Des hectares de terre inondés, des animaux déplacés: les inondations dans l'Ouest vont laisser des traces pendant encore plusieurs semaines chez certains agriculteurs, en premiÚre ligne face aux aléas climatiques, et mettent en lumiÚre l'importance du bocage et des zones humides.
"On a des fermes oĂč les bĂątiments ont Ă©tĂ© inondĂ©s, l'outil de travail mis Ă mal, le fourrage dĂ©truit", Ă©numĂšre SĂ©bastien VĂ©til, du syndicat agricole ConfĂ©dĂ©ration paysanne. "La solidaritĂ© s'est organisĂ©e directement de la part du monde paysan", souligne l'Ă©leveur de vaches laitiĂšres Ă Guipry-Messac, mais "ça va ĂȘtre des jours et des semaines de nettoyage, de remplacement de matĂ©riel, etc."
La succession de trois tempĂȘtes hivernales et leur lot de pluie sur des sols dĂ©jĂ saturĂ©s a entraĂźnĂ© des crues exceptionnelles depuis plus de 40 ans sur les riviĂšres Vilaine et Seiche, en Ille-et-Vilaine. Le mois de janvier Ă Rennes a Ă©tĂ© le plus pluvieux depuis 1945, tous moisconfondus, selon MĂ©tĂ©o-France.
En Bretagne, premiÚre région agricole de France, l'eau a inondé des villes, mais aussi des exploitations agricoles.
L'éleveur Emmanuel Foulon, à Bruz prÚs de Rennes, a vu ses génisses sauvées des eaux par l'armée dans sa ferme rendue inaccessible aux tracteurs par la crue trop rapide.
"Si les cĂ©rĂ©ales restent plusieurs jours dans lâeau, au printemps, tout sera Ă jeter", redoute CĂ©dric Henry, agriculteur Ă Paimpont et prĂ©sident du syndicat agricole FDSEA 35 (Ille-et-Vilaine), avec un impact sur le fourrage.
Jean-Paul Riault, producteur de lait à Guipry-Messac, a vu l'eau monter "à quelques mÚtres" de sa maison. "Le terrain est impraticable (...) Il y a des parties de mon exploitation que je préfÚre ne pas aller voir, parce que ça va me faire mal de voir ça", lùche-t-il.
Environ 7.000 hectares sont touchés dans le département, dont environ deux-tiers de prairies et 20% de maïs, selon les premiÚres données de la chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine.
"On nous dit beaucoup que c'est du jamais vu", avec des "sols gorgés d'eau depuis le mois de décembre", explique Pascale Gelin, directrice adjointe de la chambre d'agriculture d'Ille-et-Vilaine.
- 'Respect de l'environnement' -
L'état de catastrophe naturelle promis par le gouvernement "peut aider pour les bùtiments agricoles inondés" mais seules "environ 10% des cultures sont assurées en Bretagne", estime Cédric Henry.
"A la Confédération paysanne, on alerte depuis des années sur le dérÚglement climatique. On voit bien qu'on est en plein dedans, qu'on va devoir changer nos pratiques", constate Sébastien Vétil. "Cela passe obligatoirement par le respect de l'environnement."
"La destruction des bocages, le drainage des zones humides, a été encouragé avec l'intensification de l'agriculture, au sortir de la DeuxiÚme Guerre mondiale", rappelle Christophe Cudennec, professeur d'hydrologie à l'Institut Agro Rennes-Angers.
"Dans certains coins de Bretagne, vous voyez des immenses étendues, sans aucune végétation", abonde Gérard Gruau, directeur de recherche au CNRS. "Ces surfaces ne sont pas aussi imperméables qu'un parking de grande surface, mais pas loin", poursuit-il.
Si des programmes publics encouragent à replanter des haies, "il faut trouver des raisons économiques et de faisabilité technique pour que les agriculteurs s'engagent d'avantage, parce que c'est plus de travail", décrypte Pascale Gelin.
"Il existe des réflexions "autour de taille de parcelles qui permettent de travailler dans de bonnes conditions et d'implanter du bocage", mais pas question de revenir "à des petites parcelles d'avant les remembrements" qui n'offraient pas de bonnes conditions de travail ni de rendement, ajoute-t-elle.
Ces amĂ©nagements paysagers "vont ralentir, renforcer l'infiltration" de l'eau, estime Christophe Cudennec. Mais en cas d'Ă©vĂ©nement climatique extrĂȘme comme celui de janvier, ils atteignent leurs limites.
"Il ne faut pas demander Ă l'amont et en particulier Ă l'agriculture, de rattraper tous les excĂšs de l'urbanisation vulnĂ©rable dans les zones oĂč il ne faudrait pas construire", avertit l'hydrologue.
AFP


