Aventure humaine

A Saintes, des chefs cuistots s'unissent pour se "sentir moins seul"

  • PubliĂ© le 26 novembre 2020 Ă  11:18
  • ActualisĂ© le 26 novembre 2020 Ă  11:59
Les chefs Vincent Coiquaud, Jean-Luc Bonedeau et Olivier Pourpoint, en cuisine le 23 novembre 2020 Ă  Saintes

Une dizaine de cuistots en tablier blanc s'agitent dans une petite salle, maniant joues de boeuf braisées et dos de cabillaud. Chefs-propriétaires de restaurants à Saintes (Charente-Maritime), ils se sont lancés dans une "aventure humaine" pour "se sentir moins seul" aprÚs le "deuxiÚme coup de massue" du reconfinement.

Pour 15 euros, ils proposent un menu dĂ©jeuner unique, de qualitĂ©, qui change quotidiennement, Ă  dĂ©guster chez soi ou au bureau. Une centaine de repas par jour en moyenne. Moins le lundi mais "le vendredi c'est la folie". Avant l'arrivĂ©e des premiers clients, il faut finir de dresser les "assiettes" Ă  emporter - des boĂźtes en bambou compostables -- avec des mets prĂ©parĂ©s le matin mĂȘme ou la veille.

Ce jour-lĂ , le boeuf et sa sauce de cuisson gĂ©lifiĂ©e sont assortis d'une pomme de terre, d'oignons grelots sucrĂ©s et d'une mirepoix de lĂ©gumes. Le cabillaud a droit Ă  un jus de persil et un lit de riz cantonais. La crĂšme verveine citronnĂ©e attend d'ĂȘtre empaquetĂ©e, comme la salade de lentilles et sa neige de curry.

"Le travail à la chaßne, on n'a pas l'habitude", s'amuse un chef. "On est une brigade mais qui n'est composée que de chefs", rit un autre. La bonne ambiance est au rendez-vous, l'efficacité aussi. En un tournemain, entrées-plats-desserts sont emballés, les sacs marqués au nom du client.

MalgrĂ© le reconfinement, et les personnels au chĂŽmage partiel, "c'Ă©tait vital" de continuer Ă  cuisiner, explique Anne Chatel, membre comme les autres du "Cercle des restaurateurs saintongeais". "Pour la deuxiĂšme fois, on se retrouvait sans travail du jour au lendemain, alors que dĂ©cembre est notre mois le plus important... Il fallait qu'on fasse quelque chose ensemble". "On allait trop ruminer dans nos boutiques", reprend SĂ©verine Tremblay, "d'autant qu'on a l'impression d'ĂȘtre les vilains petits canards alors que les clusters n'Ă©taient pas dans les CHR (CafĂ©s-HĂŽtels-Restaurants, ndlr).

- "Une bonne action" -

"LĂ , on se lĂšve le matin avec un objectif en tĂȘte et on dort mieux la nuit", assure Mme Chatel. "On ne fait pas ça pour sauver les meubles financiĂšrement". Les bĂ©nĂ©fices serviront Ă  "un repas caritatif, pour les soignants, les Ă©coles ou les personnes ĂągĂ©es".

Quelques heures auparavant, c'était déjà l'effervescence dans les cuisines d'un restaurant saintais, quand la joue de boeuf finissait de mijoter : livraisons à réceptionner, factures à compiler et fourneaux à surveiller. "On se sent utile, productif. On ne passe pas son temps à se demander quand on va rouvrir", souligne le chef Jean-Luc Bonedeau. "On a tous des comptes en banque qui baissent mais on se soutient, on s'entraide". "On apprend beaucoup des autres", relÚve Vincent Coiquaud: "+Tiens, tu fais ça comme ça, je ne connaissais pas, c'est sympa cette façon de faire+"

"Je fais ce mĂ©tier depuis mes 16 ans et lĂ  j'ai l'impression d'ĂȘtre en stage!", explique Olivier Pourpoit, parti chercher chez un grossiste les betteraves rouges qui serviront d'entrĂ©e le lendemain, avec de la feta. Le dessert, concoctĂ© dans un autre restaurant, arrive Ă  l'heure pour rejoindre entrĂ©es et plats dans la camionnette qui se dirige vers des locaux mis Ă  disposition par la Ville pour l'emballage et la vente. "C'est bien, ça Ă©vite Ă  ma femme de faire la cuisine", glisse Michel Potiron, un brin taquin, en repartant avec deux repas. "Il faut bien que les gens travaillent", souligne un autre retraitĂ©, qui vient une fois par semaine.

Pour Laetitia Caillaud, "c'est la premiÚre fois mais ce ne sera pas la derniÚre!". "Avec cette démarche, on n'est pas du tout dans l'individualisme mais dans la collectivité et c'est vraiment bien dans ce contexte particuliÚrement difficile", estime cette conseillÚre en viticulture.

Patron d'une agence immobiliÚre, Cédric Bienvenu passe tous les jours. Il a droit à un petit coeur sur son sac papier. "Je préfÚre un vrai repas, ça évite la malbouffe", explique-t-il. "Avec cette initiative, on mange bien et on fait une bonne action".

AFP

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