Moyen-Orient

La Ghouta orientale, "talon d'Achille" du régime syrien, dans le viseur de Damas

  • PubliĂ© le 7 janvier 2018 Ă  13:05
  • ActualisĂ© le 7 janvier 2018 Ă  13:22
De la fumée s'élÚve sur la ville rebelle de Erbine, dans la Ghouta orientale assiégée, aprÚs une frappe, le 2 janvier 2018

Dans la Ghouta orientale, enclave rebelle aux portes de Damas, les insurgés syriens ont réussi à maintenir leur force de frappe, devenant le talon d'Achille du régime pour qui une offensive militaire semble inéluctable, estiment des experts.


Cette région à l'est de Damas, assiégée depuis 2013 par le régime, est le théùtre d'une grave crise humanitaire et de sanglants raids aériens de l'armée de Bachar al-Assad. Hautement stratégique, son contrÎle permet aux rebelles de tirer pour leur part réguliÚrement roquettes et obus meurtriers sur la capitale. "La résistance dans la Ghouta orientale est devenue une source d'embarras majeure pour le régime, qui se proclame comme le vainqueur en Syrie face à la rébellion", affirme à l'AFP Joshua Landis, spécialiste de la Syrie et professeur à l'Université d'Oklahoma (Etats-Unis).

Les forces du régime ont réussi à asseoir leur pouvoir sur plus de la moitié du pays, multipliant ces derniers mois les succÚs face aux insurgés et aux jihadistes, grùce en particulier au soutien militaire de l'allié russe. Alors que des négociations de paix se déroulent hors du pays, "le régime veut convaincre la communauté internationale qu'il est désormais confronté à une opposition trÚs limitée, si ce n'est dans quelques enclaves", souligne M. Landis.

Des groupes rebelles et jihadistes ont toutefois réussi il y a une semaine à assiéger une base militaire du régime, en périphérie de la Ghouta, poussant Damas à intensifier ses bombardements. L'enclave reste le "talon d'Achille" du régime, explique Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). "Les groupes rebelles y sont puissants et représentent une menace directe pour la capitale."

- "Assise populaire" -

Les combats dans la rĂ©gion n'ont jamais rĂ©ellement cessĂ©, mĂȘme si elle fait partie des quatre zones de dĂ©sescalade dĂ©cidĂ©es par les parrains internationaux des belligĂ©rants pour instaurer des cessez-le-feu. La Ghouta est ainsi visĂ©e quasi-quotidiennement par les frappes aĂ©riennes ou les tirs d'artillerie du rĂ©gime, qui ont fait des milliers de morts et de blessĂ©s depuis 2011. En reprĂ©sailles, les insurgĂ©s ont tirĂ© obus et roquettes sur Damas, tuant des centaines de civils.

Dans le pĂ©rimĂštre assiĂ©gĂ© d'une centaine de kmÂČ, les quelque 400.000 habitants souffrent de pĂ©nuries de nourritures et de mĂ©dicaments, et connaissent des cas de malnutrition qui menacent particuliĂšrement les enfants. MalgrĂ© ces conditions difficiles, les groupes rebelles islamistes jouissent toujours d'une "assise populaire", puisque "des milliers de combattants sont originaires de la rĂ©gion", relĂšve M. Abdel Rahmane. Jaich al-Islam, puissant groupe rebelle islamiste qui reconnaĂźt l'accord de dĂ©sescalade et participe aux nĂ©gociations sous l'Ă©gide de l'ONU, domine notamment la Ghouta orientale, oĂč il contrĂŽle Douma, la plus grande ville.

Il partage le pouvoir avec Failaq al-Rahmane, autre groupe d'insurgés islamistes qui contrÎle notamment les localités d'Erbine et de Hamouria. Mais ce sont les rebelles d'Ahrar al-Cham et les jihadistes de Fateh al-Cham, l'ex-branche d'Al-Qaïda, qui ont lancé l'offensive il y a une semaine contre la base militaire du régime.

- Issue militaire -

"Le régime va intensifier ses opérations pour (...) récupérer cette position, quel qu'en soit le prix", assure Sam Heller, du centre de réflexion Century Foundation. Ces derniers jours, les médias syriens proches du régime avaient confirmé l'envoi de renforts sur ce front. Pour M. Heller, on se dirige vers "une résolution militaire en faveur du régime", dans les zones de la Ghouta contrÎlées par Failaq al-Rahmane, Ahrar al-Cham, ou encore Fateh al-Cham.

Le défi est tout autre pour Jaich al-Islam: il représente "une force militaire non négligeable, et contrÎle une masse démographique importante", selon cet expert. Sans compter que ce groupe rebelle "est engagé dans des pourparlers sérieux avec la Russie, pouvant mener à une solution négociée qui permettrait le maintien de sa présence", précise-t-il. "L'accord de désescalade va s'effriter dans les semaines à venir", ajoute M. Landis. "Jusqu'à présent, Assad a préféré affamer et bombarder l'enclave de la Ghouta plutÎt que de lancer une coûteuse attaque frontale", souligne-t-il.

Par le passĂ©, l'ONU avait dĂ©noncĂ© cette politique de l'Ă©tat de siĂšge, qui avait permis au rĂ©gime de signer des accords de "rĂ©conciliation", obligeant les rebelles Ă  ĂȘtre transfĂ©rĂ©s vers la province d'Idleb, la seule dans le nord-ouest Ă  Ă©chapper entiĂšrement au pouvoir de Damas. "On peut s'attendre Ă  plus de pressions sur les milices de la Ghouta, pour les obliger Ă  se rendre, accepter une rĂ©conciliation ou la dĂ©portation vers Idleb", pronostique Joshua Landis.

AFP

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