Le Royaume-Uni pourrait progressivement devenir un pays sans tabac. Les députés débattent mardi d'un projet de loi selon lequel les jeunes de moins de 15 ans aujourd'hui ne se verront jamais vendre légalement de cigarettes.
Le tabagisme est la principale cause de mortalité évitable au Royaume-Uni, selon le gouvernement. Il est responsable d'environ 80.000 décÚs par an. Par ailleurs, il coûte au service de santé public, le NHS, et à l'économie environ 20 milliards d'euros par an.
Le Premier ministre conservateur Rishi Sunak a lancĂ© Ă l'automne, Ă la surprise gĂ©nĂ©rale, une politique trĂšs ambitieuse de lutte contre le tabagisme, mĂȘme si celle-ci divise son camp.
"Trop de gens connaissent quelqu'un dont la vie a été tragiquement interrompue ou irréversiblement changée à cause du tabagisme", a déclaré mardi la ministre de la Santé Victoria Atkins.
"Nous devons essayer d'empĂȘcher les adolescents de commencer Ă fumer", avait dit Rishi Sunak en octobre, quand il a parlĂ© pour la premiĂšre fois de ce projet, lors du congrĂšs du parti conservateur. Downing Street avait alors estimĂ© que le projet pourrait permettre "d'Ă©liminer presque complĂštement le tabagisme chez les jeunes dĂšs 2040".
Quatre fumeurs sur cinq ont commencĂ© avant l'Ăąge de 20 ans et restent dĂ©pendants jusqu'Ă la fin de leur vie, mĂȘme si la plupart d'entre eux ont essayĂ© d'arrĂȘter, selon des chiffres du gouvernement.
"Une grande majorité des fumeurs aimerait ne jamais avoir commencé", a souligné sur la BBC le professeur Chris Whitty, conseiller médical en chef du gouvernement britannique. Mais "une fois qu'ils sont devenus dépendants, ils n'ont plus le choix".
Il a critiqué l'industrie du tabac qui "gagne de l'argent en rendant dépendantes des personnes qui vivent généralement dans les régions les plus défavorisées du pays".
Avant le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande avait fait voter en 2022 au Parlement un texte similaire, interdisant la vente de cigarettes à toute personne née aprÚs 2008. Mais fin 2023, le nouveau gouvernement conservateur a annoncé l'abandon de ces mesures pionniÚres.
- "Anti-conservateur" -
Rishi Sunak fait face à une forte opposition au sein des Tories, dont plusieurs élus ont annoncé qu'ils voteraient contre un texte qu'ils jugent contraires aux libertés individuelles.
Liz Truss, Ă©phĂ©mĂšre cheffe du gouvernement avant Rishi Sunak, l'a qualifiĂ© d'"anti-conservateur". "Nous sommes un pays libre. Nous ne devrions pas ĂȘtre ceux qui disent aux gens de ne pas fumer".
L'ex-Premier ministre Boris Johnson a également critiqué le texte, estimant que c'était "juste fou" pour le parti de Winston Churchill de vouloir interdire "les cigares" dont l'ancien dirigeant conservateur était amateur.
Le député conservateur Simon Clarke estime pour sa part que le projet, qu'il a qualifié de "contre-productif", risque de rendre la cigarette "plus cool" et de "créer un marché noir".
Rishi Sunak pourra cependant compter sur les voix du parti travailliste pour faire voter son texte. Mais l'opposition de nombreux élus de sa majorité risque d'affaiblir encore son autorité et de renforcer les divisions au sein de son parti, déjà largement devancé par le Labour dans les sondages à l'approche des législatives attendues cette année.
De nombreux médecins ont appelé les députés à voter en faveur de ce projet.
Pour le professeur Steve Turner, président du CollÚge royal pour la pédiatrie et la santé infantile, ce projet de loi "sauvera sans aucun doute des vies".
Ce texte prévoit également de lutter contre le vapotage chez les jeunes en posant des restrictions sur les arÎmes et en réglementant la façon dont les produits de vapotage sont vendus et emballés afin de les rendre moins attrayants.
En janvier, Rishi Sunak a aussi annoncé l'interdiction des cigarettes électroniques jetables.
Au goût d'ananas, de fraise ou autres fruits appétissants et vendus dans des petits tubes colorés, les "puffs" rencontrent un succÚs croissant chez les adolescents. Selon des chiffres officiels, parmi les jeunes de 11 à 17 ans qui vapotent au Royaume-Uni, la part de ceux qui consomment des cigarettes électroniques jetables a été multipliée par neuf en deux ans.
AFP

