La Turquie découvre et reproduit un pain vieux de 5.000 ans

  • PubliĂ© le 7 juin 2025 Ă  12:59
Du pain fabriquĂ© avec de la farine de blĂ© ancestral, de lentilles et de boulgour, comme l'Ă©tait celui de KullĂŒoba, dans la boulangerie municipale de Halk Ekmek, Ă  Eskisehir, en Turquie, le 23 mai 2025

Un pain vieux de 5.000 ans a Ă©tĂ© dĂ©couvert par des archĂ©ologues en Turquie oĂč il est dĂ©sormais reproduit, nourrissant l'intĂ©rĂȘt pour la culture de blĂ©s anciens plus adaptĂ©s Ă  la sĂ©cheresse.

"Il s'agit du pain levĂ© et cuit le plus ancien mis au jour lors d'une fouille, qui a pu en grande partie prĂ©server sa forme", affirme Murat TĂŒrkteki, archĂ©ologue et directeur des fouilles de KĂŒllĂŒoba, Ă  35 km de la ville d'Eskisehir (centre).

"Le pain est une trouvaille rare lors d'une fouille. GĂ©nĂ©ralement, on ne retrouve que des miettes. Mais ici, il a pu ĂȘtre prĂ©servĂ© car il avait Ă©tĂ© brĂ»lĂ© et enterrĂ©", explique-t-il Ă  l'AFP, Ă©voquant cette dĂ©couverte rendue publique la semaine derniĂšre.

Rond et plat comme une galette, de 12 cm de diamĂštre, le pain de KĂŒllĂŒoba a Ă©tĂ© dĂ©couvert en septembre 2024, carbonisĂ© et enterrĂ© sous le seuil d'une habitation construite Ă  l'Ăąge du bronze, aux alentours de 3.300 av. J.-C.

Un morceau avait été arraché, avant que le pain ne soit brûlé puis enterré lors de la construction de l'habitation.

"Cela nous fait penser Ă  un rituel d'abondance", glisse M. TĂŒrkteki.

- "Emus par cette découverte" -

En l'absence de trace Ă©crite, la civilisation anatolienne de KĂŒllĂŒoba demeure en grande partie mystĂ©rieuse, comme les habitudes de ses habitants d'enterrer leurs maisons avant de partir s'installer ailleurs ou de construire de nouvelles habitations sur les anciennes structures, formant ainsi des monticules.

À l'Ăąge de bronze, les Hatti, un peuple d'Anatolie qui a prĂ©cĂ©dĂ© les Hittites, vivaient dans la rĂ©gion d'Eskisehir.

"KĂŒllĂŒoba Ă©tait une agglomĂ©ration urbaine de taille moyenne oĂč l'on trouvait des activitĂ©s commerciales, de l'artisanat, de l'agriculture, de l'exploitation miniĂšre. Il existait clairement un certain ordre familial et social", explique l'archĂ©ologue Deniz Sari.

Des analyses ont démontré que le pain a été fabriqué avec de la farine grossiÚrement moulue d'amidonnier, une variété de blé ancien et des graines de lentille, la feuille d'une plante encore indéterminée ayant servi de levure.

Le pain carbonisé est exposé depuis mercredi au musée archéologique d'Eskisehir.

"Cette dĂ©couverte nous a beaucoup Ă©mus. En discutant avec notre directeur des fouilles, je me suis demandĂ©e si on pouvait reproduire ce pain", raconte Ayse ÜnlĂŒce, la maire d'Eskisehir.

Pour s'approcher au mieux de la recette originale, la municipalité, aprÚs analyses du pain plurimillénaire, a choisi d'utiliser du blé Kavilca - l'amidonnier ancien n'existe plus en Turquie -, une variété proche, également ancienne, du boulgour et des lentilles.

- Résistant à la sécheresse -

Dans les locaux du Halk Ekmek (Pain du peuple, en turc), une boulangerie municipale qui propose du pain Ă  bas coĂ»t, les employĂ©s façonnent Ă  la main 300 pains de KĂŒllĂŒoba par jour depuis la semaine derniĂšre.

"La combinaison de la farine de blĂ© ancestral, de lentilles et de boulgour donne un pain riche, rassasiant, faible en gluten et sans conservateurs", explique Serap GĂŒler, directrice du Halk Ekmek d'Eskisehir.

Les premiers pains de KĂŒllĂŒoba, commercialisĂ©s sous forme de galettes de 300 grammes pour 50 livres turques (1,12 euro environ), se sont Ă©coulĂ©s en quelques heures.

"J'ai couru car j'avais peur qu'il n'en reste plus. Je suis curieuse de connaßtre le goût de ce pain ancien", explique Suzan Kuru, une cliente.

"Ces terres ont conservĂ© ce pain pendant 5.000 ans et nous ont fait ce cadeau. Nous avons le devoir de protĂ©ger cet hĂ©ritage et de le transmettre", estime Mme ÜnlĂŒce.

La province d'Eskisehir, autrefois riche de nombreuses sources d'eau, souffre aujourd'hui de la sécheresse.

"Nous sommes face Ă  une crise climatique mais nous cultivons encore du maĂŻs ou du tournesol, trĂšs demandeurs en eau. Or nos ancĂȘtres nous donnent une leçon. Nous devrions, comme eux, nous orienter vers des cultures peu exigeantes" en eau, affirme la maire, qui souhaite relancer dans sa rĂ©gion la culture du blĂ© de Kavilca, rĂ©sistant Ă  la sĂ©cheresse et aux maladies.

"Il nous faut des politiques publiques trÚs fortes à ce sujet. Cultiver les blés anciens sera une avancée symbolique en ce sens", juge-t-elle.

AFP

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