Pollution

Le sort des vieux diesels en ville soumis Ă  la justice allemande

  • PubliĂ© le 22 fĂ©vrier 2018 Ă  10:16
  • ActualisĂ© le 22 fĂ©vrier 2018 Ă  10:57
Le pot d'échappement d'un véhicule diesel, à Wickede, en Allemagne, le 21 février 2018

La justice allemande pourrait ouvrir la voie jeudi à des interdictions des véhicules diesel les plus anciens en centre-ville pour purifier l'air, une perspective cauchemardesque pour les industriels et les pouvoirs politiques.


La Cour administrative fĂ©dĂ©rale se rĂ©unit Ă  partir de 10H00 GMT Ă  Leipzig (est) et devrait rendre un arrĂȘt de principe dans la journĂ©e. ConcrĂštement, elle doit dĂ©cider si les autoritĂ©s ont l'obligation, pour protĂ©ger l'air, d'interdire dans certaines zones les vĂ©hicules diesel les plus polluants, majoritairement responsables des Ă©missions d'oxydes d'azote qui favorisent les maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Sont concernés quelque 9,4 millions de véhicules diesel aux normes les plus anciennes, Euro 5 et Euro 4, immatriculés en Allemagne. Pour la puissante industrie automobile allemande, une telle mesure serait désastreuse. La seule perspective de telles interdictions a déjà accéléré la chute des ventes de voitures diesel dans le pays qui a inventé cette technologie. Leur part de marché est passée de 48% en 2015 à 39% environ en 2017.

Mais les dĂ©fenseurs de l'environnement voient les choses autrement: il s'agit tout simplement pour la Cour de permettre "aux gens dans les villes allemandes de respirer de l'air pur d'ici la fin de l'annĂ©e", estime JĂŒrgen Resch, qui dirige la Deutsche Umwelthilfe (DUH).

- Dans le viseur de Bruxelles -

Selon l'Office fĂ©dĂ©ral de l'environnement, quelque 70 villes allemandes prĂ©sentaient encore des taux de dioxyde d'azote supĂ©rieur au seuil annuel moyen de 40 microgrammes/m3 en 2017. Munich, Stuttgart et Cologne sont les plus mauvaises Ă©lĂšves. La Commission europĂ©enne menace de son cĂŽtĂ© Berlin de poursuites pour son inaction. L'organisation environnementale DUH avait saisi les tribunaux pour forcer des dizaines de communes allemandes, dont Stuttgart (sud) et DĂŒsseldorf (ouest), Ă  durcir leur rĂ©ponse Ă  la pollution de l'air.

Enjoints en premiĂšre instance d'envisager des interdictions de circulation des vĂ©hicules les plus polluants dans leurs capitales respectives, les Etats rĂ©gionaux du Bade-Wurtemberg (sud-ouest) et de RhĂ©nanie-du-Nord-Westphalie (oust) se sont tournĂ©s vers la Cour fĂ©dĂ©rale administrative, qui doit dĂ©sormais arbitrer. Si elle confirme les jugements de Stuttgart et DĂŒsseldorf, les Etats rĂ©gionaux concernĂ©s devront mettre en place des interdictions sur mesure.

Et la Cour enverra aussi un signal clair, Ă  mĂȘme de faire pression sur Berlin et les industriels pour qu'ils passent Ă  la vitesse supĂ©rieure dans la lutte contre la pollution. Le gouvernement sortant a jusqu'Ă  prĂ©sent mis sur pied un fonds d'un milliard d'euros pour aider les villes Ă  dĂ©velopper leur rĂ©seau de transports publics ou encore leur flotte de vĂ©hicules Ă©lectriques. Les constructeurs allemands (Volkswagen, Daimler, BMW) ont pour leur part entamĂ© une mise Ă  jour logicielle de millions de vĂ©hicules diesel pour en rĂ©duire les Ă©missions polluantes, dans le sillage du scandale aux moteurs truquĂ©s de VW, et mis en place des primes Ă  l'achat de vĂ©hicules plus propres.

- Lourde facture -

Des mesures jugées toutefois insuffisantes. "Nous estimons qu'une décision en faveur d'une interdiction de circulation accélÚrerait grandement la modernisation" en profondeur des véhicules concernés, souligne le dirigeant de la DUH. Les constructeurs freinent jusqu'ici des quatre fers. Pour le patron de la marque Audi (groupe Volkswagen) Rupert Stadler, les mises à jour des logiciels suffisent à elle seules à "réduire en moyenne jusqu'à 30% les émissions de dioxyde d'azote".

Des changements plus radicaux, comme l'installation de nouveaux catalyseurs, ne seraient "pas beaucoup plus efficaces" et prendraient Ă©galement "Ă©normĂ©ment de temps", affirme-t-il dans un entretien au journal des affaires Handeslblatt mercredi. Un avis pourtant mis en doute par de nombreux experts. Jusqu'au lobby automobile allemand ADAC lui mĂȘme, qui a publiĂ© mardi une Ă©tude en faveur d'une modernisation en profondeur des moteurs.

Mais la mesure prendrait des années, et s'annonce coûteuse: au moins 7,6 milliards d'euros selon l'analyste Arndt Ellington de la banque Evercore ISI, cité par le journal.

AFP

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