Coronavirus

Italie: l'interdiction des messes, casus belli pour l'Eglise

  • PubliĂ© le 28 avril 2020 Ă  16:52
  • ActualisĂ© le 28 avril 2020 Ă  17:03
Une religieuse devant l'église San Giorgio à Caresana, dans le nord de l'Italie, le 26 avril 2020

Les Ă©vĂȘques italiens qui nĂ©gociaient une reprise des messes en mai ont Ă©tĂ© Ă©conduits par un Etat prĂ©occupĂ© par la courbe Ă©pidĂ©miologique. Largement soutenu par la classe politique en Italie, leur courroux semble faire flĂ©chir le gouvernement.

Dimanche soir, le chef du gouvernement Giuseppe Conte a dĂ©voilĂ© sa "phase 2", un dĂ©confinement progressif Ă  compter du lundi 4 mai. Les messes resteront interdites, mais les funĂ©railles pourront ĂȘtre Ă©largies Ă  un maximum de quinze personnes. Si le gouvernement a prĂ©vu l'ouverture en mai des usines, des magasins ou des musĂ©es, son comitĂ© scientifique a pointĂ© les risques "incontournables" liĂ©s aux contacts rapprochĂ©s des messes, notamment lors de la distribution de l'hostie.

Une déception pour de nombreux catholiques qui avaient déjà dû vivre chez eux, par écrans interposés, les célébrations de Pùques, temps fort de l'année.
"Les Ă©vĂȘques italiens ne peuvent accepter de voir l'exercice de la libertĂ© de culte compromis", a rĂ©agi la puissante ConfĂ©rence Ă©piscopale italienne (CEI), piquĂ©e au vif. Elle nĂ©gociait depuis des semaines une sĂ©curisation des messes avec la ministre de l'IntĂ©rieur Luciana Lamorgese.
Le pape François se garde de s'immiscer directement dans la vie politique italienne, mais la rĂ©action courroucĂ©e des Ă©vĂȘques a Ă©tĂ© immĂ©diatement publiĂ©e sur le portail internet du Vatican.

En signe probable d'apaisement avec le gouvernement italien, il a toutefois prÎné mardi, lors de sa messe matinale, "l'obéissance" aux consignes de déconfinement.
François avait exprimé, voici dix jours, son malaise à propos des célébrations "virtuelles", impatient de "sortir du tunnel". "Ce n'est pas l'Eglise", avait dit l'Argentin durant une messe solitaire, "l'idéal de l'Eglise est toujours avec le peuple et avec les sacrements".

Le catholicisme n'est plus religion d'Etat depuis 1984 en Italie. "L'Eglise a aujourd'hui moins d'influence sur le champ politique", explique à l'AFP Franco Garelli, sociologue des religions à l'Université de Turin.

Sa voix demeure nĂ©anmoins "importante" dans un pays oĂč 22% des croyants vont Ă  la messe chaque dimanche, nettement plus qu'en Allemagne ou en France, pointe-t-il. Environ 70% des Italiens se dĂ©clarent liĂ©s au catholicisme, souvent vĂ©cu comme une identitĂ© culturelle. "L'Eglise reste donc un point de rĂ©fĂ©rence et ses prises de position ne peuvent pas ĂȘtre ignorĂ©es", rĂ©sume le sociologue. Fin mars, le catholique Giuseppe Conte Ă©tait d'ailleurs allĂ© rencontrer le pape François.

Dans ce contexte, l'ire rare et inattendue des Ă©vĂȘques a immĂ©diatement provoquĂ© la marche arriĂšre du gouvernement. "Nous travaillerons pour dĂ©finir un protocole de sĂ©curitĂ© maximum pour garantir Ă  tous les fidĂšles de pouvoir participer Ă  des cĂ©lĂ©brations liturgiques", a assurĂ© lundi soir Giuseppe Conte.

- Erreur politique ? -

Des personnalités politiques de tous bords ont volé au secours de l'Eglise, tout comme des dizaines d'associations catholiques et des représentants d'autres confessions religieuses. "Ce gouvernement respecte tous les principes constitutionnels, dont la liberté de culte", s'est défendu lundi Giuseppe Conte lors d'une visite en Lombardie (Nord), qui totalise la moitié des quelque 27.000 morts du coronavirus en Italie.

Mardi, plusieurs journaux dont celui des Ă©vĂȘques italiens avançaient dĂ©jĂ  des dates possibles en mai pour une reprise des messes, en commençant par des cĂ©lĂ©brations en plein air. Pour le vaticaniste Iacopo Scaramuzzi, les gouvernements italiens s'emploient toujours Ă  cultiver "de bons rapports" avec l'Eglise. La prudence de Giuseppe Conte peut donc s'apparenter Ă  "une erreur politique", selon lui.

"Le mĂ©contentement sur l'interdiction des messes a augmentĂ© ces derniĂšres semaines chez des fidĂšles plutĂŽt conservateurs, mais aussi chez des intellectuels catholiques", explique-t-il Ă  l'AFP. "Cela devenait de plus en plus difficile pour les Ă©vĂȘques de se taire car ils auraient laissĂ© le champ libre aux responsables politiques souverainistes qui partout dans le monde instrumentalisent l'image des Ă©glises vides, Ă  l'instar de Matteo Salvini et Giorgia Meloni en Italie. D'oĂč la rĂ©action plutĂŽt agressive de la CEI", analyse Iacopo Scaramuzzi, auteur d'un livre sur les populistes et le christianisme ("Dieu? Au fond Ă  droite?").

Les dangers sanitaires sont réels en Italie. La piété populaire se manifeste dans des sanctuaires ou des processions. Et les messes sont fréquentées par une population majoritairement ùgée, particuliÚrement vulnérable face au nouveau coronavirus, relÚve Franco Garelli.

Mardi, un Ă©vĂȘque du PiĂ©mont (Nord-Ouest) qui a frĂŽlĂ© la mort en raison du coronavirus a critiquĂ© les prĂ©lats frondeurs italiens appelĂ©s Ă  "la prudence". "Ce n'est pas le moment de montrer les dents, mais de collaborer!", a prĂ©conisĂ© Mgr Derio Olivero, dans la Repubblica.

AFP

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