GĂ©rald Darmanin a pris la parole jeudi pour la premiĂšre fois depuis le dĂ©but de la crise qui agite la police, disant comprendre la "colĂšre" des policiers, au moment oĂč leurs protestations, liĂ©es Ă l'incarcĂ©ration de l'un des leurs, ralentissent l'activitĂ© judiciaire.
Affirmant que "moins de 5% des policiers se sont mis en arrĂȘt maladie ou ont refusĂ© d'aller au travail", M. Darmanin a cependant soulignĂ© que la "fatigue" et la "colĂšre" ne devaient pas leur faire "oublier le sens" de leur mission", "au service de la population".
"Je comprends cette émotion, je comprends cette colÚre, et je comprends cette tristesse", a-t-il déclaré à sa sortie du commissariat du XIXe arrondissement de Paris, juste avant de recevoir les représentants des syndicats Place Beauvau.
Il était accompagné du préfet de police de Paris Laurent Nuñez et du patron de la police nationale Frédéric Veaux, dont les propos avaient provoqué un tollé chez les magistrats et la classe politique, quand il avait estimé qu'"avant un éventuel procÚs, un policier n'a pas sa place en prison".
"C'est un grand policier, un grand flic", a dit M. Darmanin de M. Veaux, "je le soutiens totalement".
Les policiers "ont besoin d'avoir le soutien de leur ministre, ce que je suis venu rĂ©pĂ©ter, et de leurs autoritĂ©s hiĂ©rarchiques", a poursuivi M. Darmanin, alors qu'une grogne se propage en France aprĂšs ĂȘtre partie il y a une semaine de Marseille oĂč un agent de la Bac (Brigade anti-criminalitĂ©) a Ă©tĂ© incarcĂ©rĂ© dans le cadre d'une enquĂȘte pour violences policiĂšres.
Les protestations, qui se manifestent principalement par des mises en code 562 - un service minimum assurĂ© dans les unitĂ©s - et par des arrĂȘts maladie, sont difficilement quantifiables.
Le recours au code 562 et les arrĂȘts maladie ont entraĂźnĂ© un net ralentissement de l'activitĂ© dans certains des plus gros tribunaux de France cette semaine, une baisse Ă pondĂ©rer toutefois avec la relative accalmie qui s'est installĂ©e aprĂšs les Ă©meutes urbaines du mois dernier.
En Seine-Saint-Denis, l'un des départements les plus pauvres et criminogÚnes du pays, le nombre de gardes à vue nocturnes tourne autour d'une quinzaine contre 35 à 70 habituellement. "Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas vu cela en Seine-Saint-Denis", a déclaré à l'AFP le procureur de Bobigny Eric Mathais.
à Marseille, le nombre de défÚrements est "bas, voire historiquement bas" pour la juridiction avec "70-75% d'activité en moins", a indiqué une source judiciaire locale. Et à Paris, ce volume a été divisé par deux à la section de permanence du parquet, d'aprÚs une autre source judiciaire.
- "Grande fatigue" -
Jeudi soir, les syndicats sont venus dire au ministre que la police était "en pleine crise", selon Linda Kebbab, secrétaire nationale du syndicat Unité SGP Police. "Qu'on ne nous dise pas: on vous comprend mais vous n'aurez rien", a-t-elle averti, précisant qu'il ne s'agit "pas d'un mouvement de défiance vis-à -vis du ministre".
Son syndicat demande, en particulier, la crĂ©ation dâun statut spĂ©cifique du policier mis en examen, excluant la dĂ©tention provisoire dâun agent agissant en mission.
Mais pour un autre syndicaliste, Anthony Caillé (CGT-Intérieur-Police), "avoir une justice d'exception à l'endroit des policiers, ça n'est pas entendable, pas acceptable", "ce serait grave dans une république, une démocratie".
Le déclencheur du mouvement est venu de Marseille avec l'incarcération d'un policier de la BAC, soupçonné d'avoir roué de coups un homme de 22 ans, avec trois autres collÚgues, dans la nuit du 1er au 2 juillet. Ces faits se sont produits lors des émeutes ayant embrasé le pays à la suite de la mort de Nahel, tué le 27 juin à Nanterre lors d'un contrÎle routier, par un policier, également placé en détention provisoire.
Dans l'affaire de Marseille, quatre policiers ont été mis en examen pour violences en réunion par personne dépositaire de l'autorité publique avec usage ou menace d'une arme ayant entraßné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à huit jours.
L'un d'eux a donc été incarcéré.
La victime, Hedi, avait tĂ©moignĂ© dans La Provence avoir Ă©tĂ© passĂ©e Ă tabac, aprĂšs avoir reçu un tir de LBD dans la tempe. Dans un entretien avec Konbini, mercredi, il apparaĂźt avec "une partie du crĂąne en moins", raconte devoir marcher avec un casque et ne pas voir de lâĆil gauche.
L'appel du policier contre son placement en détention provisoire sera examiné le 3 août par la chambre de l'instruction à Aix-en-Provence.
"Ce sera une journée trÚs importante. Le problÚme pour nous, c'est le placement en détention provisoire", martÚle David, policier de 43 ans à Nancy, qui est en code 562, "symbole contestataire".
AFP



