L'épineuse question des retraites a concentré les critiques des présidents de groupes parlementaires reçus mercredi à Matignon par Elisabeth Borne, conformément à sa volonté de "concertation" pour tenter de déminer une session qui s'annonce musclée.
La coalition de gauche Nupes faisait au même moment monter la pression sur le gouvernement, avec une proposition de loi pour taxer les "superprofits" des grandes entreprises et tenter d'obtenir un référendum d'initiative partagée, qui ne manquera pas d'animer les débats budgétaires. "Nous espérons que cette procédure va créer un rapport de force" avec la majorité présidentielle, a insisté le socialiste Olivier Faure.
"Concertation et écoute permettront de mener les réformes nécessaires pour le pays", a plaidé de son côté, dans un tweet, la Première ministre qui, privée de majorité absolue à l'Assemblée nationale, prône le dialogue dans l'espoir de bâtir des "majorités de projet".
Même si elle n'exclut pas, pour le vote du budget à l'automne, le recours à l'article 49.3 qui permet l'adoption d'un texte sans vote sauf motion de censure, car "les Français ne nous ont pas demandé l'immobilisme".
Balayant le calendrier législatif, de l'assurance chômage au budget en passant par les énergies renouvelables, ses interlocuteurs ont cependant été nombreux à dire leur hostilité à l'idée que la réforme des retraites fasse l'objet d'un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
- "Contradictoire" -
Le président Emmanuel Macron avait évoqué cette éventualité lors d'une rencontre avec la presse, souhaitant une application "dès 2023". Une décision qui "appartiendra" au gouvernement, avait-il ajouté.
Prudente, Mme Borne ne s'est toujours pas exprimée sur le sujet.
"Si c'est l'amendement, le gouvernement s'empalera", a prédit le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, qui juge la réforme des retraites nécessaire, mais fustige une façon de faire "totalement contradictoire avec la fameuse nouvelle méthode [basée sur le compromis] proclamée par le président de la République".
"On veut nous faire acheter un âne dans un sac, on ne sait pas comment la question retraite va être traitée", a déploré le président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, André Chassaigne, opposé à la réforme en soi.
Le chef de file des sénateurs écologistes, Guillaume Gontard, a jugé "inacceptable" de la faire passer dans un amendement.
L'hypothèse divise jusque dans la majorité.
Reçue en premier avec ses homologues du MoDem et d'Horizons, la cheffe de file des députés Renaissance, Aurore Bergé a plaidé "collégialement" en faveur d'une "décision rapide" sur les retraites.
Si le gouvernement devait recourir à l'article 49.3 de la Constitution, ce sera "la responsabilité des oppositions", selon elle.
- "Pas tranché" -
Mais le président du groupe MoDem à l'Assemblée nationale, Jean-François Mattéi, a redit à la Première ministre l'opposition de ses députés à un tel amendement, même s'il approuve "la nécessité d'une réforme".
"Nous avons été élus pour agir, non pas pour procrastiner", a plaidé de son côté le président du groupe Horizons au Palais-Bourbon Laurent Marcangeli, qui sera "au rendez-vous de la réforme", tandis que le sénateur macroniste François Patriat rappelait que le Sénat, à majorité de droite, amendait chaque année le budget avec une proposition sur les retraites.
Amendement ou pas, la question "n'est pas tranchée", selon plusieurs participants.
Un amendement, "ce n’est pas un scandale" mais "je comprends aussi qu’il y ait le temps du dialogue et que ce n'est pas une décision évidente pour le gouvernement", a temporisé le président du groupe Les Indépendants au Sénat, Claude Malhuret (Horizons).
En termes de méthode, le projet de loi sur les énergies renouvelables "sera un bon test" pour "voir si le gouvernement est en capacité justement de rebondir sur (les) propositions" d'EELV et parvient à "trouver d'autres majorités", a dit espérer M. Gontard.
Son homologue à l'Assemblée nationale, Cyrielle Châtelain, a réclamé une "politique à la hauteur (du) bouleversement" climatique, et redit son "opposition complète" aux réformes "libérales" de l'assurance chômage et des retraites.
Mme Borne a de son côté souhaité, pour "construire des accords" avec les écologistes, "placer la planification écologique au cœur des politiques publiques, travailler ensemble pour atteindre le plein emploi et porter des perspectives communes", selon un tweet.
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