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Intelligence artificielle: pourquoi certains pays interdisent-ils DeepSeek?

  • PubliĂ© le 7 fĂ©vrier 2025 Ă  12:19
  • ActualisĂ© le 7 fĂ©vrier 2025 Ă  12:37
Le robot conversationnel R1 de la start-up chinoise DeepSeek a rebattu les cartes de l'intelligence artificielle (IA)

L'irruption du robot conversationnel R1 de la start-up chinoise DeepSeek a stupéfié l'industrie de la tech par sa capacité à égaler ses concurrents américains pour un coût moindre, rebattant les cartes de l'intelligence artificielle (IA).

Mais ce chatbot à peine lancé, plusieurs gouvernements ont déjà restreint son utilisation, invoquant des menaces pour la sécurité nationale ou de potentielles fuites d'informations sensibles.

L'AFP fait le point sur la situation:

- Qui a interdit DeepSeek? -

L'Italie est le premier pays Ă  avoir ouvert une enquĂȘte sur DeepSeek, Ă  qui elle a interdit de traiter les donnĂ©es d'utilisateurs italiens.

En 2023, l'organisme de surveillance italien avait déjà temporairement bloqué le chatbot d'OpenAI dans le pays, ChatGPT, pour des raisons de confidentialité.

AprÚs l'Italie, les autorités taïwanaises ont interdit à leurs fonctionnaires et à des infrastructures-clés d'utiliser les applications de la start-up chinoise, invoquant des risques pour "la sécurité nationale de l'information".

Cette décision a été suivie quelques jours plus tard par l'Australie.

En Corée du Sud, plusieurs ministÚres, dont celui qui supervise les relations avec la Corée du Nord, ont bloqué l'accÚs à DeepSeek sur leurs ordinateurs. Ces mesures de blocage concernent également les "PC militaires".

Aux Etats-Unis, une proposition de loi a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e par des parlementaires pour empĂȘcher l'utilisation de DeepSeek - qualifiĂ©e d'"entreprise affiliĂ©e au Parti communiste chinois" par le reprĂ©sentant Darin LaHood - sur les appareils du gouvernement pour des raisons de cybersĂ©curitĂ©.

- Que craignent-ils? -

Les conditions générales de DeepSeek renferment une section sur la transmission des données personnelles à des tiers, trÚs semblable à celle de ChatGPT, le robot conversationnel de son rival américain OpenAI.

Mais "en Chine, lorsque le gouvernement demande l'accÚs aux données des utilisateurs, les entreprises sont légalement tenues de les fournir", relÚve Youm Heung-youl, enseignant et spécialiste de la sécurité des données à l'université Soonchunhyang en Corée du Sud.

Selon la politique de confidentialité de DeepSeek, la start-up chinoise collecte également des informations sur "les frappes au clavier", c'est-à-dire toute interaction qu'un utilisateur effectue avec une touche de son clavier.

Pékin affirme pour sa part que le gouvernement chinois "n'exigera jamais des entreprises ou des individus qu'ils collectent ou stockent illégalement des données".

La Chine a dénoncé les restrictions récemment imposées par plusieurs pays, y voyant une "politisation des questions économiques, commerciales et technologiques".

- Des inquiétudes justifiées? -

La décision de la Corée du Sud de restreindre l'utilisation de DeepSeek répond à de "véritables inquiétudes", mais témoigne également de "leur réflexe de suivre la ligne des Etats-Unis", souligne Vladimir Tikhonov, professeur d'études coréennes à l'université d'Oslo.

Les Etats-Unis sont un partenaire clĂ© de la CorĂ©e du Sud, oĂč sont stationnĂ©s des dizaines de milliers de soldats amĂ©ricains pour la protĂ©ger de son voisin du Nord.

Selon M. Tikhonov, Séoul "ne peut pas opérer seule dans une situation de guerre à grande échelle. On s'attend donc plus ou moins à ce qu'elle suive les directives de l'armée américaine en matiÚre de cybersécurité".

Mais, note-t-il, "aucune grande entreprise de la tech n'est politiquement neutre". "Google stocke les données relatives à l'historique de navigation et il est naïf de penser qu'elles ne sont pas partagées avec des agences gouvernementales lorsqu'elles en font la demande", poursuit le professeur.

Il reconnaßt toutefois que la collaboration des grandes entreprises de la tech avec les autorités chinoises est probablement "plus approfondie".

- DeepSeek, une surprise? -

"DeepSeek a été lancé en mai 2023, et une chose pareille ne peut pas émerger du jour au lendemain", estime Park Seung-chan, professeur d'économie chinoise à l'université sud-coréenne de Yongin.

Pour les experts, DeepSeek a notamment vu le jour grùce aux investissements massifs de la Chine ces derniÚres années dans la recherche et le développement.

Selon les données de la Chambre de commerce sud-coréenne, la Chine se classe au deuxiÚme rang mondial des investisseurs en recherche et développement, tout juste derriÚre les Etats-Unis.

"Je vois (l'irruption du robot conversationnel R1, ndlr) comme un coup calculĂ© qui a Ă©tĂ© prĂ©parĂ© avant l'Ăšre Trump, et nous devrions prĂȘter attention aux deuxiĂšme et troisiĂšme vagues de DeepSeek", avertit M. Park.

- Quelles leçons? -

DeepSeek dit avoir utilisé des puces H800, moins performantes que d'autres modÚles mais autorisées pour l'exportation vers la Chine jusqu'à fin 2023.

"Si DeepSeek a rĂ©ellement utilisĂ© des H800, cela signifie que mĂȘme sans semi-conducteurs dernier cri, des rĂ©sultats semblables pourraient ĂȘtre obtenus avec des semi-conducteurs standard, tant que le logiciel est bon", explique Park Ki-soon, professeur Ă  l'universitĂ© Sungkyunkwan en CorĂ©e du Sud.

De quoi mettre sens dessus dessous l'industrie des semi-conducteurs, dont la Corée du Sud et Taïwan sont à la pointe.

"Des pays comme les Etats-Unis et la Chine investissent des ressources et des talents considérables dans le développement de logiciels", souligne Park Ki-soon, pour qui DeepSeek est la preuve que tous les gouvernements devraient davantage soutenir ce secteur.

AFP

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