En 2019, la lutte antidopage ressemble toujours au jeu des gendarmes et des voleurs -- ou du chat et de la souris -- , mais dans une version plus sophistiquĂ©e, oĂč les premiers espĂšrent avoir gagnĂ© un peu de terrain sur les seconds, selon des experts prĂ©sents Ă la confĂ©rence mondiale sur le dopage dans le sport.
Mardi, un officier de police autrichien, qui a participĂ© Ă l'enquĂȘte dite Aderlass ("saignĂ©e" en allemand) sur un rĂ©seau de dopage sanguin dĂ©mantelĂ© depuis l'Allemagne dĂ©but 2019, a jetĂ© un froid lors de la confĂ©rence, qui s'achĂšve jeudi Ă Katowice (Pologne).
Pour cet enquĂȘteur, Franz Schwarzenbacher, l'affaire Aderlass, ce sont "trente sportifs", notamment dans l'Ă©lite du cyclisme et du ski de fond, qui ont eu recours Ă des autotransfusions, "parfois deux fois par jour", Ă de l'EPO et de l'hormone de croissance.
"Ces sportifs étaient testés beaucoup, beaucoup de fois, avec des contrÎles d'urine et de sang, et tous les tests étaient négatifs", entre 2011 et 2019, a relevé l'officier.
"Il y a donc bien une faille dans le systĂšme", a-t-il ajoutĂ©, jugeant les enquĂȘtes policiĂšres plus efficaces que les contrĂŽles antidopage, plus de 300.000 par an dans le monde pour un rĂ©sultat de moins de 2% positifs.
- "Complexe" -
Pour améliorer leurs performances, certains clients du docteur allemand au c?ur du réseau, Mark Schmidt, s'injectaient leur sang dans les deux heures précédant la compétition et se le retiraient dans les deux heures suivant la course. Pendant ces périodes, les prises de sang destinées au passeport biologique, qui permettrait de faire apparaßtre des variations de valeurs sanguines suspectes, sont plus rares, notamment avant le départ, pour ne pas perturber la préparation du sportif.
Les responsables de l'antidopage comptent beaucoup sur de nouvelles techniques, comme celle de la tache de sang séché ("dried blood spot"), moins contraignante. Mais la méthode n'est pas encore mise au point. Et les autotransfusions sont toujours indétectables.
Néanmoins, pour le directeur de l'Agence antidopage autrichienne (Nada), Michael Cepic, si les tricheurs ont amélioré leurs méthodes, c'est que l'étau s'est resserré.
"Cela devient de plus en plus difficile et complexe de se doper" sans que le passeport sanguin ne clignote, explique-t-il Ă l'AFP. D'aprĂšs lui, le mĂ©decin allemand a confiĂ© aux enquĂȘteurs qu'il conseillait aux sportifs "de ne pas faire les imbĂ©ciles avec l'EPO (...) parce que le niveau de dĂ©tection est trĂšs Ă©levĂ©".
Un avis partagé par le directeur du laboratoire antidopage de Gand (Belgique), Peter Van Eenoo. "Le systÚme n'est pas parfait (...) Mais il y a vingt ans, beaucoup de substances étaient indétectables. Ce n'est plus le cas", a-t-il lancé.
D'aprĂšs lui, les tricheurs sont descendus encore plus bas que les "micro-doses", et les effets sur la performance sont moins importants.
- "Soyez imprévisibles" -
Pour le patron de l'UnitĂ© d'intĂ©gritĂ© de l'athlĂ©tisme (AIU), l'Australien Brett Clothier, les angles morts se trouvent dans les combinaisons de produits dopants "pris Ă petites doses", avec "des fenĂȘtres de dĂ©tection trĂšs courtes". Les tricheurs "les plus sophistiquĂ©s sont toujours trĂšs trĂšs difficiles Ă attraper", a-t-il rĂ©sumĂ©.
Ăchapper aux contrĂŽles inopinĂ©s hors compĂ©tition reste une autre mĂ©thode pour tricher, ont relevĂ© les experts. Les sportifs de haut niveau inscrits sur les listes ("groupes cibles") des fĂ©dĂ©rations internationales ou des agences nationales antidopage ont l'obligation d'ĂȘtre localisables, pour pouvoir se prĂȘter Ă de tels contrĂŽles. Au bout de trois "no show" sur une pĂ©riode de douze mois, le fautif encourt deux ans de suspension, ce qui a failli arriver au sprinter amĂ©ricain Christian Coleman, sauvĂ© sur le fil pour une question de dates.
Mais certains "manipulent le systĂšme", a soulignĂ© Brett Clothier. "Ils ont des brĂšches, comme la possibilitĂ© de rater deux contrĂŽles. S'ils savent qu'ils vont ĂȘtre contrĂŽlĂ©s positifs, ils n'ouvrent simplement pas la porte", abonde le patron du labo de Gand.
"Soyez imprévisibles !", a-t-il ajouté, en conseillant par exemple de tester un athlÚte suspect "tous les premiers lundi du mois pendant six mois" pour l'installer dans une zone de confort, puis de le surprendre "le troisiÚme jeudi du sixiÚme mois".
AFP

