald Trump avait menacé d'imposer.
Les pourparlers commerciaux entre les deux puissances avaient Ă©tĂ© suivis de prĂšs Ă Seki (centre du Japon), oĂč l'art de la coutellerie remonte Ă 700 ans: selon les autoritĂ©s locales, environ 40% des couteaux fabriquĂ©s dans la ville sont exportĂ©s vers les Ătats-Unis.
Washington menaçait d'imposer aux produits japonais des surtaxes douaniÚres "réciproques" de 25% à compter du 1er août: selon l'accord annoncé mercredi, ces surtaxes seront finalement ramenées à 15%.
"Des droits de douane plus bas, c'est bien mieux", réagit Katsumi Sumikama, directeur de la coutellerie Sumikama à Seki. "Mais je ne suis pas si surpris" par cet accord, ajoute-t-il.
"Je ne sais pas vraiment ce qui s'est passĂ©, mais j'ai l'impression que Trump considĂ©rait peut-ĂȘtre que des droits de douane de 15% Ă©taient finalement acceptables, et qu'il a dĂ©libĂ©rĂ©ment proposĂ© un taux plus Ă©levĂ© dĂšs le dĂ©part" pour se donner un levier de nĂ©gociation, confie-t-il Ă l'AFP.
"Ensuite, à mesure que les négociations ont avancé, il a voulu donner une bonne image au public en le faisant passer de 25 à 15%. Ce genre de stratégie serait tellement trumpien!", ajoute M. Sumikama.
Donald Trump, qui a qualifiĂ© l'accord avec le Japon d'"Ă©norme", a promis d'imposer des droits "rĂ©ciproques" et punitifs Ă des dizaines de pays s'ils ne concluaient pas des accords d'ici fin juillet. Outre le Japon, Washington assure s'ĂȘtre entendu avec le Royaume-Uni, le Vietnam, l'IndonĂ©sie et les Philippines.
-"On a traversĂ© la tempĂȘte"-
Jusqu'ici, l'attention médiatique s'était surtout portée sur l'impact des surtaxes américaines sur les géants japonais de l'automobile comme Toyota, ainsi que sur l'acier nippon - déjà surtaxé à 50% par Washington - ou le riz américain, dont M. Trump veut doper les exportations vers le Japon.
Mais les couteaux japonais ne sont pas Ă©pargnĂ©s par la bataille commerciale: ils se sont imposĂ©s ces derniĂšres annĂ©es comme des objets de luxe incontournables dans les cuisines du monde entier, notamment aux Ătats-Unis, dopĂ©s par l'attrait pour le "fait maison" pendant la pandĂ©mie.
Si Donald Trump "essaie de rendre l'Amérique plus forte en augmentant délibérément les droits de douane", il devrait comprendre que "les problÚmes ne se résolvent pas par des moyens aussi simples", commente Katsumi Sumikama.
Au final, "ce sont les Américains qui devront supporter le fardeau de la hausse des coûts", estime-t-il.
La fabrication de lames à Seki remonte au XIVe siÚcle, lorsque cette ville nichée dans les montagnes de la région de Gifu est devenue un grand centre de production de sabres grùce à un environnement naturel favorable.
Aujourd'hui, les couteaux de Seki sont prisés pour leur précision, leur finition élégante et leur grande longévité, et le boom touristique au Japon profite aussi à des entreprises comme celle de M. Sumikama.
Les exportations vers l'AmĂ©rique du Nord â y compris le Canada â ne reprĂ©sentent nĂ©anmoins qu'environ 5% du chiffre d'affaires de l'entreprise en valeur, qui vend davantage de ses couteaux en Europe et en Asie.
M. Sumikama, ĂągĂ© d'une soixantaine d'annĂ©es, assure cependant qu'il ne prĂ©voyait pas d'augmenter ses prix pour le marchĂ© amĂ©ricain, mĂȘme avant l'accord commercial de mercredi.
L'industrie de Seki a "traversĂ© la tempĂȘte" au fil des dĂ©cennies, observe-t-il, y compris Ă des pĂ©riodes de fortes fluctuations du taux de change, oĂč le dollar valait tantĂŽt 80 yens, tantĂŽt plus de 300 yens.
Les clients américains, de leur cÎté, ont aussi survécu à des crises majeures comme celle de 2008, ce qui fait qu'ils "ne sont pas du tout inquiets" des surtaxes douaniÚres, insiste-t-il.
La coutellerie Sumikama, qui emploie une trentaine de personnes, vante ses machines garantissant une précision au milliÚme de millimÚtre pour fabriquer ses couteaux, terminés à la main par des artisans.
"Chaque pays a ses forces et ses faiblesses", souligne M. Sumikama. "MĂȘme si le prĂ©sident Trump dit aux gens (aux Etats-Unis) de fabriquer des couteaux japonais, ils n'y arriveront pas".
AFP


