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L'assaut du Raid Ă  Saint-Denis: des heures sous la mitraille

  • PubliĂ© le 1 janvier 2016 Ă  12:35
Le corps d'un homme tué lors de l'assaut du Raid le 18 novembre 2015 à Saint-Denis

Un immeuble Ă©ventrĂ©, une tĂȘte humaine dans la rue, des milliers de cartouches tirĂ©es: l'assaut du Raid Ă  Saint-Denis le 18 novembre, prĂ©parĂ© dans l'urgence, a manquĂ© l'effet de surprise et conduit Ă  un siĂšge de plusieurs heures d'une extrĂȘme violence.


"Un assaut d'une extrĂȘme difficultĂ©", explique dĂšs le lendemain le procureur de la RĂ©publique François Molins qui Ă©voque "plus de 5.000 munitions" utilisĂ©es par les policiers. Les enquĂȘteurs retrouveront plus de 1.500 Ă©tuis de diffĂ©rents calibres "provenant vraisemblablement de tirs effectuĂ©s par la police", selon une source proche de l'enquĂȘte.
La cible du Raid était un appartement rue Corbillon à Saint-Denis dans lequel étaient retranchés Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé des attentats du 13 novembre qui ont fait 130 morts, sa cousine Hasna Aitboulahcen et un complice toujours non identifié.
Il est 4H20 quand les policiers pĂ©nĂštrent dans l'immeuble. Ils s'arrĂȘtent devant un appartement au troisiĂšme et posent des charges explosives. La porte rĂ©siste aux explosifs.
Les autoritĂ©s parleront d'abord d'une "porte blindĂ©e". Un blindage qui n'apparaĂźt pas dans l'enquĂȘte, selon une source proche du dossier. Une des trois charges n'a pas fonctionnĂ©, selon une source policiĂšre. ConsĂ©quence, "nous avons perdu l'effet de surprise", reconnaĂźtra Jean-Michel Fauvergue, le chef du RAID.
"On a Ă©tĂ© rapidement ensuite accueilli Ă  coup de kalachnikov", dira-t-il encore. Les enquĂȘteurs n'ont pas retrouvĂ© de kalachnikov. Seul un pistolet semi-automatique belge sera exhumĂ© des gravats. Les jihadistes Ă©taient Ă©galement armĂ©s de grenades et de deux ceintures explosives. Cinq policiers seront blessĂ©s durant l'assaut, le chien du Raid tuĂ©.
- 'J'ai envie de partir' -
Des grenades sont lancées dans les escaliers et depuis le toit. La situation est confuse, un sniper du Raid mentionne à un moment la présence d'un homme sur le toit.
Pendant de longues heures, des "tirs nourris". "J'entendais des coups de feux, le sol se fissurer (...) j'ai entendu les policiers qui voulaient plus de munitions, ça continuait à tirer", se souvient une voisine.
"On savait qu'on avait affaire Ă  des gens extrĂȘmement aguerris, dĂ©terminĂ©s, qui n'allaient pas se rendre", souligne une source policiĂšre, "il faut ĂȘtre montĂ© au feu dans ces conditions et trois jours aprĂšs les attentats pour pouvoir porter un jugement de valeur".
"L'objectif assignĂ© au RAID (...) Ă©tait d'interpeller et si nĂ©cessaire neutraliser, avec toutes les prĂ©cautions indispensables, des individus extrĂȘmement dangereux, susceptibles d'ĂȘtre impliquĂ©s dans les attentats du 13 novembre et d'ĂȘtre porteurs d'armes et d'explosifs (...) Le RAID a utilisĂ©, en fonction des Ă©lĂ©ments portĂ©s Ă  sa connaissance, les moyens nĂ©cessaires Ă  la conduite de ce type d'opĂ©rations", dĂ©fend auprĂšs de l'AFP Jean-Marc Falcone directeur gĂ©nĂ©ral de la police nationale (DGPN).
Le quartier est bouclĂ©, la prĂ©fecture ferme les Ă©coles et collĂšges du centre ville, mĂ©tros, bus et tramway desservant Saint-Denis sont Ă  l'arrĂȘt, une cinquantaine de militaires sont dĂ©ployĂ©s dans la ville, des dizaines de journalistes du monde entier se pressent aux abords du pĂ©rimĂštres de sĂ©curitĂ©.
Les habitants du quartier continuent d'entendre de fortes dĂ©tonations ponctuĂ©es d'intenses fusillades. Un voisin enregistre un Ă©change entre une femme et les policiers qui sera diffusĂ© sur TF1. "J'ai envie de partir", hurle la voix fĂ©minine, "lĂšve tes deux mains, tu fermes ta bouche, il est oĂč ton copain ?" lui rĂ©pond une voix masculine. "C'est pas mon copain ! Est-ce que je peux sortir? Laissez moi sortir" hurle-t-elle.
"Qui est-ce que t'appelles ?", demande alors le policier. Il y a ensuite une explosion, selon le RAID qui croira dans un premier temps que c'est Hasna Aitboulahcen qui a actionnĂ© sa ceinture d'explosif. L'enquĂȘte rĂ©vĂšle que c'est le complice d'Abdelhamid Abaaoud, encore non identifiĂ©, qui a explosĂ© provoquant l'effondrement d'un mur sous lequel sera retrouvĂ© le corps de la jeune femme.
11H26, un source policiĂšre annonce la fin de l'intervention Ă  la presse.
Lors des constatations, les enquĂȘteurs trouveront dans la rue "une partie de tĂȘte humaine Ă  laquelle demeure attachĂ© un morceau de colonne vertĂ©brale", "une partie de visage", "des dents", des tĂ©lĂ©phones portables, des Ă©crous, des clĂ©s...
Le plancher de l'appartement s'est effondrĂ©, celui des combles aussi. Il faut Ă©tayer et consolider l'immeuble avant de pouvoir fouiller les gravats, "une scĂšne de crime extrĂȘmement complexe", selon une source proche de l'enquĂȘte.
Outre le pistolet, les enquĂȘteurs retrouvent une rĂ©plique d'une arme de mĂȘme type et "plusieurs morceaux de matiĂšre organique", d'autres portables, des Ă©tuis percutĂ©s, un GPS... La violence de l'assaut a Ă©tĂ© telle que les enquĂȘteurs retrouveront encore des tĂ©lĂ©phones sur le toit.
Abaaoud, son complice et sa cousine Hasna Aitboulahcen ont été tués dans l'assaut. Plusieurs résidents ont été interpellés puis relùchés. Parmi eux, Ahmed, locataire égyptien sans-papiers, voisin des jihadistes, qui a été blessé par la police.

- © 2015 AFP
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